Le cabinet Xerfi a publié une analyse sur l’IoT professionnel. L’analyse de Flavien Vottero, directeur d’études chez Xerfi.
Où en est le marché de l’Internet des objets BtoB en France ?
Flavien Vottero. Promis à un avenir radieux, le marché français des objets connectés professionnels peine en réalité à transformer l’essai. Parmi les nombreux facteurs qui freinent son développement, citons la complexité dans le déploiement et la gestion des projets, l’inquiétude en matière de cybersécurité ou encore la problématique juridique autour des données personnelles, la propriété des données échangées et l’interopérabilité. Dans le même temps, les tensions sur les approvisionnements en puces IoT cellulaires devraient perdurer. Cela aura pour conséquence de retarder les projets.
Malgré ce retard à l’allumage une nouvelle phase semble s’ouvrir pour l’Internet des objets BtoB. Trois cas d’usage tirent en particulier leur épingle du jeu : la maintenance prédictive, l’optimisation énergétique des bâtiments et l’asset tracking. Il s’agit d’offres aujourd’hui techniquement abouties et assurant un retour sur investissement rapide pour les entreprises. Dans ce contexte, le chiffre d’affaires des spécialistes des objets connectés professionnels s’envolera de 13 % par an en moyenne entre 2022 et 2025, dans la continuité de l’exercice 2021, d’après nos calculs. Les grandes entreprises adopteront en effet de plus en plus les technologies de l’IoT dans le cadre de solutions opérationnelles dédiées.
Pour leur part, les PME resteront dubitatives et flècheront leurs investissements IT vers des thématiques comme le déploiement de logiciels dans le cloud pour favoriser le télétravail et la coopération des équipes plutôt que vers l’IoT. En 2020, 10 % des entreprises tricolores utilisaient des objets connectés pour assurer la maintenance des véhicules, optimiser la consommation énergétique des locaux, automatiser la logistique ou encore proposer un service client enrichi. Par conséquent, ce taux devrait doubler d’ici 2025 pour toucher 20 % des entreprises, selon nos prévisions. La promesse des objets connectés pour la ville est forte. L’analyse de l’éclairage, du trafic, de la collecte des déchets, de la qualité de l’air permettrait d’optimiser les services publics, de réaliser des économies et de proposer des nouveaux services aux citoyens. Déjà, la gestion des services publics se conçoit de façon plus prédictive et automatisée qu’auparavant.
Comment le jeu concurrentiel peut-il évoluer ?
Flavien Vottero Les objets connectés font intervenir une multitude d’acteurs d’horizons divers comme les fabricants de composants et les concepteurs/fabricants d’objets connectés (Altyor, Sensing Labs…), les réseaux (Sigfox, Obejenious…), les plateformes (Microsoft, IBM…) et les prestataires de services (Synox, Astek…) qui prennent une place prépondérante. En lien avec les évolutions technologiques et les attentes des clients, le paysage concurrentiel se transforme. Alors que le marché de l’IoT professionnel était organisé autour des différents maillons de la chaîne de valeur (objet, réseau, plateforme…), le jeu concurrentiel de la filière se « verticalise » avec des solutions tout-en-un intégrées. Comme la demande des entreprises et des administrations porte sur davantage de simplicité, cela permet d’élargir la clientèle pour faire véritablement décoller le marché.
En réalité, trois phénomènes sont en train de le remodeler. C’est ainsi que la concentration des plateformes s’accélère, compte tenu des millions de dollars nécessaires pour assurer la modularité et l’évolutivité des solutions. En clair, le leadership de Microsoft, Amazon Web Services et Google Cloud n’est pas prêt d’être remis en question. Ensuite, la compétition monte d’un cran, comme l’illustrent les difficultés de la pépite française tricolore Sigfox. Enfin, les acteurs se repositionnent sur l’aval de la filière avec des offres intégrées. On aura alors compris que l’IoT BtoB risque de se limiter à un Internet des silos indépendants.
Comment lever les freins au développement massif du marché de l’IoT professionnel ?
Flavien Vottero Pour lever ces freins, les acteurs misent sur l’amélioration de la compatibilité de leurs solutions. Cela passe par la mise en place de kits de développement ou d’API permettant aux entreprises tierces de connecter les services et les objets. La sécurisation des objets et des réseaux est aussi un axe de développement majeur. Les opérateurs intègrent à cet effet l’enjeu sécuritaire de la conception des équipements jusqu’à l’exploitation des infrastructures IoT. Ils tablent aussi sur l’amélioration des services proposés en renforçant l’intelligence des objets. Pour cela, les équipementiers investissent dans les logiciels analytics pour mieux valoriser les données issues des capteurs. C’est le sens des acquisitions en amont ou en aval pour proposer des solutions clés en main. Le développement de solutions opérationnelles peut également se faire dans le cadre de coopération. Orange, Lacroix Electronics, Sierra Wireless et STMicroelectronics ont ainsi lancé IoT Continuum en juin 2021 pour accélérer le déploiement et l’industrialisation de l’IoT massif sur les réseaux LTE et 5G.