Impression 3D : c’est aussi pour l’entreprise

Parfois présentée comme une nouvelle révolution industrielle, la démocratisation des imprimantes 3D n’en est encore qu’à ses débuts. Néanmoins, cette technologie et celles associées, comme les scanners 3D, laissent dès à présent entrevoir des perspectives plutôt prometteuses pour différents secteurs d’activités.

Si, à l’heure actuelle, ces applications concernent avant tout les laboratoires de recherche, les start-up et les autres acteurs de la R&D, elles laissent présager l’apparition, dans les années à venir, de nouveaux services pour lesquels les DSI pourraient avoir un rôle à jouer. Cet ouvrage constitue un point d’entrée intéressant pour une veille technologique sur le sujet.

Mathilde Berchon est consultante spécialisée dans l’impression 3D et le mouvement open hardware. Celui-ci s’inspire de l’open source pour construire et proposer des composants matériels ouverts (plans publics, fonctionnement avec des logiciels libres, faible prix d’entrée…). Plusieurs modèles d’imprimantes 3D, parmi ceux qui existent actuellement, sont bâtis à partir de composants issus de l’open hardware, comme les machines RepRap. Bertier Luyt, son coauteur, est, pour sa part, fondateur de la société FabShop, spécialisée dans la modélisation 3D, et distributeur d’imprimantes en France.

125 biblio couv 3D
  • LinkedIn
  • Twitter
  • Facebook
  • Gmail

L’impression 3D, par Mathilde Berchon et Bertier Luyt, Préface de Joël de Rosnay, Eyrolles 2013, 178 pages.

Leur ouvrage a pour but de dresser un tour d’horizon complet du sujet. Il aborde non seulement les aspects techniques (procédés, types d’imprimantes, matériaux) et pratiques (modélisation, impression, finition), mais aussi les différentes applications possibles. Un chapitre entier est consacré à l’impression 3D pour les entreprises, en détaillant secteur par secteur les possibilités. Pas moins de dix domaines d’activité sont identifiés : l’architecture, l’art et le design, le cinéma, la mode, la bijouterie, l’enseignement et la recherche scientifique, l’industrie lourde, l’électronique, l’agroalimentaire et, enfin, la santé.

Parmi les applications les plus évidentes figure la réalisation de maquettes et de prototypes, des applications déjà courantes dans certaines agences d’architectes ou dans l’industrie. Ces technologies servent également à concevoir de vrais objets : pièces détachées, bijoux, créations, comme celles de l’artiste Bathsheba, « qui utilise l’impression 3D pour réaliser des sculptures en métal aux formes complexes et symétriques », prothèses sur mesure pour les personnes souffrant de certains handicaps, ou encore circuits imprimés réalisés en déposant de la matière conductrice sur une pièce. Du côté de l’agroalimentaire, le potentiel ludique, lié à l’impression d’objets en matière comestible (chocolat, fromage, sucre…), laisse entrevoir de nouveaux marchés. Enfin, avec les progrès des sciences du vivant, des acteurs comme Organovo travaillent actuellement sur l’impression de tissus et d’organes, tandis que d’autres, comme Parabon NanoLabs, s’intéressent à l’assemblage de médicaments, molécule par molécule, avec l’impression 3D nanoscopique.

Dans ces innovations réside un potentiel de transformation important de la relation entre entreprises et consommateurs. La dernière partie de l’ouvrage, intitulée « La troisième révolution industrielle ? » aborde précisément ces questions, en examinant le potentiel, mais aussi les risques et les limites de ces technologies. Parmi les premières possibilités associées à l’impression 3D figure la co-création et les services de personnalisation poussés à l’extrême, pour les clients souhaitant acquérir des objets uniques. L’ouvrage cite par exemple la très médiatisée société Sculpteo, avec « un service en ligne qui permet de personnaliser la coque de son téléphone à partir d’un modèle conçu par un designer. »

Une transformation de la chaîne de valeur

Si les services d’impression 3D se développent, la production et la vente d’objets manufacturés risquent également de suivre la même voie que les industries de la musique et de la vidéo, dont la chaîne de valeur a été modifiée en profondeur par la dématérialisation. Ce mode de fabrication permet « de limiter les investissements relatifs au transport, au stockage et aux inventaires, puisque en fabricant à la demande, on évite de produire en grande quantité et de stocker. » Néanmoins, cela soulève également des enjeux de propriété intellectuelle, un fichier informatique pouvant être bien plus aisément reproduit qu’un objet.

Ces changements restent, pour l’instant, limités du fait des différents défauts de jeunesse de la technologie. Mathilde Berchon mentionne ainsi la fabrication encore trop lente, le coût des matériaux ou encore l’absence de contrôle qualité. Elle laisse cependant le mot de la fin à Clément Moreau, co-fondateur de Sculpteo : « Une nouvelle génération d’objets manufacturés, pensés par des designers professionnels et terminés grâce aux données de l’utilisateur final, peut voir le jour. Ce sont les e-objets. » Ceux-ci annoncent un monde « où la production de masse laisse la place à la personnalisation de masse. »