La crise sanitaire et le recours massif au télétravail qu’elle a engendré dans les entreprises ont conduit à une décentralisation des informations. En cela, cette période a été un accélérateur d’un phénomène plus global, celui de la décentralisation du pouvoir, et a mis en évidence la nécessité d’adopter une vision agile sur l’ensemble de l’organisation.
L’entreprise, physiquement décentralisée pendant le confinement, a pris conscience d’une réalité : l’agilité est un facteur clé de succès. Ce qu’elle expérimentait déjà dans le cadre de ses projets a pris une tout autre dimension. Sous la contrainte de la Covid, les DSI, qui martelaient que jamais le télétravail ne pourrait être généralisé à l’ensemble des collaborateurs, ont, en quelques jours seulement, prouvé le contraire. Alors que le retour « à la normale » s’amorce, l’entreprise doit prendre conscience de la nécessité de diffuser plus largement cette agilité à l’ensemble de son organisation, en commençant par décentraliser le pouvoir de décision et d’initiatives. Ainsi, le top down décisionnel doit s’effacer progressivement pour laisser la place à l’initiative individuelle et permettre à l’intelligence collective de s’exprimer pleinement. Objectif : améliorer la productivité de l’entreprise grâce une agilité organisationnelle renforcée.
La décentralisation n’empêche pas la hiérarchie
La tête qui dirige en haut, les bras qui agissent en bas : cette vision de l’entreprise est dépassée. Pire, elle est aujourd’hui contre-productive. Pour autant, la décentralisation de la prise de décision ne supprime pas la hiérarchie, elle la décale. D’une hiérarchie de structure, on passe ainsi à une hiérarchie de compétences, ce qui est fondamentalement différent. Le leader d’un projet a désormais pour objectif non plus de renvoyer les ordres de sa direction, mais de prendre ses propres risques en concertation avec ses équipes, dans le cadre d’un objectif commun et partagé. Cette hiérarchie décentralisée présuppose l’accès à de nombreuses informations et à une certaine forme de liberté décisionnelle. Il faut laisser au responsable du projet les mains libres, en lui octroyant la responsabilité d’un budget prédéfini, sur lequel il va s’appuyer pour arbitrer ses décisions. Il pourra ainsi choisir de récompenser financièrement l’implication de ses équipes sans avoir à en référer à son DAF, par exemple.
Place à la pédagogie et à la transparence
Le contrôle de l’information est la condition sine qua non d’un contrôle du pouvoir efficace. Aujourd’hui, tout va beaucoup trop vite, les données à exploiter sont trop nombreuses pour les confier à une seule tête pensante. Pour être réactifs, éteindre un incendie rapidement, les managers sur le terrain doivent disposer d’un grand nombre de data : connaître les salaires de leurs équipes, la rentabilité des actions qu’elles génèrent, etc., afin d’être en mesure de prendre des décisions éclairées au regard de plusieurs critères. Dans ce sens, la transparence apparaît comme un élément fondamental de la décentralisation du pouvoir. Au même titre que la pédagogie, qui participe pleinement à cette délégation. Expliquer le business model de l’entreprise va permettre à un collaborateur de comprendre la manière dont est calculé son salaire et ainsi de ne pas s’imaginer qu’il est lésé.
Une culture d’entreprise à repenser
Bien sûr, la délégation ne peut exister sans confiance et celle-ci découle de la mise en place dans l’entreprise d’une culture de l’échec. Prenons l’exemple d’un collaborateur à qui on laisse un pouvoir de décision et d’action. Si celui-ci manque de discernement une fois, mais que les neuf autres il a fait les bons choix, son supérieur doit prendre le temps de comprendre la raison de cet échec sans pour autant lui retirer ses responsabilités. Le contrôle doit se faire à postériori pour ne pas freiner la motivation et l’engagement du collaborateur. La logique de la culture d’entreprise doit ainsi reposer non plus sur une obligation de fin, mais sur les moyens mis en œuvre.
La responsabilité fait gagner de la productivité
Bien entendu, cette décentralisation du pouvoir ne peut s’exercer que si elle est impulsée au plus haut niveau de l’entreprise et repose sur un socle de valeurs partagées. Pour savoir quelle décision prendre, un collaborateur doit connaître le ou les objectif(s) à atteindre. Si la direction est capable de montrer la voie à suivre et de l’expliquer, le reste découle naturellement ou presque. L’agilité organisationnelle qui en ressort va être un gain de temps et d’énergie précieux pour l’entreprise, puisqu’elle va limiter les validations hiérarchiques souvent longues et inutiles. Elle sera également porteuse d’idées et d’innovation, en permettant à ceux qui sont sur le terrain, en prise avec la réalité de l’entreprise, d’être force de proposition. In fine, cette décentralisation du pouvoir devient vectrice de productivité et de croissance.
Cet article a été écrit par Jean-Sébastien Hongre, fondateur du cabinet Teaminside.