La perspective du rachat de VMware par la société Broadcom a fait naître des inquiétudes parmi les clients de l’éditeur. Ainsi, le Cigref et d’autres associations professionnelles européennes ont alerté la Commission européenne sur les risques de pratiques abusives auxquels ce rachat pourrait conduire, compte tenu de la situation dominante de VMware sur les services de virtualisation, et des pratiques contractuelles et commerciales observées par les clients de Broadcom.
Le projet de rachat de VMware par la société Broadcom pour un montant de 61 milliards de dollars (c’est l’une des plus importantes acquisitions du secteur) provoque les plus vives inquiétudes parmi les membres du Cigref. En effet, les solutions VMware sont utilisées par 90 % des grandes organisations publiques et privées. À titre d’exemple, les 155 grandes entreprises et administrations publiques françaises membres du Cigref sont, sans exception, clientes de VMware.
« Bien qu’elle soit en position dominante sur le marché de la virtualisation, VMware ne semble pas s’adonner à des pratiques pouvant être qualifiées d’abusives, et les membres du Cigref clients de VMware n’ont pas manifesté de difficultés quant aux relations commerciales et contractuelles qu’ils entretiennent avec cet éditeur. Par ailleurs, les produits de virtualisation de VMware sont absolument essentiels pour accompagner dans leurs stratégies de transformation numérique ainsi que dans la maîtrise de leurs coûts d’infrastructures les grandes organisations publiques et privées qui les utilisent », souligne le Cigref.
À l’inverse, la société Broadcom est considérée par la plupart de ses clients comme un acteur agressif, multipliant des pratiques qui pourraient être qualifiées d’abusives et de déloyales. Les rachats antérieurs de CA Technologies en 2018 et de Symantec en 2020 ont provoqué des changements de pratiques commerciales et contractuelles que les clients de ces sociétés jugent très sévèrement. Dans un courrier de décembre 2020 auquel les dirigeants de Broadcom n’ont jamais jugé utile de donner une suite formelle, le Cigref dénonçait déjà les difficultés et l’irritation croissante exprimées par ses membres au regard de la politique tarifaire et contractuelle du fournisseur. Ce courrier dénonçait d’une part, la hausse des prix sur la partie mainframe, jugée arbitraire et indécente par les clients, d’autre part, le recours à un contrat standard aux clauses juridiques inacceptables par eux (et non négociables sans un “effort” commercial de leur part).
Le Cigref redoute donc les conséquences que le rachat de VMware par Broadcom pourrait avoir sur les pratiques de cet éditeur, les dirigeants de Broadcom ayant publiquement indiqué qu’ils envisageaient un doublement des marges générées par VMware dans les trois ans qui suivraient ce rachat. Un tel objectif ne pourrait être atteint qu’en supprimant un nombre substantiel de collaborateurs de VMware et en augmentant de manière injustifiée et unilatérale les prix des produits de l’éditeur. Les rachats de CA Technologies et Symantec ont créé des précédents qui renforcent la probabilité d’une telle perspective inquiétante.
Par ailleurs, plusieurs clients de VMware font état, depuis l’annonce de ce projet d’acquisition, de comportements qui pourraient caractériser une “réalisation anticipée” de la concentration, notamment en termes de contrôle par Broadcom des opérations commerciales en cours de VMware et de limitation de certaines clauses contractuelles. La prohibition de la “réalisation anticipée” a pour objet de garantir qu’une opération de concentration ne commence pas à produire ses effets sur les marchés concernés avant que les autorités de contrôle, notamment la Commission européenne, n’aient rendu leurs décisions d’autorisation, d’autorisation sous condition ou d’interdiction.
Avec la future loi sur les marchés numériques (Digital Markets Act), le législateur européen s’attache à réduire les pratiques déloyales de manière ex ante des contrôleurs d’accès. Seul un petit nombre de très grandes plateformes numériques est visé par le texte, que le Cigref accueille favorablement. Il est donc de notre devoir de rester vigilants et d’appeler les autorités de contrôle des concentrations à prendre les mesures nécessaires. Selon les informations récurrentes qui nous sont transmises par nos membres clients de Broadcom, il est clair que les pratiques de ce dernier contreviennent aux 11 Fair Principles que le Cigref vient de publier avec ses partenaires européens, Voice en Allemagne, Beltug en Belgique et CIO Platform Nederland.