Les experts de L’Echangeur BNP Paribas Personal Finance ont publié un rapport de tendances sur les innovations technologiques qui s’apprêtent à impacter le monde du commerce et de la consommation. Ces deux dernières années ont vu l’émergence du Quick Commerce, l’explosion du live streaming, la démocratisation du paiement sans contact, la robotisation mais aussi la « concrétisation » des mondes virtuels (métavers) et la généralisation du travail à distance. Une hyper-digitalisation s’est mise en place, rebattant les cartes du monde économique et spatial. De nouveaux pays, à l’image de la Corée du Sud, préemptent déjà le métavers. Le monde automobile devient de plus en plus dépendant des Big Tech. Nos villes grandissent et se redessinent à la fois…
Du métavers aux organisations décentralisées, c’est toute l’économie digitale qui mute vers le Web 3.0. Un Internet protéiforme, nouvelle génération, est en train de naître. Il faut donc, dès à présent, s’immerger dans ce monde en construction. Au-delà des mondes de synthèse, l’Humanité doit relever les défis écologiques à venir. Numérique et vivant fusionnent grâce à des avancées scientifiques sans précédent dans le domaine de la santé, de l’agriculture cellulaire ou de l’énergie. Mais le chemin à parcourir reste grand pour affronter les enjeux climatiques, sociétaux et humanitaires à venir. Il est primordial que les grandes entreprises internationales investissent dès aujourd’hui le monde des technologies de rupture, les DeepTech. Le salut de l’humanité risque fort d’en dépendre.
Le « 15 minutes retail » (dark store, microfulfillment center, get local…)
Les confinements et, dans leurs lignées, l’essor spectaculaire du télétravail ont accéléré de manière exponentielle les demandes de livraisons à domicile, notamment en milieu urbain sur par exemple le repas du midi, apportant son florilège de nouveaux entrants aux noms exotiques tels Cajoo, Flink, Delivery Hero, Dija, Gorillas, PicNic, Glovo, Getir, Rohlik ou Everli (rien que pour l’Europe !) dans la foulée de l’américain Gopuff, lancé en 2013 et aujourd’hui valorisée 3,9 milliards de dollars, présent dans plus de 500 villes américaines et qui s’est installé début 2022 en France. Et c’est d’autant plus vrai dans l’e-commerce alimentaire qui a profité de la pandémie, représentant 46 % de la croissance des ventes en ligne en France en 2021.
Le point commun de ces nouveaux entrants ? Un service ultra-rapide basé sur le concept de micro-fulfillment center (centres de distribution automatisés) ou « dark store », qui se réfère à des micro-plateformes logistiques de 100 à 300 mètres carrés opérant sur une zone de chalandise très ciblée (1 à 2 kilomètres en moyenne) situées en zone urbaine pour rapprocher le produit du consommateur final. Ces dark stores ont la taille d’une supérette et le chiffre d’affaires d’une épicerie de quartier (autour de 700 000 euros). Ils ne s’adressent qu’aux cœurs de villes des grandes métropoles car ils ont besoin d’un vivier de 150 000 à 200 000 clients potentiels à servir dans un rayon d’un quart d’heure. Ils centralisent entre 1 500 et 2 000 références.
« Pour contrer cette tendance et conserver leur chiffre d’affaires, les acteurs de la grande distribution sont de plus en plus nombreux à pactiser avec ces nouveaux entrants pour assurer le dernier kilomètre. Mais en parallèle, d’autres démultiplient des concepts locaux. Le but premier est d’affirmer leur identité et leur présence dans les nouveaux lieux d’attractivité, les villes moyennes, les zones pavillonnaires, etc. où les gens télétravaillent. » précise Nicolas Diacono, analyste tendances digitales chez l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance.
Crypto et Gaming génération
Les deux dernières années ont changé la donne pour le monde digital. Les consommateurs se sont rapidement adaptés. Aujourd’hui ils sont nombreux à utiliser des services d’abonnement : streaming vidéo, livraison à domicile, réseaux de jeux vidéo, coaching en ligne, etc. Ainsi, le marché du jeu vidéo, évalué à plus de 180 milliards de dollars en 2021, a connu une croissance de 23 % en seulement deux ans. Mécaniquement cela attire de plus en plus de marques et d’entreprises non endémiques vers ce secteur. Dans la majorité des cas, elles viennent chercher de la visibilité, une nouvelle audience voire pour certaines de nouveaux clients. Mais pour la majorité, il s’agit aussi de comprendre les codes de consommation et de communication des 3 milliards de gamers que compte notre planète. Sur console, ordinateur ou smartphone, la grande majorité des joueurs a moins de 40 ans.
Selon Newzoo, 81 % des GenZ jouent aujourd’hui à des jeux vidéo et 71 % regardent des contenus vidéos sur ce sujet que ce soit au travers de streams de joueurs amateurs ou professionnels ou en assistant à des compétitions internationales. Un événement comme le World, la finale mondiale de League of Legends, a réuni plus de 73 millions de spectateurs derrière leur écran en 2021.
Mais, plus important, 40 % des Gen Z déclarent chercher en jouant à interagir avec les autres joueurs ou leurs amis. Ainsi, au travers de ces univers virtuels dédiés au jeu c’est toute une génération qui socialise, communique, discute et partage. De Zelda à Roblox, le monde du gaming a toujours été lié plus ou moins directement avec les mondes virtuels. Des mondes dans lesquels les joueurs peuvent sortir de leur quotidien et se créer une vie alternative plus ou moins écrite à l’avance. Ainsi, c’est l’essor du gaming qui permettra la démocratisation du concept de métavers auprès du plus grand nombre.
Au-delà de l’aspect spéculatif, les crypto-monnaies ou crypto-actifs ne cessent de se développer. En 2021, le nombre d’internautes possédant des cryptomonnaies a connu une croissance de plus de 37 %. 10 % des internautes mondiaux, environ 500 millions d’individus, détiennent aujourd’hui l’une des 16500 cryptomonnaies en circulation. Les plus connues ? Bitcoin, Ethereum, Binance, Cardano, Solana, Tezos ou encore Tether. Les possesseurs de ces monnaies volatiles sont âgés dans 25 % des cas entre 24 et 35 ans, pour 21 % entre 35 et 44 ans. Au cœur de cet essor, la démultiplication des applications de trading comme Coinbase, Binance, Crypto.com qui offrent aujourd’hui des cartes de paiement Visa ou Mastercard. Elles permettent d’utiliser très facilement ces cryptomonnaies pour régler des achats en point de vente. Il suffit simplement de les convertir en monnaie fiat dans le wallet dédié du consommateur.
L’impact sur le Commerce de détail
En 30 ans, le commerce de détail est passé du magasin roi à une constellation de canaux et infrastructures où émergent le e-commerce, les dark stores, le live streaming, les médias sociaux, les smartphones, la livraison, le direct au consommateur, etc. Point de vente physique et e-commerce fusionnent à tel point que le magasin devient progressivement la porte d’entrée vers le commerce en ligne. En dehors du marché alimentaire, beaucoup de boutiques vont devoir repenser leur rôle, leur business model et leur fonctionnalité. Lieu de divertissement, de vie, immersif ou expérientiel, le magasin est un média !
- Les magasins Nike ne sont plus de simples lieux de transactions. Ils sont devenus des ambassadeurs de leur quartier comme Nike by Upper East Side ou Nike by Williamsburg.
- Dans son point de vente de Hudson Yards, Whole Foods Market promeut les producteurs locaux fournisseurs du magasin.
- L’enseigne Saks Fifth Avenue a lancé une offre hors norme en partenariat avec WeWork, le spécialiste du coworking. Avec SaksWork c’est tout le dernier étage du magasin emblématique de la 5e Avenue qui se transforme en espace de coworking. Pour y accéder, il suffit de s’abonner à la journée, à la semaine ou au mois, en scannant un QR code pour payer ensuite avec son smartphone.
Dans ce new Retail, la technologie blockchain va se retrouver au cœur des futurs programmes de fidélisation afin de pouvoir déployer un écosystème et en finir avec les programmes privatifs. Selon une étude de Reciproci, ce sont 78 % des millennials qui seraient prêts à changer d’enseignes pour adhérer à un programme de fidélisation multisectoriel. Les propriétaires des NFTs de la marque Clinique sont ainsi assurés d’avoir un statut de client privilégié en boutique, de recevoir des échantillons produits gratuitement pendant 10 ans et ils pourraient même avoir un droit de regard concernant les produits à venir, grâce à la mise en place d’une organisation autonome et décentralisée (DAO).
La Corée du Sud : digital nation number one
Membre de l’OCDE et du G20, la Corée du Sud, 11ème économie mondiale et 7ème exportateur de la planète, fort de champions de la tech comme Samsung, SK Hynix ou LG en tête de pont, était l’un des pays les plus représentés lors des deux derniers grands salons internationaux, le Consumer Electronic Show de Las-Vegas et le Retail’s Big Show à New York.
Cette évolution récente s’est réalisée grâce à des programmes de soutien gouvernemental comme le TIPS (Tech Incubator Program for Startups). En 2017, la Corée du Sud a créé le ministère des PME et des startups afin de poursuivre et de renforcer cette dynamique. Les investissements de capital-risque ont également afflué dans les startups coréennes et ont augmenté de 78 % en 2021, dépassant ainsi les 6,4 milliards de dollars. Le nombre de nouveaux emplois créés par ces startups en 2021 a dépassé le nombre d’emplois créés par les quatre plus grands chaeobols ou conglomérats réunis soit Samsung, LG, Hyundai et Kia. Enfin, la naissance de nouveaux géants comme Kakao Corp, Naver et Coupang contribue à cette révolution coréenne.
« La Corée du Sud rentre de plain-pied dans le monde de demain, le métavers. Concrètement, l’investissement de 186,7 millions de dollars qui sera dédié à l’écosystème métavers du pays appelé « Expanded Virtual World », va permettre de stimuler, en particulier, le développement et la croissance de l’industrie virtuelle des villes, de l’éducation et des médias du pays. Clairement, la Corée du Sud est entrée sur l’échiquier mondial et va vouloir imposer ses futures règles au monde du commerce de demain. » conclut Guillaume Rio, responsable tendances technologiques chez l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance.