La loi de finances 2021 fait évoluer la fiscalité énergétique des datacenters à compter du 1er janvier 2022 : désormais, l’éligibilité à l’abattement de la TICFE (Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Électricité) sera conditionnée à l’adoption d’un système de management de l’énergie et à l’adhésion à un référentiel officiel de bonnes pratiques en matière d’énergie.
Quelles démarches entreprendre aujourd’hui pour continuer de bénéficier des exonérations en 2022 ?
Une facture d’électricité se décompose en trois principaux éléments. Pour environ la moitié des coûts, il s’agit de la fourniture d’électricité en elle-même (contrat et consommations) ; l’autre moitié se répartit en acheminement de l’énergie (environ 20 %) et en fiscalité (environ 30 %), dont la quasi-totalité est représentée par la Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Électricité.
Cette taxe, instaurée en 2004 sous l’acronyme CSPE (Contribution au Service Public de l’Électricité) et renommée en 2016, a pour but de financer la péréquation spatiale (lissage des coûts de l’électricité pour tous, y compris dans les zones difficiles d’accès) et le développement des énergies renouvelables (éolien, hydraulique et solaire). Depuis 2016, le niveau de cette taxe a été fixé à 22,5 euros/MWh.
Depuis 2018, les datacenters peuvent bénéficier d’un dispositif d’abattement de cette taxe, sous réserve d’éligibilité calculée selon le coût de la TIFCE ramenée à la valeur ajoutée du datacenter. S’il est éligible, un centre de stockage de données numériques bénéficie alors d’un calcul spécifique de la TICFE, à taux plein pour le premier GWh, puis à 12 euros/MWh au-delà. Concrètement, pour un datacenter avec une puissance installée IT disponible de 2 MW, un taux de charge de 50 % et dont la consommation électrique annuelle est de 17,6 GWh, la réduction de la TICFE représente une économique substantielle annuelle de près de 175 000 euros.
Les nouvelles conditions d’éligibilité aux exonérations TICFE
Toutefois, les conditions d’accès vont évoluer à partir du 1er janvier 2022. La loi de finance 2021 prévoit en effet de conditionner cet abattement à deux critères. En premier lieu, la mise en place d’un système de management de l’énergie ISO 50001, pour attester d’une démarche d’amélioration continue (analyse des consommations et identification des points d’amélioration).
En parallèle, l’entreprise exploitant le centre de données devra adhérer à un programme de bonnes pratiques de gestion énergétique, reconnu par une autorité publique nationale ou internationale. Ce qui inclut l’éco-conception du datacenter, l’optimisation de l’efficacité énergétique, le suivi et le reporting de la consommation énergétique, et la mise en œuvre de technologies de refroidissement moins gourmandes en énergie, telles que le free cooling par exemple.
L’adhésion au Code de Conduite Européen pour les datacenters répond à ce second critère d’éligibilité. Ce référentiel, piloté par la Commission européenne et mis à jour annuellement, définit 158 bonnes pratiques autour de sept thématiques (équipements et services IT, refroidissement, chaîne électrique, etc.) réparties en deux catégories : les bonnes pratiques obligatoires, les bonnes pratiques facultatives.
Une certification désormais obligatoire et incitative
De son côté, la mise en œuvre d’un système de management de l’énergie, dont les principes fondamentaux sont la gouvernance, l’audit énergétique, le monitoring et l’amélioration continue, apporte de nombreux gains en termes commerciaux, opérationnels et économiques. Elle permet de valoriser les actions entreprises, notamment auprès de l’externe (partenaires, clients), mais elle apporte également des outils, méthodes et organisations d’accélération durable des performances.
Si l’échéance du 1er janvier 2022 semble proche, la mise en œuvre ex nihilo d’un système de management de l’énergie selon la norme ISO 50001 est parfaitement envisageable. Au total, la charge de travail globale peut être estimée entre 40 et 100 jours/homme pour un cycle complet, depuis l’analyse des risques jusqu’à l’audit de certification en passant par les phases de définition de la stratégie et de la gouvernance, le déploiement ou encore la mise en œuvre du suivi de la performance.
Un objectif réaliste pour une très grande majorité d’exploitants de datacenters, qui ont déjà entamé la démarche pour des raisons économiques ou business, et qui devrait atteindre rapidement la certification officielle.
Pour inciter les entreprises à obtenir la certification ISO 50001, il est à noter que l’ATEE (Association Technique Énergie Environnement) a mis en place un dispositif d’aide dédié, ouvert jusqu’en octobre 2022. Ce dispositif se matérialise sous la forme d’une subvention, destinée à couvrir les frais liés aux prestations d’accompagnement à la certification et dont le montant peut atteindre 20 % des dépenses énergétiques annuelles des sites certifiés, plafonné à 40 000 euros. Un coup de pouce précieux pour les exploitants de datacenters, afin de faciliter et garantir la réussite de leur démarche de certification ISO…
Cet article a été écrit par Caroline Vateau, directrice du département numérique responsable, APL.