Les DSI en manque d’accompagnement

Les DSI restent optimistes sur l’avenir de leur métier, mais s’estiment insuffisamment accompagnés, révèle une étude de Fabernovel et du cabinet Topics. Alors que la transformation des organisations est majeure, comme le rappellent les analystes de Gartner et d’IDC.

Le premier enseignement de l’étude est le vent de positivisme qui souffle sur la population des DSI, dont 301 ont été interrogés par l’institut CSA : 87 % se déclarent optimistes sur leur métier. Un score qui monte à 93 % auprès des DSI des entreprises de 500 salariés et plus. Ce sentiment est à mettre en parallèle avec la transformation du métier, qui a fortement évolué depuis cinq ans pour 72 % des interrogés, dont 9 % qui évoquent même « une transformation radicale ».

Les principales raisons de ce changement, selon les DSI, proviennent à la fois de l’évolution des technologies et des nouvelles formes d’organisation du travail (transversalité, externalisation…).

D’après l’étude, les DSI interrogés s’estiment largement soutenus par leur direction générale pour conduire leurs actions (92 % partagent cette opinion) et pensent que leur propre feuille de route est alignée avec la stratégie de l’entreprise (87 %). Ils sont un peu plus nuancés pour évaluer leur image en interne auprès des métiers, puisque 31 % des répondants ne pensent pas être perçus comme des « Business Partners ».

« Ce chiffre illustre le changement de paradigme et donc de posture pour les DSI. De prestataires de service IT, engagés dans une relation contractuelle avec les métiers, ils doivent évoluer et devenir des partenaires, des Business Enabler pour véritablement accompagner la transformation en réinventant les process » développe Bruno Mettling, CEO du cabinet Topics.

L’externalisation, phénomène paradoxal au sein des grandes entreprises

Le second enseignement se structure autour de l’externalisation des missions, qui touche les DSI des plus grandes entreprises : si 29 % des DSI, en moyenne, déclarent externaliser la plupart de leurs missions, ils sont 34 % au sein des entreprises de 500 salariés et plus.

« Nous observons sur le marché une réelle envie des DSI à ré-internaliser des prestations historiquement confiées à des partenaires externes, mais encore très peu d’entreprises françaises ont en réalité leurs propres développeurs pour y parvenir. Les DSI peuvent se faire accompagner sur des projets par des équipes de talents externes, dont le leitmotiv sera le réel transfert des compétences et savoirs pour leur donner à terme l’autonomie nécessaire », selon Cyril Vart, executive vice-president chez Fabernovel.

Cette tendance à une ré-internalisation s’observe également à travers l’indicateur ISG Index, qui analyse les contrats d’externalisation IT. En Europe, la valeur annuelle des contrats de services gérés est tombée à 2 milliards d’euros au troisième trimestre 2019, soit une baisse de plus de 900 millions d’euros par rapport au trimestre précédent (- 31 %).

« Sur la même période, la demande de solutions cloud as-a-service augmente de 10 % en glissement annuel, pour atteindre le chiffre record de 1,6 milliard d’euros, mais sans être suffisante pour compenser le ralentissement des dépenses dans les services gérés », souligne-t-on chez ISG. Mais les entreprises continuent toutefois d’investir dans les services cloud et les projets de transformation numérique. Selon ISG, « les contrats as-a-service représentent 39 % de la valeur annuelle des contrats du marché combiné, contre 20 % seulement il y a trois ans. »

Pour Lyonel Roüast, partner et président d’ISG Europe, « les actuels enjeux politiques et commerciaux participent à une situation mitigée concernant les investissements dans la technologie, avec des entreprises fortement divisées entre investir dans la croissance ou miser sur la technologie pour réduire les coûts d’ici à 2020. De nombreux fournisseurs de technologies se montrent modérément optimistes quant aux investissements et à la demande. »

Un accompagnement RH insuffisant par rapport aux enjeux

Au cœur de la transformation des DSI, il reste une zone d’ombre. La capacité de la fonction RH à soutenir et accompagner un tel mouvement est jugée sévèrement, notamment en ce qui concerne le recrutement de profils rares, 68 % des DSI ne jugent pas efficace la fonction RH de leur entreprise en la matière. Ils ne sont que 57 % à estimer que la politique de formation est à la hauteur des enjeux et 47 % à se dire épauler par les RH pour retenir les talents.

« Le constat RH est sévère, mais révèle un déficit de synchronisation au sein des entreprises. Face aux fonctions clés qui se transforment, les équipes RH doivent, elles aussi, faire leur aggiornamento en étant encore plus orientées vers leurs clients internes. Cela signifie d’entrer davantage dans les problématiques des DSI et de travailler en coopération pour construire ensemble l’offre de services RH la plus adaptée en acceptant qu’elle puisse évoluer régulièrement », commente Bruno Mettling. « Le temps des grandes politiques SI RH figées pour cinq ans est révolu. Les DRH aussi doivent faire preuve d’agilité pour s’adapter », insiste Cyril Vart.

Les priorités exprimées par les DSI en matière RH sont l’organisation de formations pour faire monter les équipes en compétence (64 %), le recrutement de nouveaux profils au sein des équipes (44 %) et un accompagnement pour faire évoluer la culture managériale (42 %), au coude-à-coude avec le souhait d’une organisation plus horizontale pour gagner en agilité (41 %).

Faire face aux incertitudes

Lors de son symposium annuel qui s’est déroulé à Barcelone début novembre 2019, Gartner a mis en exergue le fait que les entreprises, leurs DSI, sont encore vulnérables si les conditions économiques se dégradent. Selon Gartner, 90 % des entreprises ont fait face à des changements significatifs de leur environnement économique au cours des quatre dernières années. Andy Rowsell-Jones, analyste chez Gartner, estime que les retournements de conjoncture étant « fréquents et disruptifs », ils rendent plus difficiles certaines missions des DSI, en particulier attirer les talents, trouver des financements, et sont confrontés à un ralentissement des budgets IT.

Ces ruptures entraînent notamment des transformations organisationnelles, une pression sur les coûts, des réglementations plus contraignantes et une évolution de la demande des clients… D’où trois impératifs, face à ces turbulences, résumées par un Triple A (voir tableau): Alignement (pour partager les objectifs et la vision stratégique), Anticipation (des changements à venir) et Adaptabilité (pour s’ajuster aux nouvelles conditions).

De son côté, IDC met en exergue, dans ses « Worldwide CIO Agenda 2020 Prédictions », sept éléments externes qui vont modeler l’agenda des DSI :

  • L’innovation qui détermine le futur des organisations.
  • L’accélération des disruptions et de la volatilité des environnements.
  • L’économie des plateformes.
  • La valorisation des données.
  • La crise de confiance à l’égard des technologies.
  • La diffusion de l’intelligence artificielle.
  • La transformation des environnements de travail, avec l’agilité et des frontières plus poreuses entre vie privée et vie professionnelle.

Pour Joe Pucciarelli, vice-président d’IDC, les trois-quarts des DSI auront, à l’horizon 2024, reconfiguré leurs actifs IT, qu’il s’agisse des budgets, des infrastructures ou des compétences, de manière à réduire les coûts et à s’adapter aux exigences d’agilité. « L’IT devient une organisation où tout est possible », affirme-t-il, en particulier dans un contexte de transformation digitale.

Les trois stratégies par temps d’incertitude
Stratégie Bonnes pratiques
Alignement
  • Améliorer le leadership
  • Rationaliser les investissements
  • Clarifier la vision stratégique
  • Renforcer les relations partenariales
Anticipation
  • Positionner l’IT comme un différenciateur
  • Prioriser les risques
  • Anticiper les tendances technologiques disruptives (IA, plateformes, drones, réalité virtuelle, RPA, informatique quantique…)
Adaptabilité
  • Transformer la culture d’entreprise
  • Muscler la gouvernance IT
  • Favoriser l’agilité et l’innovation
Source : 2020 CIO agenda : winning in the turns, Gartner Symposium 2019.