Les entreprises industrielles se mettent à la collaboration

Du Lean Management au mode agile, on ne travaille plus comme avant dans les entreprises industrielles françaises, selon une étude réalisée par OpinionWay pour Slack, qui révèle que la collaboration est devenue une nécessité pour concevoir des projets (40 %).

Pour 26 % des cadres français du secteur industriel, il s’agit d’une réalité quotidienne, particulièrement dans les entreprises de moins de 50 salariés, où ce chiffre atteint 38 % (contre 21 % dans les entreprises de 50 à 599 salariés).

Les jeunes de moins de 35 ans sont deux fois plus nombreux que les plus de 50 ans à souhaiter que cette pratique se développe (32 %). « On aurait pu s’attendre à plus, les bienfaits de la collaboration sont identifiés mais moins mis en œuvre, il y a donc encore des marges de progression et le manager a un rôle central pour favoriser la collaboration », souligne Clotilde Combe, directrice adjointe du département Opinion d’OpinionWay.

Incertitude et complexité favorisent le besoin de collaborer

Pourquoi le besoin de collaboration est-il croissant ? C’est essentiellement dû à la montée des incertitudes, selon Vinciane Beauchêne, Partner au Boston Consulting Group : « Le niveau de complexité, c’est-à-dire le nombre de contraintes qu’il faut intégrer a été multiplié par cinq à sept depuis cinquante ans. Quant au niveau de complication, c’est-à-dire le nombre de processus ou de KPIs, il a été multiplié par 35 durant la même période. La logique taylorienne ne peut plus répondre, en créant encore plus de règles, il faut, au contraire s’en remettre à l’intelligence humaine et cela passe par la collaboration. »

Vinciane Beauchêne rappelle la règle des 10 %-20 %-70 % : 10 % de la valeur créée vient des données et des algorithmes, 20 % de la technologie et 70 % du facteur humain (compétences, modes de travail…). « La technologie n’est rien sans l’intelligence humaine », résume Vinciane Beauchêne.

Pour Jean-Marc Gottero, DG France de Slack, « la collaboration a commencé avec l’e-mail, mais c’est un bon exemple d’une approche Top-Down. La collaboration, aujourd’hui, est une manière de changer la culture d’entreprise et, dans un contexte d’incertitude, les processus doivent laisser la place à l’auto-organisation, car les modèles de commandement ne sont pas compatibles avec la créativité. Tant que l’on reste sur l’e-mail comme base de la collaboration, cela n’envoie pas le bon message aux collaborateurs. »

Or, le modèle « Command & Control » est encore très présent dans les organisations. Pour Vinciane Beauchêne, « il faut conjuguer alignement et autonomie, c’est le rôle du dirigeant de demain de piloter cette transformation agile. On passe ainsi d’un modèle « Command & Control », qui n’est plus tenable, à un modèle « Trust & Transparency » (confiance et transparence), d’un monde « Push » à un monde « Pull ». »

La collaboration dope la productivité

Dans ce contexte, assure Jean-Marc Gottero, « les entreprises ont besoin de DSI visionnaires mais dans un cadre contrôlé, ce qui n’est pas facile. », sauf, peut-être avec les générations de DSI les plus jeunes. « Même avec des générations plus âgées, il y une volonté d’apprendre, car, après les vagues des mainframes et des ERP, la prochaine est celle de la collaboration », nuance Vinciane Beauchêne, qui estime à dix personnes la maille idéale pour optimiser la collaboration.

Dans un contexte concurrentiel soutenu, la collaboration est d’autant plus une nécessité pour l’industrie qu’elle présente des avantages clairement exprimés par ses cadres.  Ainsi, selon eux, cette méthode de travail favorise la créativité et la productivité (95 %), le bien-être des employés (95 %), la culture d’entreprise (94 %) et l’agilité (90 %), d’après l’étude OpinionWay. Interrogés sur la collaboration générale dans leur organisation, près de la moitié des cadres (49 %) estime que la collaboration est suffisamment développée. Ils sont 45 % à le penser en ce qui concerne leurs relations avec les prestataires et fournisseurs, 43 % avec les différents sites de l’entreprise et seulement 36 % avec les différentes filiales de l’entreprise. Seule la collaboration entre les membres d’une même équipe dépasse la moyenne avec 62 % de cadres satisfaits.

Un problème d’outillage

La mise à disposition d’outils de collaboration est-elle une fin en soi ? Apparemment non : même si 74 % des cadres dans l’industrie dispose d’outils de collaboration, ils ne sont que 59 % à les utiliser régulièrement et 15 % à ne pas s’en servir. Pourquoi le taux d’adoption n’est-il pas plus élevé ? Le manque d’implication et des outils inadaptés sont mis en cause.

Les cadres eux-mêmes sont les premiers à estimer ne pas être suffisamment impliqués dans la prise en main et l’utilisation des outils mis à leur disposition. Selon 35 % d’entre eux c’est la direction de l’entreprise qui ne s’implique pas assez. Le manque de culture d’entreprise semble également avoir un impact pour 33 % des répondants. Ce manque est encore plus vivement invoqué par les cadres disposant d’outils de collaboration, mais ne s’en servant pas.  Alors que 28 % mettent en cause des outils inadaptés à une meilleure collaboration, ils sont 20 % à penser qu’un accompagnement via une formation favoriserait une plus grande collaboration.

Ces besoins de collaboration sont d’autant plus importants que le monde industriel est en révolution permanente et que les approches répandues dans le monde des services sont pertinentes pour le monde industriel. On assiste en effet à un double mouvement, aligné sur les nouveaux usages de consommation : d’une part, la servicisation des offres et des produits des entreprises industrielles.

Selon l’Insee, pas moins de 80 % des entreprises industrielles vendent des services. Dans l’édition 2019 de son panorama sur les entreprises françaises, l’Insee souligne que « l’industrie est le secteur le plus concerné par ce phénomène de filialisation et de recours accru à des filiales tertiaires spécialisées, que ce soit en amont du processus de production (publicité, R&D, marketing, immobilier) ou en aval (commerce de gros, services de réparation‑maintenance). »

D’autre part, l’industrialisation des services. Le concept d’industrie 4.0, qui correspond à une nouvelle façon d’organiser les moyens de production en associant le virtuel, le numérique et la gestion avec la fabrique réelle des objets, est de mieux en mieux connu. Selon le baromètre Industrie 4.0 des ETI, réalisé par Gfi, OpinionWay et BFM Business, six dirigeants d’ETI sur dix connaissent le concept d’industrie 4.0 et estiment que c’est une opportunité pour leur entreprise. Cependant, le niveau de maturité reste faible (mesuré à 34/100) et seulement une entreprise sur cinq a entamé sa transformation ou l’a planifié à court terme.

Les six principaux axes privilégiés pour développer l’industrie 4.0

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Source : Baromètre industrie 4.0 des ETI, GFI, BFM Business, OpinionWay.


La 5G sera-t-elle la clé de l’industrie 4.0 ?

Pour les professionnels, la capacité à connecter entre eux des milliards d’appareils pour former un réseau Internet des Objets constitue l’avantage le plus évident d’une connexion 5G, selon John Harris, directeur R&D chez Panasonic Mobile Solutions Business pour qui, « si le passage de la 4G à la 5G semble une modification minime sur le plan linguistique, en termes technologiques la distinction est pourtant énorme. La 5G dispose de suffisamment de capacités pour prendre en charge un débit mobile extrême (Enhanced mobile broadband, jusqu’à 20 Go/s), soit une vitesse dix fois supérieure au réseau 4G LTE. Un film de deux heures pourrait ainsi être téléchargé en trois secondes seulement. »

La 5G offrirait également une bien meilleure fiabilité et une faible latence (un dixième de celle de la 4G LTE), deux critères essentiels pour la communication de type machine critique (critical Machine Type Communication) utilisée dans l’exploitation à distance de sites de production et dans d’autres applications de commande industrielle. Elle permettrait aussi une progression de la connectivité des communications de type machine de masse (massive Machine Type Communication) avec un million de connexions par kilomètre carré, soit dix fois plus que la 4G LTE.

Enfin, les réseaux 5G gagneraient en flexibilité grâce au « découpage » du réseau (network slicing). Cette pratique consiste à diviser un réseau en plusieurs « tranches » afin d’obtenir plusieurs réseaux virtuels que les opérateurs peuvent utiliser en fonction des usages. Les entreprises pourraient également y avoir recours en vue de créer leurs propres réseaux 5G privés.

« Si cela paraît trop beau pour être vrai, c’est parce qu’il reste quelques défis à relever pour les fournisseurs de réseaux mobiles, comme pour les entreprises. Jusqu’à présent, le déploiement du service 5G s’appuyait sur une bande de fréquence inférieure à 6 GHz. Il s’agissait donc d’une mise à niveau relativement simple pour le réseau mobile et les smartphones, mais insuffisante pour exploiter le plein potentiel de la 5G en terme de bande passante. C’est ici qu’intervient la longueur d’onde millimétrique », poursuit John Harris.

Pour ce dernier, « l’usine intelligente et la production constituent deux gagnants évidents de la nette amélioration de l’automation et des efficacités dues à la connectivité de l’IoT. Le potentiel de la 5G en matière de véhicules automatisés, de contrôle à distance et d’automatisation de l’exploitation, devrait aussi révolutionner la logistique et les transports. Dans le commerce de détail, l’expérience d’achat pourrait être transformée par des applications de réalité augmentée desservies par des réseaux 5G, tandis que les appareils connectés par l’IoT pourraient signifier une réelle optimisation de la chaîne logistique. »


Les trois risques de l’industrie 4.0

Si la transformation numérique du secteur industriel permet une augmentation de la productivité, tout en réalisant des économies d’échelle ; elle ouvre cependant la voie à de nouveaux défis en matière de sécurité. « La production industrielle est désormais l’un des secteurs les plus ciblés par les pirates informatiques, en deuxième position derrière le secteur de la santé. Les technologies liées à l’Internet industriel des objets (IIoT), telles que la robotique de construction et les chaînes de montage intelligentes, placent les industriels dans le collimateur des pirates informatiques, pour lesquels ils représentent une cible tout aussi vulnérable aux attaques que les cibles traditionnelles », rappelle Pascal Le Digol, DG France de WatchGuard Technologies. Selon lui, trois points sont particulièrement sensibles :

1. L’IIoT, des conditions de fonctionnement dangereuses

L’IIoT s’est invitée dans de nombreuses usines et s’est très vite inscrite comme un atout, mettant en avant « l’assurance de la qualité » ainsi que « l’amélioration du rendement », entre autres compétences prometteuses. Avec l’IIoT, les technologies telles que la surveillance des stocks, la robotique connectée et la localisation de ressources apportent un véritable avantage concurrentiel. Mais, malgré tous ses avantages, l’IIoT est confronté aux mêmes pièges qui menacent l’Internet des objets (IoT) : des produits le plus souvent conçus sans tenir compte de la composante cybersécurité et qui offrent aux cybercriminels de nouveaux et attrayants vecteurs d’attaque.

Contre-mesures :

  1. Installer des points d’accès WiFi sécurisés et gérés dans le cloud, intégrant un système de prévention des intrusions sans fil (WIPS).
  2. Partitionner le réseau en plusieurs segments (IIoT, Wi-Fi invité, entreprise, etc.), ce qui permet d’isoler les dispositifs IIoT des autres équipements et, le cas échéant, de limiter la propagation d’une attaque.

2. Le Shadow IT, cheval de Troie de la scène industrielle

Le Shadow IT constitue une préoccupation majeure pour de nombreux industriels, car les équipes opérationnelles achètent et utilisent des équipements connectés sans posséder les connaissances du service informatique central, ce qui entraîne une saturation du réseau et favorise le risque de cyberattaques. Les équipes informatiques sont donc dans l’incapacité de vérifier la sécurité des logiciels ou des terminaux dont ils ignorent l’existence sur leur réseau, et ils ne peuvent pas non plus les gérer efficacement et appliquer les éventuels correctifs et mises à jour nécessaires.
Contre-mesure :

  • Faciliter la visibilité des équipements non autorisés. Des services de cartographie réseau existent et permettent aux équipes de la DSI de visualiser le réseau qui est derrière le firewall avec tous les équipements connus utilisant des données provenant d’un scan nmap, d’une prise d’empreintes digitales DHCP, d’informations d’en-tête HTTP ou d’application. Toutes ces ressources connues peuvent être identifiées par des icônes et représentées, ce qui permet aux équipements nouveaux ou inconnus de se démarquer immédiatement lorsqu’ils apparaissent sans ces données, et aux équipes informatiques de prendre les mesures correctives nécessaires.

3. Le vol de propriété intellectuelle par voie dérobée dans la chaîne de production

La moitié des violations qui surviennent dans le secteur industriel sont liées au vol de propriété intellectuelle. La documentation sur les produits et les processus de fabrication des entreprises sont autant de données susceptibles d’être dérobées par la concurrence et par des pirates informatiques armés de ransomwares.
Contre-mesures :

  • L’authentification multifacteur pour sécuriser l’accès aux données stratégiques du réseau. Il existe aujourd’hui des solutions qui vont plus loin que l’authentification traditionnelle à 2 facteurs (2FA) en utilisant la biométrie par exemple. De plus, cette authentification multifacteur peut également être utilisée pour accéder aux VPN et aux applications cloud.
  • La Data Loss Prevention, ou DLP, est également un service qui permet d’éviter les violations de données, en analysant les fichiers texte, afin d’y détecter toute fuite d’informations sensibles du réseau. Dès lors que des informations sensibles sont identifiées, la connexion est bloquée ou mise en quarantaine, et l’administrateur en est informé.