La plupart des managers sont amenés, un jour ou l’autre, à prendre la parole. Avec, probablement à chaque fois, des appréhensions, des doutes, voire un sentiment de peur, qui peuvent conduire à des stratégies de fuite et de renoncement : c’est dommage lorsque l’on a des choses intéressantes à dire !
Toutes les angoisses que l’on peut avoir avant de parler en public peuvent être largement atténuées, voire éliminées, en s’exerçant. Les personnes capables d’intervenir dans n’importe quelles circonstances et d’improviser ont soit un don, soit, plus probablement, ont travaillé en amont. C’est l’ambition de cet ouvrage, rédigé par Chilina Hills et Geneviève Smal, deux spécialistes de la prise de parole et du leadership : « Comme tout le monde n’a pas le loisir de s’entraîner régulièrement devant un public et que l’on a peu l’occasion de s’exercer seul en prise de parole, il est difficile de s’améliorer. Nous voulions qu’il soit possible de s’exercer un peu partout, dans des circonstances de tous les jours, seul ou avec d’autres. Nous avons voulu éviter le sérieux qui tue. La vie quotidienne devient un terrain de jeu idéal pour s’exercer partout et n’importe quand : au supermarché, avec le chien, en voiture, au restaurant, dans la salle de bains, sur le lit, à l’apéro avec des copains, au café, devant la télé, dans une boutique, avec ses enfants et même ses ados, au boulot… »
Maîtriser la parole pour améliorer son leadership
Si devenir un orateur hors-pair s’apprend, cela suppose de s’exercer régulièrement. Car l’enjeu est fondamental : « Tout leader réellement inspirant est excellent en prise de parole. Améliorer sa prise de parole aboutit alors forcément à améliorer son leadership puisqu’on développe son charisme, son pouvoir de connexion, ses capacités d’influence et de persuasion. Prise de parole et leadership vont de pair et c’est cette alliance magique qui va donner aux autres l’envie de nous suivre », estiment les auteures.
De nombreux managers sont confrontés à la situation suivante : « Vous présentez un projet chez un client, vous tentez de faire adopter une idée aux gros bonnets de votre entreprise, vous êtes devant un public en tant qu’expert dans votre domaine. Vous êtes stressé, car les enjeux sont de taille, mais vous savez que votre contenu est convaincant (vous l’avez testé !). Mais que se passe-t-il ? Ils ont l’air de se désintéresser… vous êtes mal, très mal… »
Mais comment faire quand on a ni le temps ni l’envie de s’assommer avec des lectures ennuyeuses et des exercices barbants ? Les auteures proposent 97 exercices pratiques, qui couvrent tous les domaines de la prise de parole. Et répondent aux multiples questions que tout le monde se pose, par exemple : Pourquoi, dès que je parle, tout le monde s’endort, et, dès le début, personne ne m’écoute ? Qu’est-ce que je fais de mes mains ? Comment fait-on pour avoir plus de présence ? Pourquoi suis-je toujours à côté de la plaque ? Pourquoi le public ne voit pas où je veux en venir ? Pourquoi je parviens à foirer ma présentation en deux secondes ? Pourquoi, quand je présente, j’ai l’air d’avoir avalé un manche à balai ?
Travailler la voix, le corps et le regard
Sur le plan personnel, tout orateur doit travailler trois éléments clés : la voix, le langage corporel et le regard. Le travail de la voix est crucial : « Sans son suffisant, point d’écoute. Sans modulation, point d’écoute. Sans voix posée, point d’écoute. Et s’il n’y a pas d’écoute, pas la peine de prendre la parole. Le son, la voix et l’intonation seront donc notre point de départ, notre socle. Un contenu extraordinaire, mais une voix sans nuance, ça fait flop ! », résument les auteures.
Il faut prendre garde à ne pas utiliser le ton interrogatif : « C’est le ton de voix que l’on adopte inconsciemment lorsque l’on est impressionné par son auditoire, lorsqu’il y a de gros enjeux, lorsque l’on a le trac, lorsque l’on n’est pas sûr de soi ou de ce que l’on avance. C’est un ton de voix qui monte à la fin de votre phrase (ou quand vous faites une pause), comme pour une interrogation, au lieu de descendre comme pour une déclaration ou une affirmation. Utiliser le ton interrogatif quand on tente d’affirmer quelque chose est inconsciemment perçu par votre auditoire comme un manque de confiance en vous ou en ce que vous proposez, et comme une recherche d’approbation (bon, ils n’ont pas tort !). Du coup, ils ne sont pas rassurés… et bye bye votre crédibilité et leur soutien ! »
Outre la voix, il convient travailler le langage corporel, en particulier la position de pieds et des mains. « On se sent gauche et le regard des autres nous donne juste envie de nous tortiller, de sourire bêtement ou au contraire de prendre cet air contrit qui ne nous facilite pas le contact non plus », résument les auteures. « Dès que celui ou celle qui doit prendre la parole se trouve confronté à un public, ses bras et ses mains commencent à pousser, pousser, comme le haricot magique, prenant une place considérable, au point que le malheureux se pose soudain. Une question qui ne l’avait jamais effleuré dans la vie de tous les jours : qu’est-ce que je fais de mes mains ? Vingt, trente ou quarante ans de vie sans se demander quoi faire de nos mains et là, tout d’un coup, face à de nombreux regards, les mains acquièrent une existence et une place démesurée qu’elles n’avaient pas deux secondes auparavant. »
Quant au regard, les auteures affirment que « les personnes qui recherchent le contact visuel pendant qu’elles parlent sont inconsciemment perçues par leur auditoire comme particulièrement bien disposées, beaucoup plus crédibles et beaucoup plus sincères que les autres. On vous laisse imaginer comment sont perçues celles qui évitent le contact visuel. »
Un orateur doit ainsi établir sa crédibilité : « En imposer n’est pas ce que nous recommandons car c’est établir un rapport dominant/dominé qui n’est pas le plus efficace. En même temps, en imposer « un peu quand même » peut être utile dans certaines circonstances : il y a des occasions où il est utile de rappeler à certains qui est le chef… Mais attention, sans les écraser, sinon ils vous attendront au tournant. » Pour imposer sa présence, les auteures suggèrent plusieurs principes : « Être totalement focalisé sur l’objet de votre attention (ici, votre public), être totalement présent à ce que vous faites, être dans le partage (il n’y a pas de barrière entre eux et vous) et dans l’égalité (vous n’êtes pas dominant ni dominé). »
Haro sur les slides moches !
La personnalité et la posture de l’orateur ne font pas tout : la qualité du contenu et la manière de le présenter sont tout aussi importantes. Dans ce domaine, les bonnes pratiques sont connues. Les auteures fournissent des conseils pour éviter les slides moches et ennuyeux. Et dans le domaine des technologies de l’information, ils sont particulièrement répandus ! « Le support visuel est… un support. Il vous supporte donc, vous soutient, il consolide vos paroles, il illustre vos mots pour faciliter la compréhension à votre public. C’est un ami, une parure, un appui, mais jamais, jamais, il ne s’exprime à votre place. Comme un ami sincère, jamais il ne vous fait de l’ombre », expliquent les auteures.
Pour s’améliorer, elles proposent deux exercices. Le premier consiste à oublier l’ordinateur et privilégier le papier. « Prenez des feuilles A5, A4 ou de simples Post-it, des feutres, des crayons de couleur. Construisez une histoire qui parle de vous, comme une BD, griffonnez, dessinez, écrivez des mots-clés. Déplacez les feuilles dans tous les sens, imaginez une histoire, prenez du temps et du plaisir, ce ne sera pas perdu, au contraire. Petit à petit, vous créez vos slides sur papier. Restez simple, clair. Une idée par slide au maximum. » Seconde piste : ouvrir des livres d’images. Ils sont utiles car, lorsqu’ils s’adressent aux enfants, « ils doivent être clairs pour que ceux-ci comprennent immédiatement. Pas de fioritures : on voit l’image, on comprend le message », résument les auteurs, qui proposent également des exercices (qui s’apparentent aux méthodes employées par les journalistes) pour choisir le bon titre, mettre en avant les arguments et faire comprendre à l’auditoire où l’on veut en venir. « Si vous voulez convaincre, commencez toujours par leur donner des preuves, ne commencez jamais en donnant vos opinions. Mais attention, le message type « slogan » n’est pas une preuve, c’est le plus souvent une opinion qui doit découler tout naturellement des preuves que vous avancez. », préviennent les auteures.
Trente secondes pour attirer l’attention
Souvent, tout se joue dans les trente premières secondes : « En prise de parole, si vos premières secondes sont mauvaises, pitoyables, vous finirez peut-être par éblouir votre public, mais vous allez devoir y mettre bien plus d’énergie que si vous aviez bien commencé. » Les auteures recommandent, par exemple, de visionner des vidéos des entrées des intervenants aux conférences Ted ou de regarder comment les animateurs de télévision, les chanteurs ou les comiques entrent en scène.
Ou de s’inspirer de l’introduction d’un livre : « Une bonne introduction doit aussi et surtout capter l’attention du lecteur, titiller sa curiosité et lui donner envie tout en le mettant dans l’état d’esprit le plus propice pour bénéficier au mieux du contenu. C’est exactement le même principe pour la prise de parole. Hélas, peu appliqué », déplorent les auteures.
« Votre introduction, si elle est fade et longuette, tout le monde s’en fiche. Pis : elle plombe votre discours. Le public, qui était peut-être heureux de vous entendre, perd son écoute. » On évitera donc les remerciements en tous genres, dont tout le monde se fiche, de même que le très courant « Je vous promets, ça ne va pas durer longtemps », signe que le timing va être explosé, comme dans 90 % des conférences, où les organisateurs rechignent à faire respecter les temps de parole indiqués dans le programme. On remarquera aussi que, très souvent, ceux ou celles qui débordent leur timing sont aussi ceux et celles dont les présentations ne sont guère convaincantes… On ne peut que conseiller à tous ceux-là de lire ce livre…
97 exercices décalés pour prendre la parole n’importe où, n’importe quand, avec (presque) n’importe qui, par Chilina Hills et Geneviève Smal, Ed. Eyrolles, 288 pages.
Ça passe ou ça casse | |
A ne pas dire… | A dire… |
« Vous devez », « Il faut que vous », « Vous n’avez qu’à », « Si j’étais vous », « À votre place, je… » | « Vous pourriez », « Que pensez-vous de », « Avez-vous essayé ? », « Personnellement, j’ai trouvé que », « Il se trouve que »… |
« Toujours », « jamais », « systématiquement »… | « Souvent », « rarement », « vous avez tendance à » |
« Votre idée est intéressante, mais elle n’est pas réaliste. » | « Votre idée est intéressante. En même temps, elle est très ambitieuse… » |
« Il faut que vous compreniez que les choses ont changé. » | « Comme vous le savez, les choses ont changé. » |
« Croyez-moi, c’est dans les centres commerciaux qu’il faut vendre ce produit ! » | « Et si on faisait un test dans les centres commerciaux ? Qu’en pensez-vous ? » |
« Vous devez absolument adopter cette nouvelle méthode de travail pour améliorer vos performances. » | « J’aimerais vous présenter une méthode de travail qui a fait décoller mes performances. À vous de voir si elle peut vous convenir. » |