Les entreprises sont ou vont être obligées de publier un index de l’égalité femmes-hommes. Et si les DSI faisaient de même ?
La question de l’égalité hommes-femmes est devenu un vrai sujet : d’après un sondage IFOP/ ministère du Travail, publié en novembre 2018, 38 % des Français jugent « tout à fait prioritaire » la mise en place de l’égalité salariale réelle pour un poste équivalent, 55 % constatent que les femmes ont moins de chances que les hommes de progresser dans les entreprises et 74 % regrettent que les femmes gagnent un salaire inférieur à celui des hommes.
Est-ce également le cas dans les DSI ? Bien que l’on ne dispose pas de chiffres consolidés, c’est fort probable. Et l’on devrait y retrouver deux ratios révélateurs : selon le Secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, l’écart moyen de salaire entre femmes et hommes, à situations égales, atteint 9 % et seulement 9 % des dirigeants de grandes entreprises sont des femmes, 15 % dans les entreprises de moins de 250 salariés.
Toutes les entreprises sont évidemment incitées à prendre en compte cette problématique et à engager des actions correctrices. D’autant que des obligations réglementaires, avec des échéances précises, imposent des actions concrètes pour réduire les inégalités professionnelles femmes-hommes. Les enjeux sont de taille, ils concernent bien sûr les aspects juridiques, mais également ceux liés à l’image de marque, au recrutement et à la performance économique et financière.
La conformité aux principes de l’égalité hommes-femmes est évidemment incontournable, mais il ne s’agit pas seulement d’une problématique réglementaire ou de pénalités financières. Les enjeux, y compris pour les DSI, sont liés à l’attractivité des métiers, à l’image de marque d’une DSI en interne et en externe, au recrutement et à la performance des équipes, notamment pour éviter le « désengagement » des collaborateurs. Selon l’indice du bien-être au travail 2019, le coût du désengagement des salariés en France atteint 14 580 euros par an et par salarié, en hausse de 9,3 % par rapport à 2018.
Dans le cadre des nouvelles dispositions sur l’égalité hommes-femmes, cinq critères ont été retenus pour les indicateurs de mesure des écarts :
- Les écarts de rémunération selon les catégories socio-professionnelles (cadres, agents de maîtrise, techniciens…) ou le coefficient hiérarchique. Cet indicateur a pour objectif de comparer les rémunérations moyennes incluant le fixe et le variable, ainsi que les primes et les avantages en nature, mais hors primes de départ ou de précarité.
- Les écarts de répartition des augmentations individuelles, où l’on compare le nombre de femmes et d’hommes ayant eu une augmentation individuelle. L’objectif est d’inciter les managers à attribuer des augmentations à ceux et celles qui le méritent et pas seulement à ceux qui la demande et qui sont souvent des hommes.
- Les écarts de répartition des promotions entre les femmes et les hommes. L’objectif est de limiter les effets du « plafond de verre » qui tend à bloquer l’évolution professionnelle des femmes.
- La proportion de salariées augmentées à leur retour de congé maternité. Le rattrapage salarial des femmes de retour de leur congé de maternité est obligatoire depuis 2006, la maternité étant un facteur de discrimination important qui impacte le niveau et l’évolution des rémunérations.
- La proportion de femmes parmi les dix plus hautes rémunérations, l’objectif étant d’assurer un équilibre hommes-femmes dans les postes de direction. Rappelons qu’en France, 42 % des cadres sont des femmes, mais elles représentent seulement 17 % des postes de direction et 10 % du Top management.
Quel mode de calcul ?
A chacun des indicateurs est associée une pondération. Globalement, les entreprises ont trois ans pour atteindre 75 points. Les entreprises en-dessous de 75 points devront prendre des mesures de correction pour parvenir à l’égalité dans les trois ans.
Les pondérations retenues sont les suivantes :
- Écart de rémunérations : 0 à 40 points.
- Écart de répartition des augmentations individuelles : 0 à 20 points.
- Écart de répartition des promotions : 0 à 15 points.
- Proportion de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité : 0 à 15 points.
- Proportion de femmes parmi les plus hautes rémunérations : 0 à 10 points.
Les cinq bonnes pratiques pour progresser
Les DSI peuvent bien sûr considérer que la problématique de l’égalité relève exclusivement de la DRH ou de la direction générale. Mais une pro-activité dans ce domaine n’est pas inutile. Cinq principes peuvent être appliqués :
- S’impliquer personnellement
Il est indispensable que la problématique de l’égalité hommes-femmes soit prise en compte au plus haut niveau de la DSI (et de l’entreprise), compte tenu des enjeux, qui dépassent de loin la simple gestion des ressources humaines. - Réaliser un état des lieux pour identifier les points d’amélioration
Du fait de la délimitation des indicateurs, chacun des cinq domaines concernés doit faire l’objet d’une analyse de l’existant. Cela présente au moins trois avantages. D’abord, le fait de vérifier que toutes les données existent, qu’elles sont fiables et aisément récupérables pour le calcul des indicateurs. Ensuite, cette analyse de l’existant permet de définir le niveau de départ et, de fait, la progression de l’entreprise en matière d’égalité, avec une démarche de benchmarking. Enfin, cela peut permettre éventuellement d’adapter les processus RH pour faciliter la collecte et l’exploitation des données utiles au calcul des indicateurs d’égalité, notamment s’ils sont nombreux et qu’il est pertinent de les consolider. - Associer toutes les parties prenantes
L’impulsion de la direction générale et de la direction des ressources humaines, si elle est évidemment nécessaire, n’est pas suffisante. La problématique de l’égalité femmes-hommes étant par nature très stratégique et très sensible socialement, toutes les parties prenantes doivent être impliquées dans le processus d’amélioration continue, notamment les instances représentatives du personnel, le management intermédiaire et l’ensemble des salariés. - Communiquer largement
La communication tient une large place, du fait des enjeux d’image de marque, de recrutement et de motivation des collaborateurs. Une stratégie d’égalité se doit d’être, par définition, ambitieuse. Le faire savoir participe à cette ambition, en particulier pour démontrer au plus grand nombre (en interne et en externe, aux clients et aux partenaires) les progrès accomplis. - Définir un plan d’action
L’amélioration continue en matière d’égalité hommes-femmes ne peut se concrétiser que par des actions visibles, coordonnées, cohérentes et porteuses de résultats mesurables et incontestables. Plus le score de l’index d’égalité sera faible, plus les efforts devront être engagés au plus vite, avec des ressources (humaines, financières) suffisantes.
En fonction des indicateurs qui sont privilégiés dans le calcul de l’index d’égalité, le plan d’action repose sur trois domaines. D’abord, la politique salariale, pilier de l’égalité hommes-femmes, afin de rétablir un équilibre correspondant aux critères de rémunération à postes comparables. Ensuite, la gestion des carrières et des talents, de manière à garantir des évolutions objectives et cohérentes. Enfin, la formation permet d’agir sur la structure des catégories socio-professionnelles, de manière à favoriser la mobilité ascendante.
Les échéances
Les entreprises doivent anticiper plusieurs échéances pour publier les indicateurs et la note globale de l’index égalité hommes-femmes. Depuis mars 2019, les entreprises de plus de mille salariés doivent se soumettre à cette obligation, pour les salaires 2018. Celle-ci est étendue aux entreprises de 250 à 1 000 salariés en septembre 2019. En mars 2020, ce sont les entreprises de 50 à 250 salariés qui sont concernées. Deux autres échéances importantes sont à prendre en compte, pour les entreprises qui n’auront pas obtenu des notes suffisamment élevées dans la mesure des écarts. En mars 2022, les entreprises d’au moins 250 salariés qui n’auraient pas atteint l’objectif de 75 points sont passibles d’une pénalité financière. Ce sera le cas pour les entreprises de 50 à 250 salariés dès mars 2023. Un premier bilan, établi en mars 2019, montre que, sur 1 460 entreprises de plus de 1 000 salariés concernées par l’obligation de publication, seule la moitié ont publié leur score. La moyenne des scores s’établit à 80 points, mais 16 % des entreprises en obtiennent un inférieur à 75 points. Pour les entreprises ayant publié leur score, le plus bas est de 51/100 et seulement 14 entreprises ont atteint 100/100.
Les neuf domaines d’action en faveur de l’égalité hommes-femmes
- Le recrutement.
- Les conditions de travail.
- La formation.
- Les rémunérations.
- La promotion professionnelle.
- L’équilibre vie privée-vie professionnelle.
- La qualification.
- La sécurité et la santé au travail.
- La classification.