Transformation de la DSI : du diagnostic au plan d’action

Le laboratoire pharmaceutique Ipsen a engagé un plan de transformation de son système d’information en s’appuyant sur Cobit. Une centaine d’actions d’amélioration ont été identifiées et déclinées en seize projets de transformation.

Ipsen (près de 4 200 collaborateurs dans le monde, 971 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé) est un laboratoire pharmaceutique qui commercialise plus de vingt médicaments avec quatre centres de recherche et développement (Paris, Boston, Barcelone, Londres).

En 2005, Ipsen a décidé de transformer en profondeur sa stratégie informatique. « Depuis sa création, Ipsen a changé de dimension en devenant un groupe coté très présent à l’international », résume Thierry Barsalou, CIO de l’entreprise. Le système d’information était resté trop centré sur la France : « L’international avait une moindre importance », concède Thierry Barsalou.

Un modèle qui ne tient plus dès lors que l’entreprise change de dimension. La France représente aujourd’hui moins de 40 % du chiffre d’affaires.

Le plan d’actions Ipsen issu du diagnostic Cobit
Acquérir et implémenter Planifier, organiser, surveiller, évaluer Délivrer et supporter
Projets 2007-2008
  • Définir la méthodologie de gestion de projet et le reporting associé
  • Industrialiser la gestion de configuration et des évolutions
  • Mettre en place le pilotage de la performance
  • Définir et implémenter une nouvelle architecture d’entreprise
  • Implémenter le modèle de coût des services IT et mettre en place le reporting sur les coûts de la DSI
  • Définir et mettre en place une politique de communication interne
  • Mesurer la performance de l’infrastructure
  • Déployer et communiquer la nouvelle politique de sécurité
  • Améliorer la politique de contrôle des accès physiques
Projets 2008-2009
  • Étendre et harmoniser le système de qualité
  • Améliorer la politique d’achats informatiques
  • Définir la stratégie IT et améliorer la gouvernance du système d’information
  • Améliorer la gestion des ressources humaines et des compétences
  • Proposer un catalogue de services et systématiser les engagements de services
  • Améliorer la sécurité du système d’information
  • Industrialiser le support aux utilisateurs et la gestion des incidents
Source : Ipsen / Talisker Consulting.

 

Côté informatique, cela s’est traduit par la nomination d’un CIO groupe et la création d’Ipsen Group Informatics, en charge de la gestion de toute l’informatique du groupe et de la mise en place d’une organisation dotée d’équipes dédiées aux principaux métiers.

En 2006, un plan stratégique a été défini. « L’objectif était de prendre en compte l’évolution du système d’information, de la gouvernance IT, des processus projets et du support », précise Thierry Barsalou. « Dans ce plan, il a été notamment décidé de remplacer le cœur du système d’information, un logiciel de gestion spécifique sous mainframe présent dans deux pays, par un progiciel SAP, à l’échelle de nos cinq sites de production dans une dizaine de pays et pour toutes les activités (commercial, distribution, production) : cette refonte a des impacts majeurs sur l’organisation de l’informatique et implique, à elle seule, la transformation de la DSI », ajoute Thierry Barsalou.

Un diagnostic Cobit a été réalisé fin 2006, avec une démarche en deux temps. D’une part, une évaluation des processus Cobit (entretiens généraux et ciblés, investigations complémentaires, ateliers d’évaluation). D’autre part, la définition d’un plan d’actions Cobit.

« Le diagnostic Cobit a permis à Ipsen de se positionner par rapport aux best practices du marché, de donner du sens de faire partager les idées du plan stratégique et d’établir un référentiel permettant de mesurer la maturité du système d’information de l’entreprise », souligne Pascal Potié, directeur associé de Talisker Consulting, qui a accompagné Ipsen dans la démarche. Un diagnostic qui a abouti à dresser une liste de cent actions d’amélioration.

Celles-ci ont été priorisées, classifiées et regroupées dans seize projets de transformation. « La priorité était le meilleur contrôle des projets, surtout en période d’investissement », explique Thierry Barsalou.

L’un des grands chantiers a été la refonte de la gestion de projet. Celle-ci repose sur six étapes :

  1. définition du cadre de gestion de l’informatique, notamment sur le périmètre des projets ;
  2. définition du référentiel de gestion de projets sur deux axes : le cycle de vie du projet et les axes de gestion de projet (coûts, délais, qualité, ressources humaines, achats, conduite du changement…) ;
  3. élaboration des templates de projet ;
  4. formation des responsables de départements système d’information, chefs de projets systèmes d’information et autres acteurs impliqués dans les projets, ainsi que quelques acteurs métiers. Chez Ipsen, au total, une soixantaine de personnes ont été formées ;
  5. coaching des chefs de projet ;
  6. implémentation d’une application de gestion de portefeuille de projets et de gestion de projet (PSNext).

« Une telle démarche aboutit à disposer d’une culture de gestion de projet homogène, à la mise en place d’un langage commun, à mieux définir les prérequis au lancement d’un projet, à clarifier les rôles et les responsabilités liés de chacun et à disposer d’une vue globale du portefeuille de projet », résume Thierry Barsalou.

Si le plan de transformation d’Ipsen a déjà porté ses fruits, il reste « à passer d’une organisation en silo fonctionnant dans une logique de best effort à une organisation orientée service management », précise Thierry Barsalou.

Avec la mise en place des processus Itil, une amélioration du support, la mise en place d’une gouvernance de la maintenance SAP et d’une « démarche généralisée d’architecture d’entreprise afin d’urbaniser le système d’information et d’assurer sa cohérence globale », ajoute Thierry Barsalou.

Ce dernier retient trois enseignements de la démarche. D’abord, « ne pas vouloir tout faire en même temps : c’est certes frustrant tant il y avait de besoins, mais il est impossible de tout mener de front ». Deuxième enseignement : s’assurer de la bonne exécution de la démarche dans la durée.

Il s’agit, pour Thierry Barsalou, de « garantir une bonne discipline, avec des responsables de processus qui en sont responsables, même si cela n’est pas évident lorsque Cobit identifie de nombreux processus et qu’il faut trouver un responsable pour chaque processus qui s’investisse en plus de ses missions existantes, avec des objectifs précis ». Enfin, les tableaux de bord doivent être orientés vers le pilotage, ce qui suppose un effort de synthèse et d’arbitrage sur les indicateurs les plus pertinents.


Pascal Potié, directeur associé de Talisker Consulting : « Une transformation imposée par des problèmes récurrents »

Pourquoi faut-il transformer la DSI ?
Pascal Potié  Les DSI doivent se transformer pour faire face à des problèmes récurrents qui, souvent, restent sans réponse : le système d’information ne correspond pas aux attentes des clients et utilisateurs, les coûts informatiques récurrents limitent la capacité d’investissement, les organisations informatiques ont du mal à suivre le rythme des fusions-acquisitions, l’informatique devient le facteur limitant la mise sur le marché de nouveaux produits et services, sans oublier qu’en moyenne sept projets informatiques sur dix ne respectent pas leurs engagements… Il convient donc d’agir sur plusieurs axes de progrès : les relations métiers-systèmes d’information, l’efficacité (qualité), l’efficience (productivité) et la valeur ajoutée.

Sur quels leviers les DSI peuvent-ils agir ?
Pascal Potié  La transformation de la DSI s’effectue classiquement en agissant sur des leviers que l’on peut regrouper en cinq thèmes (voir tableau) : l’organisation et les processus, les partenariats et la sous-traitance, les compétences, les architectures, infrastructures et outillages, la performance et le budget.

Chacun de ces thèmes est croisé avec les quatre axes de progrès mentionnés plus haut. Parmi les mesures concrètes, on pourra, par exemple, mettre en place un point d’entrée unique pour les utilisateurs, une politique de communication, une gestion des ressources par pôle d’expertise ou encore élaborer un tableau de bord de pilotage de la performance.

Comment se décline un plan de transformation ?
Pascal Potié  Un plan de transformation se définit selon une démarche en trois phases. La première phase consiste à réaliser un diagnostic et une évaluation de l’existant de la DSI. La phase suivante correspond à l’élaboration d’un business case.

Celui-ci repose, d’une part, sur la définition d’un niveau de performance à atteindre et, d’autre part, sur la définition d’une trajectoire et de priorités. Enfin, la troisième phase se traduit par l’élaboration du plan de transformation et des modalités de son pilotage.

Au-delà de ces trois phases, il est bien entendu essentiel d’impliquer les managers intermédiaires de la DSI afin qu’ils adhérent aux constats, aux gains attendus et aux actions à mettre en œuvre. Car, même si la démarche est accompagnée par un consultant, ce sont ces managers qui devront être en première ligne pour réaliser cette transformation.

La matrice de transformation de la DSI
Organisation et processus Partenariats et sous-traitance Compétences Architectures, infrastructures et outillages Performance et budget
Relation DSI/métiers
Efficacité
Efficience
Valeur ajoutée
Source : Talisker Consulting.