Les points-clés de la pensée stratégique des DSI

Les orientations stratégiques des DSI sont-elles toujours pertinentes ? Pour s’en assurer, il convient de les questionner régulièrement pour valider la pertinence des modèles mentaux. Ceux-ci régissent la plupart des actions et des comportements des DSI, mais ils gagneraient à être remis en cause régulièrement.

L’absence ou le manque de pensée stratégique se révèle par plusieurs signaux faibles, en particulier des questions récurrentes : la stratégie d’entreprise n’est pas connue, lorsqu’elle existe, les individus agissent comme ils peuvent, les managers décident sans cadre susceptible de les guider, les fossés organisationnels se creusent… « La pensée stratégique, en obligeant à se poser les bonnes questions, renforce le leadership des DSI de manière à regagner la confiance des directions générales, à favoriser la collaboration avec les métiers et à améliorer la délégation de responsabilités », résume Tina Nunno, analyste chez Gartner et auteur de l’ouvrage The wolf in CIO’s clothing (*)


Les questions qui dénotent un besoin de réflexion stratégique

  • « Pourquoi personne ne respecte le plan stratégique de l’entreprise ? »
  • « Nous n’avons aucune idée de la stratégie d’entreprise, que devons-nous faire ? »
  • « Pourquoi les équipes de la DSI agissent dans des directions différentes au lieu de travailler ensemble ? »
  • « Pourquoi mes équipes me demandent sans arrêt ce qu’elles doivent faire, ne devraient-elles pas le savoir ? »
  • « Comment peut-on penser stratégie alors que nous agissons dans l’urgence ? »

Le préalable consiste à comprendre avec quels modèles mentaux un DSI fonctionne : « Les modèles mentaux représentent la manière d’appréhender l’environnement, les objectifs à atteindre et les moyens de les atteindre, et les questions révèlent la différence entre ce que l’on perçoit et les objectifs réels », ajoute Tina Nunno, qui suggère une approche en trois étapes. La première étape consiste à prendre conscience des modèles mentaux que l’on utilise pour réagir aux événements et prendre des décisions. Deuxième étape : les valider et les modifier. La troisième consiste, selon Tina Nunno, « à se poser des questions simples pour aider à se focaliser sur les objectifs. » L’analyste a retenu quatre domaines pour lesquels le changement de modèles mentaux se révèle pertinent : la gestion des risques, l’innovation, la délégation de responsabilités et la gestion de l’urgence. Le principe de base, par analogie à un trajet routier, consiste à vérifier la destination finale, à être d’accord avec l’objectif d’y parvenir et à considérer qu’elle vaut la peine que l’on s’y rende. « Ensuite, il faut sélectionner la meilleure route pour se rendre à la destination et vérifier régulièrement que l’on est toujours sur la bonne trajectoire », préconise Tina Nunno.

(*) The wolf in CIO’s clothing, a machiavellian strategy for successfull IT leadership, Editions Bibliomotion, 2015, 232 pages.

    Exemples de modèles mentaux applicables aux DSI
 Domaines  Caractéristique de l’écart entre la perception et la réalité  Suggestion de modèle mental  Questions à se poser
 Gérer les risques L’opposition entre  » la tolérance zéro  » et les comportements non contrôlés Le risque calculé
  • Quelle est la réelle nature du risque ?
  • Quelle est la probabilité de survenance d’un incident ?
  • Dans quel délai sera-t-il détecté et corrigé ?
  • Quelles sont les conséquences ?
  • Quelles sont les options pour réduire les risques ?
 Innover La confusion entre  » Tout le monde doit être créatif et entrepreneur  » et  » On ne peut innover que si on ne gaspille pas de budget «  Innover pour apprendre
  •  Quel est le budget minimum pour tester une idée ?
  • Quel est le temps nécessaire pour tester une idée ?
  • Quels sont les risques à innover et à ne pas innover ?
 Gérer l’urgence L’incertitude entre  » Nous avons un plan et nous l’appliquons  » et  » Il faut toujours éteindre l’incendie «   Faire confiance, mais vérifier
  •  Pourquoi doit-on agir dans l’urgence ?
  • Que se passe-t-il si l’on n’agit pas dans l’urgence ?
  • Quelles sont les alternatives ?
  • Combien paie-t-on pour traiter l’urgence et quel est le ROI ?
 Déléguer Demander, au lieu d’affirmer
  • Quelle est la valeur à déléguer ?
  • Quels sont les risques à ne pas déléguer ?
  • Qui est impacté ?
  • Quelles sont les interdépendances à prendre en compte ?
  • Que ne sait-on pas et que l’on devrait savoir ?
    Source : Gartner.
La vie de DSI doit être faite de questionnements. C’est aussi valable pour n’importe quel manager et, a fortiori, pour les directions générales. C’est le mérite de la démarche proposée par Gartner que de rappeler ce principe. Si la pertinence d’une telle démarche n’est plus à démontrer, on peut relever quatre prérequis :

  • L’approche par questionnement est plus efficace si elle est collective, dans la mesure où personne ne peut tout savoir et maîtriser toutes les données d’un environnement. On pourra suggérer, par exemple, une approche de type « double tour » (Cf. « Comment remotiver ses équipes », Best Practices SI, n° 84, 19 mars 2012) dont on peut rappeler le principe. Retenons le cas d’un DSI qui se pose la question suivante, par rapport à ses objectifs, et qui va solliciter ses équipes : « Par rapport à ces objectifs, quels sont les facteurs clés de succès, qu’est-ce qui va nous permettre de réussir et quels sont les points d’attention, les pièges à éviter ? » Le principe consiste à organiser un premier tour de parole : chaque participant va répondre aux questions. Aucun débat n’est permis. Aucune interruption n’est autorisée. Chacun va s’exprimer à tour de rôle. Puis, dans la foulée, un deuxième tour de parole va être organisé : chacun va alors s’efforcer de synthétiser ce que le groupe, dans son ensemble, a dit au premier tour. On aboutit généralement à une vision commune des réponses aux questions posées.
  • La distinction entre l’important et l’accessoire : l’un des pièges des approches par questionnement est qu’elle devient vite chronophage et que l’on est tenté de remettre en question toutes les actions de la DSI, même les plus anodines ou les moins stratégiques.
  • Le questionnement ne doit pas être un prétexte à l’inaction : il est tentant de se retrancher derrière une incertitude stratégique, une erreur tactique ou un dysfonctionnement organisationnel pour éviter d’agir, privilégier des réunions pour sécuriser la décision. L’approche collective reste bien sûr pertinente, mais la pensée stratégique est avant tout une pensée de l’action, sinon elle ne sert à rien, sauf à faire illusion ce qui, à terme, se révélera dangereux pour la carrière…
  • La pensée stratégique doit s’appliquer à tous les aspects des missions de la DSI. Celles-ci se synthétisent en quatre grands domaines : la gestion de la DSI, les relations avec les métiers, avec les clients et avec les fournisseurs.
Quatre domaines propices au changement de modèle mental des DSI
Domaine Exemple d’objectif Exemple de questions
Gestion de la DSI  Mettre en place une approche Devops
  • Quelles sont les compétences nécessaires ?
  • Comment reconfigurer les profils existants ?
  • Quels processus vont être transformés ?
Relations avec les métiers/utilisateurs  Mettre en place un catalogue de services
  • Comment cartographier les offres ?
  • Comment établir les grilles de tarifs ?
  • Comment communiquer vers les métiers ?
Relations avec les clients externes  Améliorer de x points le taux de satisfaction sur le site e-commerce
  • Comment évoluent les volumétries ?
  • Quels sont les indicateurs de performance les plus pertinents ?
  • Comment est réalisé le monitoring des infrastructures et des applications ?
Relations avec les fournisseurs  Réduire le niveau de dépendance à l’égard des fournisseurs stratégiques
  • Comment mesurer le degré de dépendance ?
  • Quel est le niveau de dépendance optimal vis-à-vis d’un fournisseur ?
  • Comment appréhender la qualité d’un fournisseur (ratings) ?
Source : Best Practices Systèmes d’Information.