L’ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 précise le cadre juridique de la généralisation de la facturation électronique dans les transactions domestiques interentreprises (B2B) et de la transmission de données de transactions (B2B international, B2C et données relatives au paiement).
Les entreprises assujetties à la TVA en France devront ainsi émettre, transmettre et recevoir des factures sous forme électronique, dans leurs transactions avec d’autres assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et transmettre les données de facturation, ainsi que les données de transaction, à l’administration fiscale.
Cette nouvelle obligation concerne toutes les entreprises assujetties à la TVA. Elle sera imposée, d’une part, en réception, aux entreprises de toute taille à compter du 1er juillet 2024 et, d’autre part, en transmission aux grandes entreprises à compter du 1er juillet 2024, à celles de taille intermédiaire à compter du 1er janvier 2025, et aux PME/microentreprises à compter du 1er janvier 2026.
Le déploiement des obligations d’e-reporting (portant sur les transactions B2B international, B2C et les données relatives au paiement) suivra le même calendrier. Un portail public de facturation est en cours de co-conception par la DGFiP (Direction Générale des Finances Publiques) et l’AIFE (Agence pour l’Informatique Financière de l’État).
Selon une étude d’Opinion Way, 29 % des entreprises françaises n’ont pas encore entamé de démarches pour se conformer à l’obligation de facturation électronique à venir, alors que les échéances se rapprochent et que la plupart des cabinets d’expertise-comptable sont équipés et prêts pour gérer cette révolution ! Plus de la moitié des entreprises estiment que le coût de la mise en conformité est très élevé et que l’effort est complexe.
L’un des principaux objectifs de cette nouvelle ordonnance est de lutter contre l’évasion fiscale pour combler les écarts de TVA. Les États membres de l’UE ont en effet perdu en 2020 pas moins de 93 milliards d’euros de recettes TVA, selon les derniers chiffres issus des autorités fiscales référentes.
Un quart des recettes manquantes étant potentiellement attribué à la fraude à la TVA dans les échanges intra-UE. Les dispositions en matière de TVA dans l’UE peuvent, en effet, être contraignantes, en particulier pour les PME, et d’autres organisations opérant au-delà de leurs frontières.
Malgré le nombre croissant d’entreprises en France équipées de multiples solutions de dématérialisation – un chiffre qui est passé de 18% en 2020 à 42% en 2022 selon une étude conduite par Best Practices pour Generix Group – le faible déploiement de la facture électronique dans l’hexagone laisse présager de l’impact majeur de la réforme, tandis que les entreprises françaises restent principalement préoccupées par les coûts de mise en œuvre et les sanctions potentielles en cas de non-conformité.
Une complexité vient également du fait que différents types de mandats et de standards sont en vigueur dans les pays. A cela s’ajoutent les récentes mesures portées par la Commission européenne visant à moderniser le régime de la TVA via un renforcement de la dématérialisation. L’obligation déclarative numérique fournira aux États membres les informations dont ils ont besoin pour intensifier leur lutte contre la fraude.
Les principaux moteurs de la facturation électronique, outre les grandes multinationales, sont les autorités fiscales et les Etats qui tendent de plus en plus vers un modèle sans papier, centré sur les données. Avec la directive OpenPEPPOL, l’Union européenne a entériné en 2014 sa volonté de construire et de reconnaître une norme paneuropéenne pour la facturation électronique. Malheureusement, la législation laisse le choix aux entreprises, chaque pays est ainsi libre de choisir ses processus, son format de factures et ses plateformes technologiques entrainant une fragmentation de l’ensemble de l’industrie.
« Comme le système de facturation actuel manque cruellement de formats structurés en matière de données et de canaux d’échanges, seuls les fournisseurs mondiaux dotés de solutions automatisées capables de générer et de livrer des factures conformes pourront accompagner les entreprises françaises », commente Marco Eeman, Directeur général de Billtrust Europe, éditeur de logiciels cloud et de solutions de paiements intégrées permettant de faciliter et d’automatiser le commerce B2B, qui a publié un comparatif des législations en vigueur dans le monde.
Plus de 100 pays à travers le monde souhaitent mettre en place la facturation électronique avec des règles locales, sur des marchés différents (B2B, B2C, B2G), dans une variété de formats numériques et de plateformes technologiques, et ce, à la fois en local ainsi qu’entre secteurs et marchés internationaux.
Face à toute cette complexité, garantir la conformité est un défi de taille pour les entreprises, en particulier lorsque leurs opérations sont transfrontalières et qu’elles doivent composer avec une multitude de comptes débiteurs. De plus, il peut être difficile de suivre les évolutions des mandats, avec pléthores de langages et d’autorités fiscales différentes à surveiller à l’échelle mondiale. « Le réseau de facturation européen PEPPOL est doté de grandes intentions, mais comme tout est décidé pays par pays, nous nous retrouvons ainsi avec des standards fragmentés dans l’ensemble de l’industrie », poursuit Marco Eeman.
La European E-Invoicing Service Providers Association (EESPA) a également indiqué que les actions de standardisation de OpenPEPPOL n’ont pas été poussées assez loin. La majorité des logiciels de facturation électronique actuels, se concentrant sur les e-mails et les PDF, manquent de flexibilité pour répondre aux évolutions régulières des mandats.
Une récente étude de Billtrust conduite auprès de 800 entreprises européennes souligne que les questions de conformité et de réglementation représentent pour elles le plus grand défi de l’année 2023 (36%) au même niveau que les questions du prix du carburant et de l’énergie, les perturbations causées par le Brexit et la guerre en Ukraine. « En prévision d’une éventuelle standardisation du marché, les prestataires de services de trésorerie de bout en bout s’interfacent à tous les niveaux des processus financiers de l’entreprise, qu’il s’agisse de risques, facturation, recouvrement, contrôle ou encore de reporting », conclut Marco Eeman.
Les trois typologies de mandats de la facturation électronique
Les trois mandats à prendre en compte dans le paysage actuel de la facturation électronique sont le mandat acheteur, le mandat gouvernemental et le mandat de dédouanement.
- Le mandat acheteur. Motivé par la demande des clients et plébiscité par les grandes entreprises, il impose aux fournisseurs d’émettre leurs factures dans un format numérique spécifique via le portail ou le canal d’échange sur mesure sélectionné par le fournisseur de comptes débiteurs.
- Le mandat gouvernemental. Dans un contexte où les gouvernements tendent de plus en plus vers une administration sans papier, centrée sur les données, il a été conçu pour réduire les coûts, augmenter les revenus et gagner en efficacité. Toutes les entreprises ayant des échanges commerciaux dans la sphère publique doivent mettre en œuvre les solutions requises par les Etats pour poursuivre efficacement leurs activités. En Europe, cette tendance s’est considérablement développée au cours de ces dernières années.
- Le mandat d’administration fiscale et plus particulièrement le mandat de dédouanement temps réel, comme vu pour la première fois au Chili, au Brésil et en Italie. Il s’agit de mandats de facturation électronique anti-évasion fiscale pour combler les écarts de TVA (différence entre le montant attendu et les montants réels des recettes fiscales collectées chaque année). Principalement pour les transactions B2B et dans certains cas B2C, les fournisseurs et les acheteurs doivent envoyer des données de facturation (ou rapports) aux autorités fiscales sous format électronique pour validation et de l’audit temps réel.