L’évolution actuelle des systèmes d’information est déterminée par dix tendances. Elles sont historiques et durables. Elles concernent à la fois l’économie, l’organisation, le travail et le positionnement des systèmes d’information et des DSI.
Les dix tendances peuvent être résumées de la façon suivante : « la quatrième révolution industrielle transforme les business models et reconfigure les écosystèmes. La forte croissance des volumes de données crée de nouvelles opportunités pour accélérer l’innovation. Cela renforce la place du digital dans les organisations, avec un nouveau positionnement du DSI, plus valorisant, dans un contexte marqué par l’incertitude permanente et une transformation durable des modes de travail et de management.
1. La quatrième révolution industrielle
Les trois premières révolutions industrielles ont été déclenchées par l’émergence de la machine à vapeur, de l’électricité et de l’informatique. Aujourd’hui, nous sommes dans la quatrième. Elle possède trois caractéristiques. D’abord, la rapidité : chaque technologie nouvelle en engendre d’autres, encore plus puissantes. Ensuite, l’ampleur et la profondeur. Enfin, son aspect systémique, la quatrième révolution industrielle concerne l’ensemble de la Société. Pour les entreprises, elle a plusieurs conséquences : les attentes des clients s’adaptent en fonction de l’expérience ; les produits intègrent de plus en plus de données ; de nouvelles formes de collaboration entre entreprises se développent, dans un contexte d’innovation collaborative, et les modes de fonctionnement des entreprises évoluent vers davantage d’agilité et de modèles économiques basés sur des plateformes.
On observe une combinaison de mégatendances et de points de bascule. Les recherches du World Economic Forum ont identifié trois catégories d’éléments moteurs de types : matériels (véhicules autonomes, impression en 3D, robotique…), numériques (capteurs, Blockchain, plateformes numériques…) et biologiques (imagerie, modification du vivant…). Quant aux points de bascule, qui constituent le moment où une mutation technologique atteint la Société dans son ensemble, ils sont nombreux. A l’horizon 2025, les plus significatifs concerneront les objets connectés, le stockage illimité, la présence numérique des individus sur Internet et le Big Data.
2. La transformation des business models
Historiquement, les business models ont connu quatre grandes phases. La première, au début du XXème siècle est l’âge de la production, lorsque la production de masse a créé les grands conglomérats, tels que Ford ou General Electric. La deuxième correspond à l’âge de la distribution, qui devient la clé de la performance, grâce, notamment, aux réseaux de transport. Et dont les groupes emblématiques sont Walmart, Procter & Gamble, UPS, Fedex… La troisième phase, à partir du début des années 1990, est celle de l’information avec un principe majeur : celui qui contrôle l’information (et les données) domine ses concurrents, à l’instar d’Amazon ou de Google. A partir des années 2010, on entre dans l’âge du client, la maturité des consommateurs impose aux entreprises un recentrage sur les attentes de ceux-ci. Tous ces modèles coexistent, mais on peut observer des différences très nettes entre les modèles traditionnels et les modèles du digital, dans plusieurs domaines : les clients, les modes de concurrence, les données, les opérations et la création de valeur (voir tableau page suivante).
Dans ce domaine, tout change et plus vite : selon une étude de McKinsey, seulement 8 % des entreprises estiment que leurs business models ne changeront pas avec le digital. Le processus de disruption d’un marché est simple : au départ, la quasi-totalité du marché est contrôlée par les acteurs historiques. Progressivement, de nouveaux entrants pénètrent le marché et challengent les modèles établis. Avec l’adoption de plus en plus rapide par les consommateurs : il a fallu presque soixante-quinze ans pour que le téléphone soit utilisé par 90 % de la population, trente ans pour les réfrigérateurs, mais moins de quinze ans pour qu’Internet conquiert la moitié des consommateurs. Ensuite, ces nouveaux venus, souvent des start-up, montent en puissance et imposent de nouveaux modèles numériques qui obligent les acteurs historiques à se réinventer. Ceux qui ne le font pas ou qui ne sont pas agiles disparaissent… Selon Gartner, à l’horizon 2030, 30 % des entreprises devront avoir changé de business models.
3. Des écosystèmes en reconfiguration permanente
Cette tendance n’est évidemment pas nouvelle. Si l’on reprend le classement des premiers groupes mondiaux de technologies, on observe ce bouleversement. En 1975, période marquée par la prééminence des mainframes et des moyens systèmes, les leaders étaient IBM, Burroughs, Honeywell, Speery Rand, Control Data, NCR, Bull, Digital… Dix ans plus tard, on retrouvait quasiment les mêmes, avec une montée des japonais Fujitsu et NEC dans le Top 10. En 1990, le classement n’avait guère été bouleversé : IBM était toujours n° 1 mondial, devant DEC, Fujitsu, NEC, HP, Hitachi, Unisys, Siemens-Nixdorf, Olivetti et Bull… Et aujourd’hui ? Tous ont disparu ou presque : IBM se trouve relégué à la quinzième place (en chiffre d’affaires) et ne figure plus dans le Top 15 en terme de valorisation. Et qui est leader ? Amazon, Apple (onzième mondial en 1990), Samsung, AT&T, Foxconn, Alphabet, Microsoft… On retrouve ce changement permanent dans les écosystèmes avec le foisonnement des start-up. Les cartographies établies par France Digitale sont sur ce point éclairantes.
4. Une forte croissance des volumes de données
Selon IDC, la croissance des données se poursuit à un rythme élevé. Le volume global atteindra 179,6 zetabytes en 2025, contre 64,2 en 2020. Les données créées dans le cloud pèseront 43 zetabytes en 2025 (soit 24 % du total), contre 9 zetabytes en 2020 (14 % du total). L’explosion des volumes de données est due en grande partie à l’utilisation croissante de l’analytique, à la prolifération des appareils IoT et aux initiatives de migration vers le cloud, selon une étude IDC-Seagate. La quantité de nouvelles données créées chaque année augmente à un taux de croissance annuel composé établi à environ 26 % pour la période 2015‑2025.
Environ 30 % des données stockées résident dans des centres de données internes, 20 % dans des centres de données tiers, 19 % dans des centres de données en périphérie ou à des emplacements à distance, 22 % dans des dépôts cloud et 9 % à d’autres emplacements. « Cette répartition ne changera pas radicalement au cours des deux prochaines années, ce qui signifie que les environnements de stockage des entreprises resteront dispersés et complexes à moyen terme », souligne l’étude.
Tous ces flux de données ont quatre caractéristiques : ils augmentent de façon exponentielle, ils sont de plus en plus dépendants les uns des autres, ils circulent selon des modes multi-canal et multi-formats, le poids des informations non structurées devient dominant.
Dans son ouvrage de prospective technologique sur les « méga tendances », Daniel Franklin remarque que « les vagues technologiques sont plus puissantes que les précédentes, sur lesquelles elles prennent appui. Les prochaines vagues technologiques seront axées autour du Big Data, de l’IA et de l’Internet des objets. En moins de deux décennies, l’humanité a créé des technologies dont les applications sont sans limites. Et, grâce aux données, ce qui est difficile deviendra plus facile, ce qui est cher deviendra moins coûteux et ce qui est rare deviendra plus abondant. »
5. L’innovation accélère dans un monde exponentiel
Selon McKinsey, l’innovation se manifeste dans quatre domaines : dans la relation client (de la fidélité à « l’empowerment »), dans les opérations (de l’efficience à l’intelligence), dans les ressources (de la propriété à l’accès) et dans les modèles de coûts (du « low cost » au « no cost »).
L’innovation est caractérisée, selon Andrew McAfee, économiste au MIT, par trois tendances : la numérisation de plus en plus d’activités (transports, musique, information…), avec les nouveaux business modèles et sources de données qui l’accompagnent, « l’exponentialité » et la combinatoire. « L’exponentialité » est illustrée par la métaphore de l’échiquier, popularisée par Ray Kurzweil, directeur de l’ingénierie chez Google. La légende veut que l’inventeur de l’échiquier, pour le compte d’un empereur chinois, avait simplement demandé une récompense en apparence de faible valeur (une quantité de riz pour nourrir sa famille), selon le principe suivant : un grain de riz placé sur la première case, deux grains sur la deuxième case, quatre sur la troisième, et ainsi de suite jusqu’à la soixante-quatrième case. Le cerveau perçoit que, sur la soixante-quatrième case, le volume de riz est imaginable et facilement prévisible. En réalité, il n’en est rien : la trente-deuxième case contient déjà quatre milliards de grains de riz (volume que le cerveau humain peut se représenter) et, à la soixante-quatrième, le volume de grains de riz est équivalent à celui de l’Everest, soit plus de neuf milliards de milliards de grains. Pour Andrew McAfee, en matière d’innovation et de capacité des technologies, nous sommes en train de dépasser la case trente-deux. « Au-delà de celle-ci, l’humain perd, a priori, la notion de la mesure qu’il peut appréhender avec les seules intuitions ou expériences », souligne-t-il.
Pour le futurologue Gerd Leonhard, l’impact du « changement technologique exponentiel » fait que « l’humanité changera plus durant les vingt prochaines années qu’elle n’a évolué depuis trois cents ans. » Le sociologue estime que les ruptures majeures interviendront, entre autres en matière de mobilité, de désintermédiation, d’automatisation, de personnalisation, de virtualisation et de robotisation, sous l’effet de l’action de trois tendances : la nature exponentielle du changement technologique, la combinaison des technologies et des usages, et leur interdépendance.
La possibilité de combiner toutes les technologies et toutes les idées entre elles « conduit à un contexte où il y a une infinité de résultats possibles », avance Andrew McAfee, pour qui « la meilleure façon d’accélérer l’innovation est d’accroître notre capacité à tester de nouvelles combinaisons d’idées, en incitant le maximum de personnes à contribuer. » Pour l’économiste, les trois grandes forces en présence (la profusion de technologies, les tendances exponentielles et les possibilités de combiner les idées) « convertissent la science-fiction en réalité quotidienne, bien au-delà de ce que l’on pouvait récemment imaginer ou théoriser, d’autant que l’on n’en voit pas la fin. » Cela se traduit, selon lui, par la conjonction de deux événements historiques dans l’histoire de l’humanité : l’émergence de l’intelligence artificielle opérationnelle et la possibilité de connecter quasiment tous les habitants de la Terre à travers un réseau numérique.
6. La place du digital devient prépondérante
De nombreuses études montrent que le mouvement de digitalisation est massif, y compris pour les PME : 78 % des dirigeants de PME considèrent que le numérique représente un bénéfice réel pour leur entreprise contre 68 % en 2020. La transformation digitale figure en tête des priorités des dirigeants, devant les investissements en cybersécurité, selon Flexera. Parallèlement à cet effet quantitatif, par le nombre d’entreprises qui investissent, on observe aussi un effet qualitatif, avec une amélioration du niveau de maturité des entreprises. Selon Gartner, la proportion d’organisations considérées comme relativement matures est d’une sur deux, contre seulement moins d’une sur cinq en 2017. D’après l’index de la transformation digitale, publié par Dell, la proportion d’entreprises considérées comme très en retard est de 2 % (en 2020), contre 25 % en 2018. C’est en partie dû à la pression des directions générales : pour Gartner, 83 % plaçaient, en 2021, les investissements dans le digital en tête des investissements, loin devant la R&D et les ventes (60 %) ou le marketing (46 %). Et la proportion de dirigeants qui mentionnent le terme « digital » dans leurs priorités est passé de moins de 5 % en 2013 à presque 25 % en 2022.
7. Une évolution du positionnement des DSI
Schématiquement, on peut représenter la DSI dans l’entreprise en quatre univers : la gestion interne de la DSI, les relations avec les métiers et la DG, les relations avec les utilisateurs/clients et la relation avec les fournisseurs. Autrement dit, ces quatre univers sont constitués par ceux qui délivrent (les DSI), ceux qui paient (les métiers), ceux qui utilisent (les clients, les collaborateurs) et ceux qui fournissent (les éditeurs, constructeurs, ESN, hébergeurs…).
Aujourd’hui, les frontières entre ces quatre univers s’estompent. Rappelons qu’une frontière est définie, selon le Larousse, par les « limites du territoire d’un Etat et de l’exercice de la compétence territoriale, limites entre deux choses différentes, séparant deux zones, ou limites entre deux régions caractérisées par des phénomènes physiques ou humains différents. »
Si l’on reprend les termes de cette définition, ils s’appliquent à l’évolution actuelle, par rapport à l’évolution historique du positionnement de la DSI. On observe très clairement un effacement des frontières. Ainsi, la « limite du territoire d’un État et de l’exercice de la compétence territoriale » s’apparente à la fin de la séparation entre les datacenters (pendant longtemps caractéristique de la « DSI dans sa tour d’ivoire ») et le reste de l’entreprise. De même, la « limite séparant deux zones, deux régions caractérisées par des phénomènes physiques ou humains différents » se traduit aujourd’hui par le rapprochement entre les informaticiens et les utilisateurs, autrefois séparés, voire antagonistes.
Enfin, la « délimitation, limite entre deux choses différentes » symbolise le rapprochement entre la technologie et le business.
Selon Gartner, le rapprochement des DSI et des DG est très net : en 2019, les relations DSI-DG étaient plutôt dans un modèle conflictuel dans presqu’une entreprise sur cinq. En 2020, ce mode relationnel concernait seulement 3 % des organisations. A l’inverse, les modèles de partenariat et de confiance concernent aujourd’hui 84 % des organisations, contre 67 % en 2019.
Selon le cabinet de recrutement Spencer Stuart, le DSI du futur aura plusieurs caractéristiques (que, heureusement, beaucoup ont déjà) : une attitude d’apprentissage continu et une compréhension du parcours client, une communication empathique, une réelle capacité d’animation d’équipes et à attirer les talents multidisciplinaires, la rapidité de prise de décision, la collaboration encore plus étroite avec les métiers, la pensée stratégique à long terme, une focalisation sur la création de valeur et la priorité à l’influence sur l’autorité.
8. L’insécurité permanente
La dernière enquête du Cesin, publiée en janvier 2022, révèle que, en 2021, plus d’une entreprise française sur deux déclare avoir subi entre une et trois attaques cyber au cours de l’année. Ce chiffre tient compte uniquement des attaques réussies, ayant eu des répercussions flagrantes pour les victimes. Pire, l’ampleur et la virulence des attaques ne cessent d’augmenter. En effet, six entreprises sur dix ont connu un ou plusieurs impacts sur leur business, avec pour principaux retentissements : une perturbation de la production (21%), une compromission d’informations (14 %), une indisponibilité du site Web pendant une période significative. De même, plus d’une entreprise sur deux considère que le niveau de menaces en matière de cyberespionnage est élevé (55%).
Mais l’une des difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises dans leur transformation reste que le contexte (économique, politique, social, environnemental, démographique…) est très incertain. Cette situation est résumée par l’acronyme VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity). La volatilité signifie que le rythme du changement, dans tous les domaines, s’accélère, les situations deviennent instables, pour des durées inconnues. L’incertitude correspond au fait que l’on ne maîtrise pas les caractéristiques d’un environnement, les causes et les effets des événements étant inconnus. La complexité se traduit par la nécessité de prendre en compte, avant , de multiples facteurs et une diversité de parties prenantes. L’ambiguïté rend floue la signification des actions ou des tendances.
On peut également retenir le concept intéressant de « Unknow Unknows », qui caractérise des phénomènes qui ne peuvent être anticipés, ni même imaginés. C’est également ce qui illustre la théorie du Cygne Noir qui décrit les événements aléatoires, hautement improbables, aux conséquences énormes, du type attentats du 11 septembre 2001. Ces événements ont trois caractéristiques : leur probabilité de survenance est très faible, si l’on se base sur les connaissances passées ; lorsqu’ils surviennent, l’impact est massif ; après coup, tout le monde affirme avoir vu venir l’événement. Quelques mois après ces événements du 11 septembre, Donald Rumsfeld, à l’époque secrétaire d’Etat à la Défense des Etats-Unis, avait résumé le concept « Unknow Unknows ». Selon lui, il existe trois catégories de choses : celles dont nous savons que nous savons (par exemple 2+2=4), celles dont nous savons que nous ne savons pas (par exemple la racine carrée de l’infini) et celles dont nous ne savons pas que nous ne savons pas. On pourrait ajouter une catégorie supplémentaire : les choses que nous pensons connaître alors que ce n’est pas le cas. Les deux dernières catégories sont évidemment les plus difficiles à maîtriser.
Le contexte est marqué par la coexistence de certitudes et d’incertitudes. Du côté des premières : la complexité croissante des projets (périmètre, enjeux…), les multiplications des interactions avec les écosystèmes et la volatilité des usages (il n’y a plus de déterminisme). Du côté des incertitudes : les interrogations sur les usages de l’intelligence artificielle, les évolutions réglementaires, le contexte géopolitique, les besoins de nouvelles compétences, la vitesse d’innovation et l’intensité de la pression concurrentielle, et les évènements de type « Cygne Noir » (Covid…).
9. La tendance à la monopolisation/oligopolisation
Pour illustrer ce phénomène, on peut prendre l’exemple du cloud. Selon le cabinet Synergy Group, fin 2021, trois acteurs contrôlaient 63 % du marché du cloud (Amazon, pour un tiers, Microsoft pour 20 % et Google pour 10 %). Et d’après Gartner, sur le segment IaaS, les deux acteurs dominants (Amazon et Microsoft) trustaient 61 % du marché en 2020, contre « seulement » 46 % en 2015.
Ce poids des grands acteurs américains est rendu possible par les caractéristiques de leurs modèles de développement : des plateformes modernes et adaptables, de puissants écosystèmes, la maîtrise des données, un pouvoir d’attraction sur les talents, un contrôle de la chaîne logistique de bout en bout, des capacités financières quasi-illimitées, une vision à long terme et un apprentissage permanent de l’innovation.
10. Une transformation des modes de management et de travail
Dans ce domaine, on observe plusieurs évolutions majeures : l’essor du travail et des modes hybrides de collaboration, la pénurie de compétences, l’apparition de nouveaux métiers, l’automatisation et la remise en cause du rôle du management intermédiaire, par lequel la compétence prime sur la hiérarchie, le statut et le mode collaboratif s’impose face à l’approche « Command & Control ».
Le cabinet Forrester prévoit que l’automatisation fragilisera 34 % des emplois en Europe et qu’elle entraînera la perte de 12 millions d’emplois dans les pays de « l’Europe des cinq » (France, Allemagne, Italie, Espagne et Royaume-Uni) d’ici 2040. Principaux secteurs touchés : le commerce de gros et de détail, les transports, l’hébergement, les services alimentaires, les loisirs et l’hôtellerie. En parallèle, l’énergie verte et l’automatisation créeront 9 millions d’emplois dans ces mêmes pays d’ici 2040, notamment dans les domaines de l’énergie propre, des bâtiments propres et des villes intelligentes.
On retrouve des différences fondamentales entre les caractéristiques de l’ère industrielle et celles de l’ère numérique. On peut ainsi opposer, d’un côté, des environnements stables, des évolutions prévisibles, des périmètres d’entreprises relativement bien définis, des processus décrits et figés, des structures de management très hiérarchiques, et, d’un autre côté, des environnements instables et incertains, des écosystèmes en réseau, des processus collaboratifs et un management basé sur la compétence et le leadership.
On déduira de ces dix tendances cinq principes qui s’appliquent d’ores et déjà à l’évolution des systèmes d’information et de ceux qui les créent et les pilotent :
- Rien ne peut être figé.
- Les opportunités sont illimitées.
- La technologie est le premier actif des organisations.
- Il faut se préparer à intégrer en permanence les chocs externes.
- La gestion du changement est un levier crucial d’adaptation et d’agilité.
Dès lors, comment réagir ? On peut prendre une analogie avec un célèbre combat de boxe. Celui qui a opposé, en 1974, dans le cadre du championnat du monde des poids lourds, George Foreman à Mohamed Ali. Le premier, tenant du titre et archi-favori, a pourtant dû s’incliner face à son adversaire, dont la victoire était plus qu’hypothétique, selon les experts. En réalité, Mohamed Ali a gagné, de façon inattendue, parce qu’il a privilégié une stratégie basée sur deux principes : encaisser les coups et fatiguer son adversaire en bougeant sans arrêt. Une stratégie payante mais qui a aussi bénéficié de deux erreurs de George Foreman. Celui-ci a expliqué aux médias, à l’issue du combat, d’une part qu’il n’avait élaboré aucun plan de bataille (« I did not elaborate abattle plan », mais un champion en a-t-il vraiment besoin ?) et qu’il a pêché par excès de confiance (« I had felt secure until that time and I only knew it was over when I saw the referee in the ring »), perdant ainsi le contrôle, jusqu’au KO final. Ce déroulement est aussi identique dans beaucoup d’organisations : l’absence de stratégie, conjuguée à l’excès de confiance, aboutit à une perte de contrôle et, de fait, à l’échec.
Comment les entreprises et leurs DSI peuvent éviter le KO technologique ? Il faut, à l’image de Mohamed Ali, conjuguer deux stratégies : d’une part, face à des chocs externes, une stratégie d’absorption. Elle se traduit, par exemple, par l’optimisation des coûts, des achats et des portefeuilles de projets, le redéploiement des ressources (technologies, finance, compétences…), les renégociations avec les fournisseurs, la consolidation/standardisation/externalisation des infrastructures et des applications. D’autre part, une stratégie d’agilité. Elle se concrétise, par exemple, par la redéfinition des priorités métiers en fonction des cas d’usages, le renforcement des instruments de pilotage et de gouvernance, l’accélération de l’innovation et de la transformation digitale, la réduction de la complexité du système d’information et de la dette technique…
Comme le disait l’expert américain en management Peter Drucker, « le plus grand danger, dans les moments de turbulence, ce n’est pas la turbulence, c’est d’agir avec la logique d’hier. »