Dans le processus d’achat de solutions IT, plusieurs critères entrent en ligne de compte. Il y a bien sûr les critères objectifs (par exemple, l’existence ou non d’une fonctionnalité métier), mais également les critères semi-objectifs (qualité de la relation établie avec un fournisseurs), les critères de comparaison (retours d’expériences…) et d’autres plus subjectifs, comme la perception de l’image de marque du fournisseur.
Les DSI peinent à trouver les bonnes solutions pour couvrir complètement les besoins métiers : c’est, selon Gartner, le premier critère d’insatisfaction (1), loin devant le manque de ressources internes ou les contraintes budgétaires. Une étude d’IDG (2) montre que les achats de solutions technologiques se répartissent à parts égales entre les upgrades (32 %), le remplacement de solutions existantes (31 %) ou l’ajout de nouvelles solutions (37 %). Et les entreprises se partagent, là encore, à parts quasiment égales, entre le choix d’un nouveau fournisseur (47 %) ou celui d’un fournisseur avec lequel elles travaillent déjà (53 %), avec un cycle de décision qui varie entre quatre mois (pour les applications Web, les postes de travail, les solutions de sécurité…) et six mois (pour les applications de gestion, les réseaux et télécoms…), et qui est en moyenne plus court dans les PME (4,3 mois) que dans les grandes organisations (5,4 mois).
Les critères de choix reposent en grande partie sur les contenus proposés par les fournisseurs, devant les rendez-vous avec les commerciaux, les sites Web des fournisseurs et les retours d’expériences. Ceux-ci apparaissent en retrait, notamment pour les achats de prestations dans le cloud, en septième position (voir tableau). Globalement, les DSI privilégient également des critères tels que la transparence, l’honnêteté, le respect du temps précieux des DSI, le partage d’informations pertinentes et la possibilité de tester les produits. Hélas, ils déplorent toujours un manque de contenus pertinents diffusés par les fournisseurs : c’est un problème gênant pour 42 % d’entre eux, voire très pénalisant pour 31 %, notamment lors des événements (3).
La situation actuelle est marquée par deux tendances fortes : d’un côté, des réductions de budgets de la part des DSI et, de l’autre, la volonté des fournisseurs de vouloir gagner plus, en particulier les ESN et les cabinets de conseil qui sont les plus touchés. Rappelons que les dirigeants des prestataires de services croient de moins en moins à une reprise rapide qui permettrait d’effacer deux mois de sous-activité pendant le confinement, selon le baromètre Inop’s.
Une étude de Syntec numérique montre que 74,1% des éditeurs et sociétés de services anticipent déjà une baisse de leur chiffre d’affaires prévisionnel sur le deuxième trimestre 2020, en moyenne -22,9 %. « Cet impact très concret est renforcé par un allongement perçu des délais de paiement qui risque d’aggraver les difficultés de trésorerie des plus petits acteurs. En tout, ce sont 46 % des dirigeants qui expriment leur inquiétude quant à la pérennité de leur entreprise si la reprise de l’économie ne se fait pas à un rythme normal dans trois mois », note Syntec numérique. Du côté des start-up, on note le même phénomène : l’enquête, réalisée début avril 2020 par l’accélérateur Wilco auprès de 306 start-up, indique que 40 % d’entre elles anticipent une baisse d’activité et 20 % un arrêt total.
D’où la tentation, bien compréhensible, de vouloir gagner plus. Pour mesurer la performance de leurs activités et l’améliorer en permanence, les ESN utilisent principalement trois ratios, que l’on retrouve dans les objectifs formulés aux managers des équipes de consultants :
- Dépasser un taux moyen de facturation des ressources de 70 à 80 %, la moyenne étant plutôt vers 70 %. Cela suppose de disposer de capacités de prévision et de planification de l’activité à court ou moyen terme. Les sociétés de services doivent conserver un niveau satisfaisant de facturation pour éviter l’effet de ciseau qui concerne de nombreuses structures de petite ou moyenne taille : ce phénomène se produit lorsqu’une activité en croissance nécessite des recrutements de consultants, de développeurs et d’ingénieurs, et qu’à un moment donné se manifeste une panne de croissance ou des difficultés de trésorerie, aggravées par la crise actuelle. Résultat : les coûts fixes ne diminuent pas alors que le chiffre d’affaires recule. Le maintien d’un taux de facturation minimum est donc la condition indispensable à la survie d’une structure de conseil ou d’intégration.
- Atteindre un résultat opérationnel supérieur à 20 %, ce qui implique un contrôle des coûts (surtout les coûts de structure) et une maîtrise des dérapages éventuels, en cas de difficultés chez un client. En évitant de tomber dans le piège de contrats au forfait dont la charge, pour la société de services, a été mal estimée et qui aboutit, au final, à un abaissement du taux journalier moyen de facturation.
- Maintenir les coûts des ressources non facturables en dessous des 15 %, la moyenne étant plutôt de 20 %. Cela suppose un bon dosage entre les couches de management, dont certaines ne sont pas directement facturables, les services de back office et les frais généraux.
Anticiper les tactiques des prestataires
Ces trois éléments de pilotage d’un prestataire de services ont des conséquences pour leurs clients. Si on laisse de côté l’organisation interne des sociétés de services, qui peut être optimisée côté processus, gestion financière ou humaine, elles peuvent être tentées de faire porter l’optimisation sur leurs clients.
Comment ? D’abord, pour augmenter le taux moyen de facturation, ou de jours facturés, les prestataires vont tenter d’augmenter leur taux de succès aux appels d’offres. L’idéal, bien sûr, reste de ne pas trop sacrifier les prix de journée. Mais, si l’objectif est d’occuper le maximum de ressources, une approche de type « sièges d’avions » peut s’avérer pertinente : qu’un avion parte rempli de passagers ou à moitié seulement, le coût du vol est le même, autant brader les sièges disponibles pour augmenter le taux de remplissage.
Un prestataire de services peut agir de même selon le principe qu’un consultant, qu’il soit inoccupé ou « vendu » à un prix de journée en dessous du marché, coûte le même prix à son employeur. Ainsi, par exemple, le coût d’un consultant qui serait en-dessous de son objectif de facturation à 70 % reste quasiment le même que s’il était à 90 %, à la différence près des rémunérations variables selon le taux d’activité. Les prestataires de services peuvent également jouer sur le portefeuille de compétences proposées aux clients, en privilégiant les expertises les plus rares, donc, a priori, les plus chères. Cette approche se heurte toutefois à la réalité du marché du travail des plus qualifiés et aux difficultés à les recruter. C’est l’effet « montée en gamme ».
Ensuite, pour accroître le résultat opérationnel, il faut augmenter la rentabilité des projets. Pour cela, trois pistes sont possibles : la première consiste à privilégier les projets les plus lucratifs, en éliminant, par exemple, ceux pour lesquels les DSI et les métiers ne savent pas très bien ce qu’ils veulent. Deuxième piste : les prestataires peuvent être tentés d’augmenter leurs prix, même si c’est risqué face à la concurrence. Troisième voie possible : faire réaliser les projets avec des consultants moins expérimentés, donc moins chers, par rapport à ceux qui étaient prévus. C’est un grand classique que l’on retrouve dans de nombreux domaines (la communication, le marketing…).
Un contre-pouvoir pour négocier les prix de journée
Enfin, pour maintenir l’équilibre entre les ressources facturables et celles qui ne le sont pas, les prestataires peuvent : soit multiplier le nombre de consultants, ce qui réduira mécaniquement le poids des collaborateurs non facturables, soit réduire le taux d’intercontrats, période pendant laquelle un consultant n’est pas chez le client. Certes, il peut mettre à profit ce temps mort pour se former, mais c’est beaucoup moins productif, à court terme, pour son employeur.
Si les stratégies et les tactiques des prestataires de services induisent des inconvénients pour leurs clients, elles présentent également quelques avantages. Pour un DSI, consacrer le temps nécessaire à étudier la stratégie de ses prestataires de services peut se révéler très profitable, par exemple pour obtenir de meilleures conditions tarifaires ou un « surclassement » de consultants…
Cela suppose, bien sûr, un niveau minimum de maturité dans la relation avec les prestataires : si ceux-ci ont, face à eux, des DSI très aguerris, qui savent où sont les risques et qui ont parfaitement compris la stratégie financière de leurs prestataires, ces derniers seront prêts à nouer des compromis sur un modèle « gagnant-gagnant ».
(1) Garner Tech Purchase Poll, 2020.
(2) The drive to transform powers a more inclusive buying dynamic, 2019.
(3) Marketing fit guide, keys to an effective event marketing strategy to reach tech buyers, IDG.
Les principaux critères de performance utilisés par les sociétés de services
- Chiffre d’affaires moyen par consultant facturable par collaborateur.
- Proportion de nouveaux clients.
- Proportion d’appels d’offres gagnés (Bid to win ratio).
- Taux de turn over des consultants.
- Profitabilité brute des contrats.
- Proportion de projets délivrés dans les délais.
- Pipeline de projets.
- Chiffre d’affaires moyen par projet.
- Taux d’intercontrats.
- Évolution du cycle de vente.
- Remise moyenne par client.
- Temps de recrutement d’un consultant.
- Ratio collaborateurs non facturables/nombre total de salariés.
Connaître les principales techniques de déstabilisation des fournisseurs… pour pouvoir les utiliser !
- La mauvaise alternative : proposer deux alternatives, dont l’une est inacceptable, ce qui pousse à accepter l’autre.
- Le « faux pivot » : exagérer l’importance d’une demande de contrepartie, dont on peut se passer, pour donner l’impression d’une plus grande concession, quand on y renonce.
- L’ultimatum : poser une limite de temps incompressible ou une contrainte non discutable.
- Le disque rayé : répéter le même argument jusqu’à épuiser l’adversaire.
- Le cheval de Troie : trouver un accord a priori gagnant-gagnant pour les deux parties, mais qui recèle un piège à long terme pour l’une des deux.
- La fin de non-recevoir : un classique de la grande distribution, qui consiste à systématiquement rejeter les arguments de son interlocuteur en affirmant d’emblée : « C’est inacceptable ».
- Le « Blitzkrieg » : changer de position brutalement pour accélérer l’issue de la négociation.
- Le transfert de responsabilité : « Mon manager ne voudra jamais ! », côté fournisseur ; « Mon DAF ne voudra jamais ! », côté DSI.
- Le temps mort : pour rester maître du planning.
- Le silence : le premier qui rompt le silence a perdu !
- Le changement d’interlocuteur : il fera semblant de ne pas être informé des discussions précédentes.
- Le lièvre : se servir d’une proposition d’un client (ou d’un fournisseur), avec lequel on n’a pas l’intention de signer, pour mieux négocier avec celui que l’on a, a priori, choisi.
- Le service personnel : approche volontairement séductrice mais très risquée.
- Le grappillage : c’est « la dernière petite chose » pour ajouter une demande à la dernière minute. Cette technique est également appelée « Effet Colombo ».
- La technique du coiffeur : un quart d’heure d’attente, a priori pour avoir une coupe… qui se transforme en trois-quarts d’heure. Au-delà d’un certain niveau d’engagement, il est difficile de revenir en arrière.
- La diplomatie secrète : des supérieurs hiérarchiques des deux parties mènent des négociations en parallèle.
- La culpabilisation : retourner le couteau dans la plaie, par exemple en revenant sur une défaillance passée, même mineure.
- La fausse transparence : celui qui affirme « je vais vous parler franchement » le fait rarement.
- Les enchères : faire perdre de vue l’objectif en utilisant les ressorts du jeu et des addictions pour privilégier le plus offrant.
- Les trous de mémoire : affirmer que le blocage vient de l’autre et lui demander de suggérer des solutions.
- La petite graine : faire une offre en demandant de ne pas y répondre tout de suite. Cela permet de faire des demandes exorbitantes pour entretenir le flou sur sa position réelle.
Cloud : ce qui influence le plus les décisions d’achats des DSI
- Test de la solution : 52 % des entreprises.
- Démonstration de la solution : 49 %.
- Avis d’analystes : 47 %.
- Actualités sur le fournisseur : 44 %.
- Présentations commerciales du fournisseur : 39 %.
- Entretien avec des experts : 33 %.
- Étude de cas : 31 %.
- Retour d’expériences de pairs : 28 %.
- Articles de presse : 28 %.
- Études de marché : 26 %.
Source : Marketing your cloud computing products, IDG, 2019.
Les critères de performance privilégiés par les éditeurs de logiciels en mode SaaS
Source : Top 250 des éditeurs de logiciels français, 9ème édition, octobre 2019, EY, Syntec numérique.
Les types de risques des projets de sourcing | |
Domaines | Types de risques |
Sélection du fournisseur |
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Négociation |
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Localisation du projet |
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Finance |
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Processus |
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Ressources humaines |
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Source : Minimiser le risque des projets de sourcing informatique, Teknowlogy Group, 2019. |
Les centre d’intérêts pour les contenus des fournisseurs selon les étapes du cycle d’achat | |
Étapes du cycle d’achat | Contenus les plus efficaces |
Évaluation des besoins |
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Définition des prérequis techniques |
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Évaluation des solutions | |
Sélection du fournisseur |
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Communication interne |
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Approbation de l’achat |
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Source : IDG |
Les stratégies possibles | ||||
Stratégie du prestataire | Indicateurs clés | Tactiques du prestataire | Actions du prestataire | Tactiques pour éviter les inconvénients |
Augmenter le taux moyen de facturation des ressources | Prix moyen de journée par consultant, nombre moyen de jours facturés par consultant |
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Augmenter le résultat opérationnel | Marge brute par projet |
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Diminuer le coût des ressources non facturables | Coûts salariaux complets des ressources non facturables et coûts de structure/CA total |
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Source : Digitalonomics. |