Comment mesurer le degré de maturité de la fonction achats dans le pilotage de l’entreprise étendue ? Tel est l’objet de la nouvelle édition de l’enquête annuelle réalisée par CGI en partenariat avec l’Institut de Recherche et d’Innovation en Management des Achats (Irima), et le cabinet Better Buying Concepts.
« Dans la mesure où les entreprises ont externalisé de plus en plus de fonctions et d’activités, elles ont déplacé vers des tiers une part significative de leur chaîne de valeur et ont repoussé leurs frontières. Ce nouvel ensemble qui englobe ses partenaires, ses clients, ses collaborateurs mais aussi ses concurrents constitue l’entreprise étendue. L’entreprise étendue devient la maille de travail, créatrice de valeur pour l’ensemble des acteurs économiques », explique Leïla Cardot-Fahas, Directrice d’activité chez CGI Business Consulting.
Pour cette dernière, l’émergence de l’entreprise étendue répond à deux autres exigences. « D’une part, les leviers classiques de négociation s’épuisent et il y a un besoin de nouer des nouvelles relations client-fournisseur, d’autre part, il est essentiel de remettre en cause les relations antagonistes et féodales pour sortir des jeux à somme nulle pour s’orienter vers la création de valeur. »
Problème : sur le terrain, l’étude montre que la fonction Achats est absente de la réflexion stratégique de l’entreprise. Seulement 20 % des répondants déclarent contribuer réellement à la définition de la stratégie de leur entreprise. 30 % déclarent être encore limités aux KPI Achats basés sur la réalisation d’économies. La fonction Achats est encore au stade « décliner la stratégie d’entreprise en stratégie et tactiques Achats », qui trop souvent se limite à des actions de réduction de coûts.
« Près de 80% de la fonction Achats est encore objectivée sur des problématiques de Qualité-Coûts-Délais », précisent les auteurs de l’étude. « La construction de l’entreprise étendue, c’est-à-dire la collaboration entre partenaires appartenant à une même chaîne de valeur, commence en interne, ce qui suppose de repenser le business model et de redéfinir les missions de chacun au sein des organisations, notamment des acheteurs. En externe, il s’agit de remettre en cause une logique longtemps dominante, celle de la stratégie de domination par les coûts » explique Hugues Poissonnier, professeur à Grenoble Ecole de Management et Directeur de la Recherche de l’IRIMA.
De fait, ajoute Leïla Cardot-Fahas, « les organisations ouvertes recherchent un optimum global et cela constitue une rupture intellectuelle pour les achats dans la mesure où le positionnement et le rôle des achats dans l’écosystème s’en trouve modifié, avec une vision communautaire et la contribution à la création de valeur. »
Pour caractériser une entreprise étendue dans son écosystème, quatre critères peuvent être retenus : une vision commune et des intérêts compatibles, des relations reposant sur la confiance et l’implication des parties prenantes, un leadership et des relations clés, un modèle résilient et agile. « L’une des raisons pour privilégier les modèles d’entreprise étendue est de limiter les risques dans un environnement où les ressources sont rares », précise Hugues Poissonnier. Tony Bocock, Directeur Associé de Better Buying Concepts, a défini une échele de maturité en six niveaux :
- culture achats faible
- la fonction achats existe
- les fondamentaux sont maîtrisés
- l’entreprise étendue est embryonnaire
- l’entreprise étendue fonctionne
- l’écosystème est né
« Pour les trois premiers niveaux, nous sommes encore dans un contexte de maturité traditionnelle », explique Tony Bocock, qui a mené une étude auprès de 80 directeurs des achats. « Un tiers de ceux-ci ambitionnent de peser sur les décisions stratégiques mais la mesure de la performance des achats reste très centrée sur le volume d’économies réalisées », souligne Tony Bocock.
« De par son ADN, la fonction Achats se positionne naturellement à la frontière entre l’écosystème interne et externe de l’entreprise », soulignent les auteurs de l’étude. Près de 80% des répondants déclarent piloter la sélection des fournisseurs et conduire la négociation des projets d’externalisation. Pourtant, si la fonction Achats détient le savoir-faire, elle en est rarement à l’initiative. Seulement 17% des répondants déclarent être à l’origine des projets d’externalisation. En matière de systèmes d’information, l’étude révèle un « sous-équipement et peu d’ambition. »
Ainsi, 56 % des répondants gèrent leurs achats avec un ERP ou Excel et seulement un sur dix déclare disposer d’outils collaboratifs de développement de la stratégie achats. Pour les auteurs de l’étude, « le si achats de demain devra, d’une part, permettre l’émergence de l’intelligence collective, et, d’autre part, tirer profit des technologies de traitement de données en masse pour améliorer l’efficacité de la veille et alimenter la gestion des risques. »
Les composantes de la maturité des achats:
Stratégie :
- motivation de l’entreprise pour l’externalisation et/ou le partage des activités de la chaîne de valeur
- relations capitalistiques et investissements
- cohérence entre la stratégie achats et celle de l’entreprise
- perception par les autres fonctions du rôle des achats
- rôle de la fonction achats dans l’entreprise
Mesure de la contribution des achats :
- mesure de la performance
- mesure de valeur de la relation fournisseurs
- communication et transmission d’informations vers le management
Gouvernance :
- capacité à anticiper et à gérer les risques
- robustesse de l’ensemble de la chaîne de valeur
- nature de la relation contractuelle
- propriété intellectuelle
Ressources et moyens :
- pilotage des ressources externes
- marketing achats
- ressources humaines
- capacité à travailler dans un environnement international et/ou multiculturel
- systèmes d’information et outils.