Getlink : une expérimentation de S/4 Hana pour une nouvelle filiale

Le groupe Getlink (Eurotunnel) a présenté, lors de la dernière convention USF, son expérience d’implémentation de SAP S/4 Hana pour sa nouvelle filiale ElecLink.

Getlink, précédemment Groupe Eurotunnel, gère l’infrastructure du tunnel sous la Manche et exploite deux types de navettes, pour le fret (camions) et pour les passagers, entre Coquelles (France) et Folkestone (Grande-Bretagne). Le groupe Getlink est organisé autour de quatre Business Units : Eurotunnel, la plus connue, le transport ferroviaire, la formation aux métiers ferroviaires et ElecLink.

Cette dernière entité, lancée en 2012, vise à construire, déployer et exploiter une interconnexion électrique de 1 GW entre la France et le Royaume-Uni, par l’installation de deux câbles en courant continu à l’intérieur du tunnel sous la Manche. Ces deux câbles permettent à l’électricité produite, de part et d’autre de la Manche, de circuler entre les deux pays en fonction des besoins.

La nouvelle interconnexion ElecLink, filiale à 100 % de Getlink, et qui sera opérationnelle en 2020, permettra d’augmenter de 50 % la capacité actuelle de transport d’électricité entre la France et la Grande-Bretagne. Chez Getlink, la mise en place de SAP a fait l’objet de plusieurs phases : un démarrage en 2000-2001 avec les modules Fico, MM et RH. Jusqu’en 2004 d’autres modules ont été implémentés (SD, Fi-AA, CFM, CRM, BW). « En 2009-2010, Eurotunnel devient un groupe et SAP devient alors un core model servant de base pour soutenir les processus fonctionnels des filiales », précise Romaric Bidart, manager IT Finances Group de Getlink.

Alors que les trois plus anciennes Business Units sont gérées avec SAP ECC6, ElecLink l’est en dehors de l’environnement SAP, avec des solutions Sage. « Nous avions un objectif de modernisation de l’environnement financier de cette Business Unit, d’où la mise en œuvre d’un projet d’implémentation de S/4 Hana, de manière à la faire converger vers l’écosystème SAP, il nous fallait une solution rapide à déployer qui prenne en compte les besoins futurs, que l’on ne connaît pas, et une cohérence avec le reste du groupe », résume Frédéric Riga, Chief Digital Officer de Getlink.

En outre, la mise en œuvre de S/4 Hana chez Getlink a également été l’occasion de découvrir les potentialités de cette solution phare de SAP. « C’est le sens de l’histoire et, pour le groupe Getlink, une vraie stratégie de modernisation. Dans cette perspective, l’implémentation de S/4 Hana, dont nous allons exploiter au maximum les fonctionnalités, constitue un projet pilote qui bénéficiera à l’ensemble du groupe », assure Frédéric Riga.

Getlink avait étudié trois scénarios. D’abord, repartir avec un autre ERP que SAP. Ensuite, adopter une approche de migration Brownfield permettant de migrer vers S/4 Hana en s’appuyant sur l’environnement SAP existant, sans réimplémenter ou perturber les processus métiers existants. Enfin, créer un nouvel ERP avec une migration progressive des processus métiers existants, afin de les refondre en profondeur. C’est ce dernier scénario qui a été privilégié.

Getlink a été accompagné dans cette démarche par Sopra Steria, pour la partie mise en œuvre et intégration du nouveau SI Finance, et par le cabinet de conseil EY, pour l’assistance à maîtrise d’ouvrage et le conseil métier. En terme d’hébergement, c’est le cloud public qui a été privilégié par rapport au mode On Premise.

« Ce choix du cloud public nous permet de comprendre comment cela fonctionne et d’identifier les opportunités, mais aussi les limites », explique le Chief Digital Officer de Getlink. Mais, surtout, le cloud public a deux avantages : d’une part, si le cloud privé avait été privilégié, « on se serait astreint aux changements de version », note Frédéric Riga.

D’autre part, la solution cloud public, en interdisant le spécifique, « évite des discussions avec les métiers et le DAF, il faut assumer de rester dans le standard. » D’autant que, chez Getlink, les environnements SAP intègrent pas moins de 9873 développements spécifiques, « dont la moitié ne sont pas utilisés », déplore Romaric Bidart.

Le Go Live est intervenu en septembre 2019, mais il était initialement envisagé pour le début de l’année 2019. Ce retard s’explique par trois raisons principales qui, pour Frédéric Riga, sont autant de points d’attention dans ce type de projet et de migration. D’abord, il faut bien appréhender en quoi le cloud public diffère du mode On Premise.

« Il est essentiel d’anticiper, car la gestion de certains paramètres qui étaient entre les mains des équipes projets en internes sont déportés dans le cloud et sous contrôle des équipes de l’intégrateur ou de SAP », conseille Frédéric Riga, pour qui il convient également d’anticiper l’allongement du temps nécessaire à la réalisation de certaines actions. « Les équipes de Sopra Steria maîtrisent parfaitement S/4 Hana, mais, dans le cloud, les ajustements prennent plus de temps qu’avec des équipes internes », assure le Chief Digital Officer.

Ensuite, la qualité des données doit être assurée. « Dans le cloud, il est moins aisé de restaurer des données qu’en mode On Premise, dans lequel on peut repartir de versions antérieures, d’où l’importance d’injecter des données de bonne qualité dès le départ », souligne Frédéric Riga.

Enfin, un point d’attention porte sur les adaptations jugées nécessaires de la solution. Ainsi, en tant que société franco-britannique, les règles de comptabilité des deux pays doivent être intégrées, notamment pour les principes d’amortissement. « Nous avons plaidé notre cause auprès de SAP sur ce qui ne nous convenait pas, sans succès après de longs échanges avec l’éditeur. Mais, en optant pour le cloud public, nous savions que les possibilités de personnalisation s’avèreraient au final relativement limitées », reconnaît Frédéric Riga.

Pour le CDO, le fait que la solution S/4 Hana est encore jeune et que l’éditeur était partie prenante, induit une certaine complexité. « Par exemple, pour créer une entreprise dans la solution, avec du On Premise, cela ne pose aucun problème, mais avec le cloud, cela prend quatre jours, car il faut faire la demande à l’éditeur. Ainsi, le planning ne se construit pas de la même manière, il faut anticiper », rappelle-t-il.

Autres points d’attention : la contractualisation, car le cloud n’encourage pas vraiment à l’agilité dans ce domaine, et la gestion du changement. « Nous avons notamment sous-estimé le fait que, la solution étant très ergonomique, le besoin d’accompagner les utilisateurs ne s’allège pas », souligne Frédéric Riga.

Pour convaincre la direction générale, les équipes se sont appuyées sur des indicateurs objectifs : « Plusieurs pré-études avaient été menées, certaines fondées sur l’analyse des logs, certaines au travers d’ateliers fonctionnels, mais aucune n’avait pu mettre en évidence les dysfonctionnements et les voies d’amélioration. Le fait d’avoir des éléments concrets et chiffrés est un des leviers pour avancer dans la conduite du changement, non seulement pour le top management, mais aussi pour les métiers », souligne Romaric Bidart.

Face à une direction générale perplexe sur l’opportunité de faire évoluer les systèmes, Yannick Bourlon, responsable du centre de compétences SAP de Getlink souligne que « le fait d’élaborer des indicateurs sur les points d’inefficacité des processus est très parlant pour la direction générale et il y a eu des séances de restitution avec les métiers. » Pour identifier les indicateurs les plus pertinents, Getlink s’est appuyé sur l’outil Performer d’Inventy. « Avec des chiffres concrets, la direction générale est rassurée et ils sont associés à un plan d’objectifs atteignables pour chaque processus, avec une migration progressive », ajoute Romaric Bidart.


S/4 Hana : les chemins pour y aller

A l’occasion de sa dernière convention, qui s’est tenue à Nantes les 9 et 10 octobre 2019, l’USF (association des utilisateurs SAP francophones) a publié une nouvelle note de perspectives sur « S/4 Hana, les chemins pour y aller ». Ce document est issu des travaux d’un groupe de travail spécifique à cette problématique, auquel ont été associés SAP, PWC et Inventy, et qui se sont déroulés sur plusieurs mois, sous forme de différents ateliers portant sur plusieurs thèmes : le Business Case, les outils, le licensing, les principes de migration, les retours d’expérience. « L’objectif de cette note de perspectives est de dégager les tendances, de dresser l’état du marché et du niveau d’adoption de S/4 Hana, avec des business cases et des scénarios de migration », souligne Bernard Cottinaud, président de la Commission Organisation et Gouvernance de l’USF, pour qui l’objectif est de « faire en sorte que des non-experts puisse en tirer une philosophie et disposer des informations les plus pertinentes pour leurs entreprises. »
L’USF suggère dans ce document plusieurs bonnes pratiques pour implémenter S/4 Hana :

  • Associer les métiers, même s’ils ne sont pas les promoteurs du projet, afin qu’ils se projettent vis-à-vis du potentiel de la solution.
  • Prendre le temps de bien choisir le ou les partenaires, la plupart n’ont pas encore d’équipes complètes et vraiment expérimentées.
  • Former les équipes internes (paramétrage, développements, sécurité…).
  • Associer l’éditeur dans la mesure où SAP S/4 Hana reste encore un produit jeune avec des expertises.
  • Évaluer l’impact de la politique de licence, étape chronophage qu’il convient de bien anticiper.
  • Intégrer dans les évaluations budgétaires la conservation d’un environnement d’archives, la reprise des données pouvant être risquée.
  • Demander aux métiers de se positionner par rapport à l’utilisation du standard.
  • Réfléchir au lotissement du projet et au planning de migration.
  • Réaliser un démonstrateur pour les métiers sur une base migrée.
  • Vérifier les performances du code spécifique liées à la simplification du modèle de données.
  • Rejouer la bascule autant de fois que nécessaire pour limiter les risques.

Brexit : les entreprises britanniques hésitent à déployer SAP

Selon une étude publiée par Information Services Group, les entreprises britanniques montrent plus de prudence dans l’adoption de SAP S/4Hana et des autres solutions SAP, dans le contexte d’une potentielle sortie du pays de l’Union Européenne. Les petites entreprises et celles qui n’ont pas de contraintes de Legacy s’orientent vers l’adoption de SAP S/4 Hana en mode cloud, mais cette évolution s’avère « subtile », selon le rapport, dans la mesure où « on n’observe pas de tendance forte à l’adoption de S/4 Hana en raison de l’incertitude économique actuelle. »

« Malgré les incertitudes autour du Brexit, on s’attend à voir une légère croissance de l’adoption de SAP au Royaume-Uni », nuance Barry Matthews, associé et directeur d’ISG UK. « Les entreprises qui disposent déjà d’une solution ECC ou d’une architecture informatique basée sur SAP et celles qui prévoient de mettre en œuvre S/4 Hana sur le long terme sont celles qui optent généralement pour des projets d’envergure moindre. Ces projets permettent aux entreprises de trouver des réponses à court terme à leurs besoins informatiques et d’établir des plans pour l’avenir, tout en conservant la flexibilité nécessaire à la gestion des besoins et des imprévus découlant du Brexit. »

Au Royaume-Uni, les fournisseurs de services SAP surveillent l’impact économique du Brexit et évaluent les risques liés à la sortie de l’Union Européenne. En parallèle, ils conçoivent pour S/4 Hana et SAP Leonardo des solutions et des outils dédiés aux marchés verticaux, en particulier pour les secteurs de la fabrication, de la vente, des biens de consommation et des services publics. Ces outils sont développés pour apporter aux entreprises une expertise en matière d’implémentation de solutions et d’agilité commerciale. Les entreprises recherchent des solutions spécifiques auprès de leurs fournisseurs pour gagner en intelligence et réduire les délais de mise sur le marché de produits et de services.

En outre, les fournisseurs de services SAP commencent à utiliser des robots logiciels (Bots) au sein des services de maintenance applicative pour les activités de base, tels que l’enregistrement d’un ticket et la réduction du délai de résolution. Les Bots aident les prestataires de services à réaffecter le personnel à des tâches plus importantes et plus complexes, indique le rapport.

Les fournisseurs SAP se servent également de l’intelligence artificielle et du Machine Learning pour accompagner la trans­formation de leurs clients, selon le rapport. Ces outils automatisés peuvent s’appliquer à l’ensemble ou à une partie du cycle de développement.

Le rapport examine également le marché SAP Leonardo et constate que de nombreuses entreprises tardent à adopter le progiciel et les microservices qui permettent aux clients de tirer parti de technologies, telles que l’Internet des objets, le Machine Learning, la Blockchain et le Big Data.