Projets en mode design thinking : les quatre facteurs d’échec

Dès les années 1980, de nouvelles méthodes de travail ont initié un mouvement dans la manière dont les organisations adressent l’innovation pour aboutir à de nouveaux paradigmes, le Design Thinking.

Depuis trente ans, l’esprit Design et ses outils sont censés révolutionner les processus et révéler le potentiel créatif des collaborateurs.

Depuis les années 2010, la culture design (et son esprit, probablement) se répand en France, tout comme l’agilité. En définitive, les pratiques évoluent, les organisations s’ouvrent à l’expérimentation, tentent des formats start-up et autres hackathons. Toutefois, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous et ne permettent pas encore de franchir la marche du Product Management Centré Client. S’installe alors une lassitude des « ateliers Post-It », des brainstormings interminables, des Design Sprints improductifs…

Rappelons que le Design Thinking (et la culture Design en général) est centré sur l’humain et s’appuie sur trois piliers : la faisabilité opérationnelle, la viabilité business et l’attractivité pour les humains. Le point de départ est l’humain, puis suivent des phases successives d’itérations s’appuyant sur le prototypage rapide et les tests. La différence avec le marketing est de ne pas considérer l’humain comme un consommateur à convaincre, mais comme l’utilisateur d’un service qu’il faut satisfaire.

Ces méthodes demandent un certain état d’esprit et se basent sur plusieurs facteurs clés de succès : chercher une meilleure solution pour l’utilisateur, créer rapidement un produit minimum viable (MVP) à faible coût et faible risque, tout en créant de la valeur (recherche de ROI), et arriver à impliquer les équipes métiers pour une mise en place opérationnelle rapide même imparfaite (les améliorations suivront).

Quatre raisons principales empêchent les méthodes Design de s’insérer dans les entreprises, ou à minima dans leurs projets :

1. Croire en un process qu’il suffit de suivre plus qu’en la diffusion d’un état d’esprit

Nombre d’organisations résument l’UX et le Design Thinking à un process. Or, le processus d’exploration et de génération d’idées n’est pas figé. Il dépend du contexte, demande d’avancer à tâtons, de faire confiance à l’intuition, d’accepter le chaos pour y trouver des révélations, d’accepter de faire évoluer un concept ou un prototype suite à des tests et parfois de l’abandonner.

2. Croire que pratiquer le Design Thinking transforme en designers

Trop souvent, les méthodologies de Design sont initiées par des consultants et comportent peu de designers. L’expérience par la pratique du Design Thinking transforme l’être et son système de pensée. Petit à petit, ses adeptes deviennent plus positifs, plus ouverts, leur état d’esprit s’affine. Mais cela n’en fait pas des designers pour autant, on parlera davantage de facilitateurs qui sauront orchestrer les idées. Le designer, lui, raisonne en trois dimensions : l’utilité, la viabilité du concept et, enfin, sa faisabilité. Il est dans l’action, il sait prototyper, tester et discuter avec les métiers impliqués, en plaçant le bénéfice utilisateur au cœur des enjeux.

Pour qu’un atelier soit productif, il faut qu’il soit composé d’un groupe pluridisciplinaire afin d’élargir le champ de l’analyse, d’ouvrir de nouvelles perspectives grâce au cumul et aux mélanges des modes de pensée liés aux différentes formations et pratiques métiers. Entreprendre une démarche de design sans designer ni facilitateur, même avec toute la bonne volonté du monde, sera moins fructueux, à moins d’avoir la fibre d’un designer depuis tout petit. Et, dans ce cas (rare), ce ne sera que par la pratique intensive et à répétition que l’on deviendra designer ; il faudra plus qu’un projet et trois ateliers pour y parvenir.

3. Manquer de latitude et de réactivité pour l’expérimentation

Souvent, le principal problème des organisations est que, dès le début d’un projet, celui-ci est déjà quasiment entièrement cadré en terme de gestion de projet : il y a un brief précis, un budget et un planning. Mais est-il vraiment cohérent de définir un brief et un budget pour un projet dont on ne connaît pas les (bonnes) solutions ? On ne sait pas ce que l’on doit faire et, pourtant, on sait déjà combien de temps cela prend et combien ça coûte ! Sans oublier que lorsque le projet est Live, il devient impératif de disposer de latitude pour le faire évoluer.

Trop souvent, les plannings et le budget prédéfinis sont trop rigides et s’avèrent incompatibles avec les besoins de l’esprit Design. Ce dernier consiste à écrire le brief avec les designers, après une première phase de recherche, pour définir le « Design Challenge » et donner une direction au projet, non pas ses solutions.

4. Rechercher des résultats immédiats sans indicateurs stratégiques

La culture des KPI business réduit la pertinence de projets à une rentabilité à court terme. Or, il est acquis que la maturité d’une innovation, sa diffusion et son adoption sont difficilement prédictibles ou, en tout cas, cela prend un temps certain, avec des itérations.

On court après des résultats rapidement visibles, on va donc vite à la production pour pouvoir, in fine, mesurer la performance. Trop souvent, cette démarche fait l’impasse sur des indicateurs stratégiques qui permettent de s’assurer que l’on avance dans le bon sens, que l’on crée réellement de la valeur.

Par exemple, les budgets annuels se répartissent habituellement sur un calendrier prédéfini : « Il nous faut une première version avant XXX. » Alors que, par expérience, ces plannings ne sont jamais tenus et laissent rarement du temps pour intégrer les utilisateurs, ni itérer avant le lancement. La subtilité du marché actuel consiste à faire du Design centré utilisateur, sans les utilisateurs, du Design Thinking sans avoir le temps de « thinker »…

On ne peut évidemment pas réduire les raisons des échecs de la mise en œuvre de l’esprit Design à ces quatre constats, il y en a beaucoup d’autres. Ces enjeux sont ceux que nous avons rencontrés fréquemment et englobent nombre de sujets plus granulaires. Que l’on soit adepte de la méthodologie ou non, les organisations doivent embrasser un changement de posture pour faire face à la transformation et à l’innovation centrées client.

A la question « Est-ce que le Design Thinking marche ou pas ? », on peut répondre que la méthodologie implique un certain nombre d’échecs et qu’il importe de se questionner de la manière suivante : « Qu’est-ce qu’un échec ? À quel moment de la méthodologie s’arrête-t-on et pourquoi ? »

Cet article a été écrit par Christophe Cotin Valois, CEO et co-fondateur de Welcome Max. Il intervient également dans les grandes écoles françaises pour promouvoir le design d’expérience et sa vision de la digitalisation des marques (Gobelins, Université Paris XIII, Sciences-Po Paris…).


Transformation digitale : le Design Thinking comme compétence indispensable

Le Design Thinking constitue la compétence majeure pour réussir la transformation digitale, selon Gartner. « Le Design Thinking a une ambition beaucoup plus large que de simplement résoudre un problème, il s’agit d’atteindre un objectif », estime Brian Prentice, analyste chez Gartner, pour qui c’est « une approche humaine et collaborative basée sur l’empathie, qui combine analyse et intuition et intègre l’humain, les processus et les technologies. » L’approche Design Thinking se distingue de l’approche traditionnelle par plusieurs éléments (voir tableau).

Les spécificités du Design Thinking
Approche traditionnelle Approche Design Thinking
Planification Essais et erreurs
Éviter l’échec Échouer vite
Analyse rigoureuse Tests rigoureux
Présentations Expérimentations
Périodique Continue
Réfléchir Faire
Source : Gartner.

Les compétences les plus critiques pour réussir la transformation digitale

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