L’agile (bien) illustré

«Une équipe n’est pas agile par essence, elle le devient. Et elle ne le devient pas en obéissant à l’injonction « deviens agile » qui n’est qu’une nouvelle forme de management mettant la pression sur l’individu », assurent les auteurs de cet ouvrage, Claude Aubry, expert en méthodes agiles, et Etienne Appert, qui a réalisé les nombreux dessins.

S’il existe de nombreux ouvrages, de qualité, sur les approches agiles, celui-ci se démarque par son concept, avec des pages très aérées qui facilitent la lecture et des illustrations. C’est un parti pris des auteurs, pour qui la démarche agile « n’est pas mécanique, technique ou formatée, mais réfléchie. C’est un travail d’artisan. Il n’existe aucune méthode de conduite du changement pour devenir agile. »

Cet ouvrage s’adresse à trois catégories de lecteurs : d’abord, ceux qui ont entendu parler d’agilité, mais qui ne savent pas comment ils pourraient l’utiliser avec profit. Ensuite, ceux qui se sont déjà engagés dans une telle démarche, mais qui sont preneurs de nouvelles idées et conseils. Enfin, ceux qui ont mis en place l’agilité, mais avec des résultats mitigés, et qui souhaitent comprendre pourquoi et à quel moment la démarche a dérapé.

Ne pas confondre agilité et agitation

Les auteurs définissent l’agilité de la façon suivante : « c’est la capacité à créer des produits ou services en procurant régulièrement de la valeur, tout en répondant aux changements dans un environnement incertain et turbulent. L’agilité est centrée vers la satisfaction des clients et plus généralement celle des parties prenantes. L’agilité, ce n’est pas de l’agitation : il ne s’agit pas de céder à toutes les urgences, mais de s’adapter en gardant le cap, la vision partagée par tous. »

Il faut toutefois se garder de faire du « faux agile », par ignorance, par peur ou par orgueil. « La principale raison du faux-agile est la conservation de la culture et des outils du modèle industriel pour du travail de la connaissance. On reste dans le schéma de pensée de la main-d’œuvre qui exécute, alors qu’on devrait considérer que le travail s’appuie sur des cerveaux d’œuvre qui réfléchissent », résument les auteurs. Par opposition au « faux agile », le « vrai agile » a plusieurs attributs, dont l’auto-organisation, une cohérence des pratiques avec les principes, une direction et une approche itérative.

L’ouvrage est articulé autour de sept chapîtres, basés sur les sept questions que tout le monde doit se poser : Pourquoi ? Avec qui ? Quand ? Avec quoi ? Comment ? Par où ? Et après ?

Auto-organisation et multidisciplinarité

Mettre en œuvre une démarche agile commence par constituer une équipe. Les auteurs suggèrent, pour ne rien oublier, de retenir l’acronyme TAPIS (Taille, Auto-organisation, Pluridisciplinarité, Identité, Stabilité). La taille d’équipe ne doit pas être démesurée : « Une équipe de douze personnes génère 66 canaux de communication, c’est beaucoup, sûrement trop », estiment les auteurs, qui recommandent une équipe de cinq à sept personnes. Quelle que soit la taille, l’objectif est de « maintenir les capacités créatives de chacun et une communication de qualité. »

L’auto-organisation est également importante, car il est indispensable que l’équipe ait le pouvoir et l’autorité pour organiser son travail. D’autant plus que la pluridisciplinarité l’impose : « On attend d’une équipe agile qu’elle produise de la valeur métier régulièrement. Pour y arriver, il est nécessaire qu’elle dispose des compétences permettant d’aller de la demande des utilisateurs jusqu’à la mise en service. » Avec une identité qui reflète l’objectif commun et les valeurs partagées, par exemple celles associées à l’approche Scrum : focalisation, ouverture d’esprit, respect, courage et engagement. Pour les auteurs, « l’identité se renforce par les succès collectifs, elle débouchera sur une éthique et une raison d’être. »

Le tout dans une stabilité, gage d’atteinte des objectifs, par une focalisation. Pour qu’une équipe devienne focalisée, cela demande entre deux et six mois : « Lors de la constitution de l’équipe, un engagement à rester au moins pendant cette durée devrait être demandé aux membres », conseille les auteurs. Cela évitera d’appliquer la loi de Brooks, selon laquelle « ajouter une personne à un projet qui est déjà en retard ne fera qu’augmenter le retard. »

Tout est dans le feedback

Le fonctionnement repose sur la boucle de feedback. Le principe est le suivant : « Le sprint est au cœur de l’approche, c’est lui qui donne le rythme. Pour produire le résultat, l’équipe utilise le flux des éléments issus d’une liste de choses à faire, appelée backlog. Celle-ci alimente l’équipe et il est lui-même alimenté par les retours des parties prenantes. Cette boucle de rétroaction constitue l’essence de l’agilité », expliquent les auteurs.

Le backlog, qui contient des stories (morceau de fonctionnalité qui apporte de la valeur à quelqu’un et qui est développé en sprint), doit répondre à six critères, résumés par l’acronyme TROUVE : public (Tout le monde peut le voir), Réduit (pour faciliter l’accessibilité), Ordonné (avec une hiérarchie selon la valeur ou les coûts), Unique (une seule source d’alimentation de l’équipe), Vivant (parce qu’il évolue) et Émergent (parce qu’on ne sait pas quel sera, au final, le bon produit ou service).

Pour les auteurs, qui aiment les acronymes, le sprint c’est TOP (Temps, Objectif, Plan) et le résultat, c’est FUN (Fini, Utilisable, Nécessaire). Un sprint est également associé à quatre rites : la planification (décomposition du travail à effectuer), la mêlée (moment de partage quotidien), la revue de sprint (point d’avancement) et la rétrospective.

« Ce rite, réservé à l’équipe, consiste à rendre visible la façon dont elle a travaillé, à l’inspecter collectivement, puis à l’adapter pour le sprint suivant. Si l’équipe arrive, grâce aux rétrospectives, à améliorer sa façon de travailler, c’est le signe qu’elle est capable de prendre des décisions seule, et donc qu’elle progresse vers plus d’auto-organisation », estiment les auteurs.

Les quatre rites du sprint
Planification du sprint Mêlée quotidienne Revue de sprint Rétrospective du sprint
Pourquoi ? Mettre en place les éléments pour avoir une visibilité Visibilité, inspection et adaptation quotidiennes Meilleur produit, davantage de confiance avec les parties prenantes Amélioration continue de la façon de travaillerProduct Owner, équipe, Scrum Master
Avec qui ? Product Owner, équipe, Scrum Master Product Owner, équipe, parties prenantes invitées Product Owner, équipe, Scrum Master
Quand ? Au début Tous les jours à la même heure A la fin du sprint A la fin du sprint, après la revue
Combien de temps ? Deux heures maximum Quinze minutes maximum Environ une heure Une heure quinze
Où ? Devant le tableau où est affiché le plan de sprint Dans un lieu où on peut accueillir les parties prenantes pour une démo Dans un lieu où l’équipe se sent en sécurité
Avec quoi ? Backlog affiné Plan de sprint Le résultat du sprint Tableau des obstacles, objectifs de la précédente rétrospective
Pour quel résultat ? Objectif sur lequel l’équipe s’engage collectivement Obstacles identifiés, plan de sprint actualisé Feedback des parties prenantes sur le contenu, décision sur la vie du produit Objectifs d’amélioration, auto-organisation renforcée
Source : L’art de devenir une équipe agile, Dunod.

L’art de devenir une équipe agile, le manuel illustré de la révolution agile, par Claude Aubry et Etienne Appert, Dunod, 2019, 175 pages.

Les trois temps de la transformation agile

1. Le temps court (quotidien) :
• Parler d’agilité et pratiquer au quotidien pour
s’imprégner d’un nouvel état d’esprit.
2. Le temps moyen (mensuel) :
• Montrer que la proposition de valeur de l’agilité est réelle.
• Obtenir des résultats produits/projets convaincants.
• Obtenir des feedbacks des individus.
3. Le temps long (annuel) :
• Changer les comportements/le mindset.
• Ancrer le vocabulaire et sa compréhension.
• Rendre la transformation durable.
• Impliquer les instances représentatives du personnel.

Source : Culture change, le guide de remise en forme de votre organisation par l’agilité, Octo Technology.
Lien : www.octo.com/publications/36-culture-change/