Les douze travaux d’Hercule du DSI

Parmi leurs bonnes résolutions pour l’année prochaine, les DSI pourraient intégrer, dans leur agenda et leur roadmap managériale, douze chantiers majeurs, inspirés des douze travaux d’Hercule. Car il faut être très fort pour en venir à bout…

 

1. Nettoyer les cahiers des charges

Trop de cahiers des charges demeurent pollués par des exigences caractérisées par le syndrome des « Trois I » : elles sont soit irréalisables, soit inutiles, soit impossibles à justifier économiquement. Ou les trois à la fois ! Nettoyer les cahiers des charges s’impose, sous peine d’alourdir davantage le travail des équipes de la DSI.

La bonne résolution : imposer un template pour la rédaction des cahiers des charges, avec les éléments indispensables que l’on doit y trouver.
La mauvaise résolution : maintenir le principe du « premier arrivé, premier livré ».

2. Inventer le bon alliage de connaissances

A l’ère de la surinformation et de la bataille (des fournisseurs, des métiers, des médias…) pour capter l’attention des DSI, il est vital de ne plus se disperser et d’aller à l’essentiel. C’est d’autant plus important que, selon Gartner, les entreprises consacrent 34 % de leur cycle d’achat de solutions IT à s’informer, ce processus consomme donc énormément de temps.

La bonne résolution : se désabonner des newsletters qui polluent les boîtes e-mails et évaluer les sources d’information des fournisseurs selon leur degré de crédibilité et de pertinence (livres blancs, retours d’expérience, réseaux sociaux, analystes…).
La mauvaise résolution : renoncer à organiser une veille ciblée avec des sources crédibles.

 

3. Dégraisser la DSI

Les compétences d’hier sont-elles adaptées aux enjeux d’aujourd’hui et, plus encore, à ceux de demain ? Rien n’est certain alors que les environnements business, techniques et organisationnels ne se sont jamais transformés aussi vite. L’adaptation des compétences, même si elle est douloureuse, est incontournable pour éviter une marginalisation de la DSI.

Selon le CIO Survey de KPMG et Harvey Nash, les deux-tiers des DSI, au niveau mondial, assurent que le manque de compétences les handicape pour s’adapter au changement, une situation que l’on n’avait pas connue depuis dix ans. Et, selon Gartner, les profils hybrides vont devenir beaucoup plus nombreux dans les DSI. Actuellement, les deux-tiers des profils au sein des DSI concernent des profils experts et généralistes. Mais, dans trois ans, leur part diminuera (de 68 % à 61 %) au profit de profils hybrides, multidisciplinaires et orientés métiers, dont la proportion passera de 17 % à 30 %.

La bonne résolution : établir la cartographie des compétences existantes pour identifier les manques susceptibles de ralentir la performance de la DSI.
La mauvaise résolution : supprimer tous les budgets de formation.

 

4. Éliminer les fournisseurs inutiles

Entre les consultants qui s’incrustent, les éditeurs de logiciels aux solutions bancales ou verrouillées et les intégrateurs qui poussent à la consommation, une rationalisation ne fait pas de mal pour retrouver un peu de sérénité dans les relations avec les fournisseurs.

La bonne résolution : évaluer le degré de dépendance à l’égard des fournisseurs et identifier « où va l’argent », cela réserve souvent des surprises…
La mauvaise résolution : privilégier systématiquement les fournisseurs les moins chers.

 

5. Liquider la dette technique

La dette technique n’a que des inconvénients : coûts élevés, sécurité compromise, fréquence élevée d’incidents, réduction de la durée de vie d’une application. A l’heure où 70 à 80 % du temps et des ressources d’une DSI sont dévolus à la maintenance, liquider la dette technique redonne des marges de manœuvre pour l’innovation. Cette dette est une « tueuse silencieuse » et provient essentiellement de la multiplication des interfaces, de l’empilement de solutions, du Shadow IT ou d’upgrades non réalisés…

La bonne résolution : quantifier la dette technique avec un indicateur, même imparfait, qui donnera la mesure du problème, et lister toutes les conséquences à court, moyen et long terme.
La mauvaise résolution : renoncer aux upgrades parce que cela coûte trop cher et prend trop de temps.

 

6. Déblayer le portefeuille de projets

Si le nombre de projets est un signe du dynamisme de la DSI, il ne doit pas pour autant nourrir une inflation, sous prétexte que les équipes IT sont performantes et compétitives. Dans un portefeuille de projets, il en existe forcément une proportion significative qui n’aboutiront pas, qui seront livrés hors délais ou avec des surcoûts préjudiciables au ROI. Autant faire de la place…

La bonne résolution : imposer aux métiers la justification des gains métiers, quantifiés, avec la réponse à la question du « Pourquoi » avant de se poser celle du « Comment ».
La mauvaise résolution : afficher une politique Open Bar.

 

7. Purger les applications

Comme pour le corps humain, le parc applicatif a tendance à prendre du poids avec l’âge, s’il n’est pas entretenu. Il a donc besoin d’être régulièrement purgé, notamment des applications qui consomment trop de ressources par rapport à leur utilisation réelle. Quant aux applications que plus personne, ou presque, n’utilise, il convient d’amputer pour retrouver de l’agilité.

La bonne résolution : recenser les applications ou fonctionnalités inutilisées, les désactiver et observer ce qui se passe. En général, rien…
La mauvaise résolution : satisfaire toutes les demandes sous prétexte que cela réduira le Shadow IT.

 

8. Canaliser les prétendants du numérique

C’est probablement le travail le plus difficile : celui, pour le DSI, de conserver la place qui lui revient dans la transformation numérique. Car c’est la première fois que le DSI a des concurrents sérieux (les Chief Digital Officers) qui comptent bien s’approprier le digital. Selon le contexte, il y a lieu de contrôler les velléités des CDO qui verraient bien les DSI relégués à de simples exécutants, avec un retour vers le passé « informatique » comme sous-produit du « numérique ».

La bonne résolution : dans le cadre d’un véritable plan de communication et de marketing de la DSI, élaborer un rapport d’activités de la DSI pour mettre en exergue toutes les missions, les projets, les réalisations et les gains métiers apportés par la DSI. Ceux qui ont essayé n’ont pas eu de problèmes, bien au contraire, ils ont su rééquilibrer la perception, souvent faussée, du vrai rôle, fondamental, des DSI dans la transformation numérique.
La mauvaise résolution : dénigrer les CDO juste pour le principe.

 

9. Décaper les infrastructures

Un système d’information ne peut évidemment pas fonctionner sans des infrastructures optimisées. Hélas, les environnements complètement interconnectés et le rythme de l’innovation technologique génèrent mécaniquement des impuretés, si l’interopérabilité n’est pas optimale. Un bon décapage reste un passage obligé.

La bonne résolution : envisager les services managés comme un moyen de réduire la complexité du système d’information.
La mauvaise résolution : continuer à empiler des couches de stockage.

 

10. Dépoussiérer les contrats

Les fournisseurs, surtout les plus gros éditeurs de logiciels, ne se privent pas de verrouiller leurs clients avec des clauses contractuelles habilement rédigées pour servir leurs intérêts. Sur ce terrain, la vigilance s’impose et un bon dépoussiérage des contrats existants est inévitable.

La bonne résolution : centraliser les contrats dans une base de connaissances et consulter des juristes ou des avocats, c’est souvent un investissement rentable pour dénicher et comprendre les conséquences des subtilités contractuelles concoctées (avec l’aide également d’avocats) par les fournisseurs. Et éventuellement les éliminer avant qu’il ne soit trop tard.
La mauvaise résolution  : éviter de lire les clauses contractuelles sous prétexte que c’est un langage juridique abscons qui ne présente aucun intérêt.

 

11. Évacuer les données inutiles

Puisque, à en croire les experts, l’entreprise orientée Data va devenir la norme, il est primordial de mettre de l’ordre dans les énormes volumes de données générés chaque jour dans les entreprises. Et notamment d’évacuer les données inutiles (il y en a toujours), sous peine de voir les coûts de stockage exploser. Selon IDC, la « datasphère » atteindra 175 Zettabytes en 2025, contre « seulement » 33 en 2018. Environ 40 % sont stockés dans les entreprises, le reste l’étant dans le cloud public ou par les utilisateurs.

La bonne résolution : utiliser la méthode CAC pour travailler sur les données : Cartographier les données, Auditer leur qualité, Consolider les données qui peuvent l’être.
La mauvaise résolution : éviter de mesurer les volumes de données sous prétexte que c’est impossible, trop long et que ça évolue en permanence.

 

12. Bâtir la vision stratégique

Les DSI doivent se positionner comme les grands bâtisseurs du monde des technologies. S’ils en sont les architectes légitimes, il est impératif d’élaborer une vision à moyen et long terme, avec au moins quatre ingrédients : une gouvernance renforcée, un leadership affirmé, une innovation maîtrisée et une agilité technologique.

La bonne résolution : formaliser, sur une page ou deux, la roadmap stratégique de la DSI, en insistant sur la vision (il faut bien sûr en avoir une…) et les moyens de la mettre en œuvre.
La mauvaise résolution  : considérer que, puisqu’il faut privilégier l’agilité et que le contexte est tellement incertain, il est impossible d’anticiper.