Les modèles historiques de recherche de performance des systèmes d’informations ont atteints leurs limites. Comment dès lors franchir la frontière qui mène les DSI à une réelle performance… durable ?
Les technologies de l’information et leur déclinaison dans l’entreprise sous forme de systèmes d’information ont toujours été mises en œuvre pour gagner en performance. Historiquement, plusieurs leviers ont été actionnés. Et le sont toujours pas les DSI.
Le premier est l’automatisation de la plupart des fonctions de l’entreprise, d’abord des traitements les plus répétitifs (les banques et les assurances ont été précurseurs dans cette voie…) mais aussi les fonctions plus complexes comme les ressources humaines, la finance, le marketing… Second levier de la performance : l’industrialisation/standardisation, qui a conduit notamment à l’engouement pour les progiciels intégrés et fait la fortune des grands éditeurs.
Un troisième levier sur lequel les DSI peuvent s’appuyer concerne l’organisation : il s’agit alors d’assurer la fluidité des processus et, plus généralement, de travailler sur l’urbanisation du SI et l’architecture d’entreprise. Un autre levier, largement utilisé, correspond à l’externalisation, de manière à bénéficier d’économies d’échelle par la mutualisation et l’évolution du périmètre du système d’information.
Enfin, l’optimisation des coûts est, elle aussi, largement répandue et reste d’actualité, à travers, entre autres, la création de centres de services partagés, l’amélioration du sourcing ou encore le recours au mode SaaS (Software as a service) et au cloud computing. La réduction des coûts reste d’ailleurs, selon une étude Gartner publiée début 2013, l’une des trois priorités business des DSI, avec la croissance du chiffre d’affaires et… la recherche de l’efficacité opérationnelle.
On le voit, malgré des dizaines d’années d’initiatives pour doper la performance, de stratégies plus ou moins agressives pour réduire les coûts, de reconfigurations successives des systèmes d’information et des processus, de mesures destinées à accroître la productivité, la recherche de performance est encore prégnante dans l’esprit des managers et des directions générales.
La logique du « faire plus avec moins », si elle a été une constante des stratégies systèmes d’information, d’ailleurs plus ou moins subie par les DSI, le reste toujours et l’on peut parier que cette posture va perdurer dans d’esprit de nombre de dirigeants. D’autant qu’avec la situation de crise profonde que nous connaissons, les approches de type low cost essaiment dans tous les secteurs économiques, non sans succès pour les entreprises qui les privilégient.
Le problème est que le modèle tel qu’il est encore plébiscité atteint ses limites. Davantage automatiser ? C’est possible bien sûr, mais à la marge (par exemple en dématérialisant les factures fournisseurs), car l’essentiel a déjà été réalisé. Et les gains en performance que l’on peut en attendre sont beaucoup faibles que par le passé. Industrialiser et standardiser ?
Les DSI pourront certes encore trouver des poches de productivité et de réduction de coûts du côté des serveurs ou du stockage mais le mouvement vers la virtualisation est déjà massif. Et du côté des ERP, si la performance est au rendez-vous, elle a un coût non négligeable. Reconfigurer les processus ?
L’idée de casser les silos organisationnels est bien sûr séduisante, mais l’expérience montre que le chemin est semé d’embûches, même si cette approche est prometteuse. Externaliser encore plus ? Là encore, l’essentiel de ce qui pouvait être infogéré du côté des infrastructures l’a été. S’engager plus avant dans la réduction des coûts et pressurer les fournisseurs ?
A partir d’un certain point, cette approche devient contre-productive en regard des exigences business.
Est-il pour autant impossible d’atteindre une performance durable du système d’information ? Nous ne le pensons pas. On remarquera que les entreprises n’ont guère le choix et la crise a changé la donne. En effet, plusieurs facteurs se conjuguent pour les pousser dans cette direction. D’abord, c’est une revendication des consommateurs, qui, de plus en plus, changent leurs modes d’achats.
Ensuite, nous sommes entrés dans un monde de ressources rares, qu’il s’agisse de l’énergie, des matières premières, mais aussi des ressources humaines et financières. Enfin, les impératifs de compétitivité, aiguisés en période de crise, imposent la recherche de plus de performance sur le long terme.
Pour les DSI, on retrouve les mêmes contraintes : des directions métiers qui souhaitent valoriser et pérenniser leurs investissements en système d’information, des ressources humaines et financières de plus en plus rares, donc chères, et un impératif que le système d’information permette encore plus que par le passé, de se différencier des concurrents.
Dans un contexte où l’entreprise devient numérique, la mission du système d’information trouve tout son sens. A cela s’ajoute le fait que le système d’information est lui-même le support du développement durable dans la mesure où il contribue à réduire les émissions de CO², à réduire les déplacements ou la consommation de papier, pour ne citer que ces aspects…
Dès lors les DSI peuvent-ils agir ? Nous proposons d’agir en privilégiant trois approches. Le premier consiste à privilégier l’amélioration continue. Pour cela, l’approche Lean Six Sigma se révèle particulièrement adaptée. Rappelons que le Lean, issu du monde industriel cherche à éliminer les sources de gaspillages et à augmenter la capacité et la vitesse de production.
Six Sigma, démarche elle aussi issue du monde industriel, vise à améliorer la qualité. Plutôt que de se baser sur un examen du produit fini, Six Sigma préfère traiter le processus de production avec des outils statistiques. La combinaison de ces deux approches, qui conjuguent l’élimination des gaspillages et l’augmentation de la qualité contribue à accroître la performance globale d’une organisation.
Seconde approche qui nous semble pertinente : la mise en œuvre de la méthode ABC (Activity Based Costing). Il s’agit d’un modèle d’analyse des coûts qui consiste à identifier les différentes activités au sein d’une organisation et à assigner les coûts de ces activités aux produits et services, avec des inducteurs de coûts.
La méthode ABC n’est pas uniquement un moyen de mieux connaître ses coûts et de mieux les contrôler. Elle se révèle très puissante pour comprendre l’ADN d’un système d’information et pouvoir en comprendre comment il se transforme.
Enfin, une troisième approche repose sur le facteur humain. On sait que les entreprises les plus performantes sont également celles qui privilégient des formes innovantes de collaboration entre leurs salariés, leurs partenaires, leurs fournisseurs et l’ensemble de leur écosystème. On le voit dans le domaine de l’innovation ouverte, dans celui de la productivité personnelle, avec les réseaux sociaux d’entreprise ou dans le domaine logistique, avec la gestion intégrée des chaînes d’approvisionnement, de production et de distribution.
Au-delà des formes de collaboration, c’est l’organisation comme lieu de « bien-être » de l’individu qui est en jeu. Les ressources humaines constituent un formidable levier de performance, tous les sociologues des organisations l’ont démontré. Ce travail quotidien de conduite du changement donne du sens à l’organisation collective.
On le voit, ces approches ont chacune leurs avantages mais aussi une limite commune : elles demandent du temps pour les mettre en œuvre. C’est une raison de plus pour commencer dès maintenant à franchir la frontière pour s’engager sur le chemin de la performance durable. Avant qu’il ne soit trop tard…