Quand le DSI se transforme en chef d’orchestre

L’IoT, la Blockchain, la réalité augmentée, l’intelligence artificielle redéfinissent l’écosystème économique, l’environnement IT et les usages des consommateurs. Ces dernières années, de nombreuses entreprises se sont lancées dans l’aventure en expérimentant ces nouvelles technologies.

La 6ème édition de l’étude Tech Trends de Deloitte montre que l’année 2018 sera marquée par une nouvelle étape dans la transformation numérique des entreprises, avec le développement d’approches plus globales.

Chaque année, le cabinet de conseil Deloitte dévoile ses Tech Trends. En 2017, les consultants avaient retenu comme fil rouge « l’entreprise cinétique » (car en mouvement, avec la multiplication des Proofs of Concept). Cette année, l’expression qui résume la situation est « l’entreprise symphonique ». Pour Sébastien Ropartz, associé Conseil Technology Strategy & Architecture chez Deloitte, « en 2018, nous verrons émerger une entreprise qui saura créer une harmonie entre stratégie, technologies et opérations, une entreprise qui saura faire jouer en rythme les technologies stars pour écrire une nouvelle partition vers le succès. »

En effet, poursuit-il, « au fil des expérimentations, l’interdépendance entre les technologies et les programmes de transformation s’est révélée de plus en plus évidente. Car il n’y a pas d’analytique sans Big Data et pas de Big Data sans une infrastructure cloud. » Pour Eric Delgove, associé Conseil Technology Strategy & Architecture chez Deloitte, « le DSI a repris un rôle fondamental dans l’orchestration de tous ces éléments et l’industrialisation des innovations va étendre son périmètre à l’usine 4.0. »Deloitte a ainsi identifié huit tendances majeures qui contribuent à transformer les DSI et à en faire, si ce n’était pas déjà le cas, des « chefs d’orchestre ».

1. De nouveaux modèles de prestations et de gouvernance pour repenser la DSI

Au cours des dernières années, DSI et métiers se sont rapprochés pour intégrer toujours plus en profondeur les innovations digitales dans la stratégie de l’entreprise. Face à une accélération du rythme des ruptures technologiques, les DSI doivent se concentrer sur la création d’un environnement dans lequel l’infrastructure est évolutive et l’architecture ouverte et extensible.

Pour atteindre cet objectif, elles doivent automatiser des opérations, adresser la dette technique, héritage des choix d’architecture passés, et moderniser les services d’infrastructure. « Les DSI devraient avoir le réflexe du « cloud first », pour réduire les coûts, y compris pour les applications cœur de métier », suggère Olivier Lallement, senior manager chez Deloitte. Le modèle d’architecture flexible, « fondé sur des services cloud et plébiscité par les start-up, a démontré son efficacité. Une adoption globale par le marché semble inévitable. Reposant sur des plateformes virtualisées et « conteneurisées », il permet une réactivité dans la mise à disposition des services et une élasticité des ressources », ajoute-t-il.

Par ailleurs, la frontière entre les compétences métiers et SI devenant plus floue au sein de l’entreprise, les DSI doivent proposer un nouveau modèle de fonctionnement en réorganisant les compétences dans un modèle transverse, en apportant de la souplesse dans l’allocation des ressources et en assumant une part d’incertitude dans le portefeuille d’investissement.

Pour Deloitte, « la transformation de ce modèle commence par un rapprochement des expertises au sein d’équipes polyvalentes, évolutives et focalisées sur un objectif commun. Cette réorganisation s’accompagne d’un changement radical dans les modes de delivery (Agile, DevOps). »

2. Vers de nouveaux modes de collaboration hommes/machines

Dans les années à venir, les humains et les machines travailleront ensemble dans un flux continu, chacun complétant les efforts de l’autre. Les solutions d’automatisation intelligente permettront d’augmenter la performance des individus en simplifiant certaines tâches au sein d’une activité. Elles libéreront ainsi du temps humain, pour le réaffecter à la résolution de problèmes qui nécessitent de l’empathie, des qualités relationnelles et de l’intelligence émotionnelle.

« Le défi, pour les entreprises, consistera à montrer aux équipes en place les opportunités offertes par la technologie et à les leur faire accepter. Le management devra penser à une nouvelle organisation centrée sur la créativité et la contribution sociale des salariés. Les entreprises devront, en outre, s’assurer que leurs collaborateurs sont à l’aise avec la technologie et qu’ils peuvent s’adapter rapidement aux évolutions constantes de leur rôle. Enfin, il sera primordial que les RH et la DSI s’accordent sur la gestion des talents », souligne Eric Delgove.

3. La valorisation et la souveraineté des données

Les agents conversationnels, la vision par ordinateur, la compréhension du langage naturel ou encore les agents virtuels sont des technologies d’intelligence artificielle désormais utilisées au sein des entreprises. Cependant, d’autres technologies, comme les systèmes experts, sont en passe d’être évincées par de nouvelles, plus robustes et plus performantes, telles que le Machine et le Deep Learning. De plus, certains cas d’usage basés sur l’intelligence artificielle sont assez matures, comme les modèles prédictifs et les conseillers experts cognitifs, tandis que d’autres sont plutôt futuristes comme les véhicules autonomes et l’intelligence artificielle générale.

« En 2020-2025, l’utilisation d’applications IA comme les chatbots, la vision par ordinateur et les robots intelligents devrait connaître un essor considérable », souligne Eric Delgove. Historiquement, en termes d’architecture de données, deux approches ont prévalu pour collecter et agréger les données. D’une part, les approches par métier, où chacun bâtit son système selon ses besoins spécifiques, s’assurant ainsi un outillage des problématiques, mais entraînant des difficultés de réconciliation sur le long terme.

D’autre part, les approches contraintes transverses, visant à réconcilier l’ensemble des données autour d’un modèle métier commun, nécessitant des architectures et des procédures complexes pour maintenir la qualité des données sur le long terme. Mais, à mesure que les volumes des données explosent et que les coûts du stockage diminuent, il faut imaginer de nouvelles architectures de données (voir encadré, ci dessous).

4. Le numérique au cœur des opérations métiers

Le digital s’apprête à révolutionner les processus cœur de métier. L’Internet des Objets, la Robotic Process Automation (RPA), la Blockchain et l’intelligence artificielle redéfinissent complètement la chaîne logistique et les moyens de production.

Par exemple, la Blockchain permet d’assurer la traçabilité des produits et de certifier les transactions entre les acteurs de la chaîne logistique. En combinant cette technologie avec l’IoT et l’analyse prédictive, il est envisageable d’autoréguler les flux logistiques depuis les entrepôts des fournisseurs jusqu’aux points de livraison.

5. Finis les prototypes, place à l’industrialisation

Pour Deloitte, « la révolution induite par la réalité virtuelle et la réalité augmentée entame une étape charnière de son développement. Le temps des « Proofs Of Concept » et des initiatives de niche touche à sa fin, les entreprises commencent à mettre en place des stratégies « globales » sur ces sujets en s’appuyant sur des cas d’usage innovants et des prototypes industriels. »

Certes, des barrières à l’entrée demeurent, « mais les opportunités pour les entreprises et les particuliers sont telles qu’une adoption de masse est imminente », assurent les consultants de Deloitte.  Certains acteurs ont d’ailleurs déjà commencé à établir de nouvelles règles de conception et de design et à acquérir des compétences clés.

6. La Blockchain : une généralisation désormais envisageable

Entre grands groupes et start-up, expérimentations internes et développement des places de marché, Blockchain privée et Blockchain publique, rien n’est encore joué pour une utilisation à grande échelle de la Blockchain. Les pionniers en la matière nouent des alliances pour imposer leurs modèles. En effet, différentes technologies de Blockchain existent et doivent être rendues interopérables. Cela permettrait aux entreprises, notamment, de partager plus facilement des solutions Blockchain et de collaborer à leur développement en continu.

En outre, les développeurs pourraient acquérir des connaissances approfondies sur une Blockchain en particulier plutôt que de se disperser à se former sur de multiples technologies.« Au-delà du manque de standardisation des technologies, qui présente un défi à moyen terme, une autre préoccupation concernant la Blockchain est l’évolution de la législation. Si, d’un point de vue juridique, Blockchain et crypto-monnaies sont dans une zone grise, cela ne sera pas le cas très longtemps. Aussi, il est légitime de questionner le devenir des systèmes Blockchain développés actuellement et leur adéquation avec la législation future. En France, nous bénéficions de régulateurs bienveillants sur l’utilisation des technologies Blockchain. Citons, par exemple, la consultation publique du Trésor pour les minibons en 2017, ou celle de l’Autorité des Marchés Financiers sur les ICOs dernièrement », commente Olivier Lallement, senior manager Conseil Technology Strategy & Architecture chez Deloitte.

7. L’impératif de l’API : un levier pour la DSI comme pour les métiers

Les besoins croissants d’agilité, l’arrivée à maturité de standards et de technologies d’intégration incitent de plus en plus d’organisations à développer une approche d’interfaces de programmation d’applications (API) facilement interopérables et réutilisables. Pour Olivier Lallement, «  cette approche n’est pas nouvelle, mais elle n’est désormais plus réservée à un usage interne à l’entreprise, c’est le modèle de tous les géants du Web, il faut bien sûr contrôler les API et savoir qui se connecte, ce qui nécessite un travail d’architecture en amont, projet par projet, avec une « culture API ». »

Ces API sont capables de donner une seconde vie à des systèmes obsolètes. « Elles permettent à un écosystème, interne ou de partenaires, de développer rapidement de nouveaux usages ou services innovants, et contribuent à accélérer la concrétisation de grandes initiatives de transformation digitale », résument les consultants de Deloitte, pour qui « en faisant des API un levier stratégique, les entreprises peuvent significativement améliorer le retour sur investissement de leurs actifs IT et libérer leur potentiel d’innovation pour mieux se différencier sur leurs marchés. »

8. Vers « l’intelligence artificielle globale » et l’informatique quantique

Les progrès continus dans le domaine de l’intelligence artificielle suggèrent que, dans un futur plus ou moins lointain, la technologie pourrait atteindre les capacités intellectuelles sociales et émotionnelles de l’être humain et, de fait, effacer la frontière entre les machines et celles-ci. « Connue sous le nom d’intelligence artificielle générale (IAG), cette version avancée de l’IA aurait des capacités qui correspondent à l’instinct. Un système IAG abouti aurait la capacité de raisonner dans l’incertitude, de prendre des décisions, de sentir et de communiquer naturellement », prévoient les consultants de Deloitte. « Nous n’y sommes pas encore », nuance Eric Delgove.

Pour sa part, l’informatique quantique n’en est qu’au stade experimental, mais elle constitue déjà une menace pour la cybersécurité. « C’est une arme de destruction massive », assure Eric Delgove. En effet, elle promet une puissance de calcul telle qu’elle serait capable de déchiffrer n’importe quel système de cryptage classique en quelques secondes. Cependant, estime Deloitte, « le jour d’un déchiffrement généralisé grâce à une puissance quantique est encore lointain. Dans l’intervalle, les chercheurs en cryptographie produiront de nouveaux algorithmes de chiffrement plus robustes, repoussant l’échéance de la menace. »


Qu’est-ce qu’une entreprise symphonique ?

Selon Deloitte, « l’année 2018 sera marquée par la coordination de la transformation numérique. Nous voyons émerger l’entreprise symphonique : une entreprise qui saura faire jouer en rythme ses différentes composantes ; une entreprise qui donnera le ton à ses concurrents. » Cette coordination interne touchera les technologies cognitives, par exemple.

« Elles étaient exploitées par les métiers dans des domaines circonscrits l’année passée. Elles seront étendues à l’échelle de l’entreprise cette année, nécessitant de revoir la stratégie de gestion des ressources humaines pour y intégrer de nouveaux types de collaborateurs : les robots. » En parallèle, souligne le cabinet de conseil, des dynamiques de coordination à l’échelle d’un secteur entier pourront être observées, dans le secteur de l’assurance, par exemple : « La maturité des technologies Blockchain sera démontrée par des acteurs visionnaires qui s’appuieront sur leur avance pour orchestrer de nouvelles régulations, pour conduire la rédaction de nouveaux standards et référentiels de bonnes pratiques. »


Les cinq composants des nouvelles architectures de données

  • Le hub d’intégration et de traitement des signaux : il prend en charge la collecte et le stockage des données brutes au sein d’un Data Lake et peut s’appuyer sur des outils d’analyse, de langage ou d’images, pour extraire les données issues de canaux complexes (signal audio, vidéo, chatbot, mailbot).
  • Le moteur d’exploration des données : s’appuyant sur un dictionnaire de données, il permet de gérer les métadonnées et de définir dynamiquement les liens et les entrées permettant l’accès aux données.
  • Le moteur de contrôle d’intégrité et de conformité : il contrôle la qualité et vérifie la conformité des informations tout au long de la chaîne de traitement.
  • L’assistant intelligent pour l’intendance des données : les opérations de contrôle et de validation des intendants (Data Stewards) sont optimisées par des robots prenant en charge une partie des opérations d’enrichissement et de correction des données.
  • La couche de visualisation et de restitution des données : les solutions de Machine Learning et d’analytique offrent aux Data Scientists une nouvelle palette d’analyse et de restitution des données.

Source : Deloitte.


Des dirigeants d’entreprises redevenus optimistes…

qui veulent moderniser les SISelon le baromètre 2018 des grandes entreprises françaises, les dirigeants ont retrouvé leur optimisme : « Pour la première fois depuis sept ans, toutes les prévisions sont à la hausse : neuf dirigeants sur dix se déclarent optimistes ou très optimistes, trois sur quatre prévoient une croissance de l’activité et un sur deux envisage un accroissement des effectifs », résument les auteurs de l’étude. Trois priorités sont particulièrement mises en exergue : d’abord, développer une culture du changement et de l’innovation, ensuite, maintenir et développer les compétences clés et, enfin, digitaliser les métiers en modernisant les SI, objectif qui a gagné cinq points en un an : 44 % des dirigeants en ont fait une « priorité très forte » et 42 % une « priorité forte ».

Source : Baromètre des grandes entreprises françaises 2018, Eurogroup Consulting, BFM, L’Express, 16 pages.
www.eurogroupconsulting.fr