La transformation digitale a de quoi faire peur aux dirigeants, surtout dans les entreprises de taille intermédiaire. Le titre de ce document le laisse transparaître, avec les mots « odyssée » et « périple », dont les définitions respectives sont « voyage particulièrement mouvementé » et « grand voyage ».
our les consultants du cabinet Kea Partners, qui ont contribué à cet ouvrage, les dirigeants doivent prendre en compte trois éléments fondamentaux. D’abord, le temps, « denrée qui manque cruellement. » Ensuite, il faut accepter une exposition au risque : « Les sujets liés au digital, plus que tout autres, nécessitent d’essayer, d’échouer, d’essayer encore… pour trouver la bonne équation. En tant que dirigeant, vous devez porter ce paradigme nouveau du droit à l’erreur », estiment les auteurs.
Enfin, il convient de revoir les processus de décision car « la cible n’est pas toujours définie au moment de décider, le ROI parfois impossible à déterminer, le recours à des ressources externes avec des nouveaux profils peut bousculer vos équipes… » Plus globalement, la transformation numérique doit être intégrée dans la feuille de route de l’entreprise et impulser une transformation culturelle.
Le périple du dirigeant est résumé en six étapes :
- Entendre l’appel : « C’est un moment clé, celui où le dirigeant perçoit toute l’ampleur que prend le digital. Pas un jour ne se passe sans qu’il en entende parler. Ses pairs l’interpellent : « Que fais-tu dans le digital ? ». Son DSI discute avec lui de nouvelles technologies. » De fait, les auteurs recommandent de ne jamais penser qu’un secteur n’est pas concerné par la transformation digitale, de dédier du temps pour s’inspirer de l’extérieur, de développer une logique d’écosystème et de ne pas considérer qu’il y a un début et une fin.
- Lever les doutes pour répondre à l’appel : « Malgré une première prise de conscience, tous les collaborateurs doutent encore. Pourquoi et comment changer des modes de travail qui ont fonctionné depuis tant d’années ? La réticence est forte. Le dirigeant doit convaincre qu’il n’y a pas d’autres choix que de se lancer dans une grande transformation. Il lui faut lever les doutes et fixer le cap, afin d’embarquer toute l’organisation », résument les auteurs, pour qui ce n’est évidemment pas une question de technologies. Cela suppose, entre autres, de faire en permanence le lien entre la vision stratégique et le potentiel offert par le digital, d’accepter des ROI incertains, de s’appuyer sur des « héros négatifs », des exemples d’entreprises qui n’ont pas saisi à temps le changement, pour susciter le sentiment d’urgence, et de démontrer les bénéfices avec des premiers résultats, pour créer l’effet boule de neige.
- Franchir le seuil de non retour de l’aventure : pour les auteurs, « c’est le moment où le dirigeant se lance pleinement dans la bataille : il structure son plan d’action, enclenche les premiers investissements, réalise les premiers arbitrages et fait face à de premières situations non envisagées. » Cette étape se concrétise par l’élaboration d’une roadmap digitale, avec trois volets : l’articulation des projets « avec la juste dose d’intensité », le niveau de prise de risque associé à la mise en œuvre, et les arbitrages sur la priorisation des projets et les investissements associés. Parmi les bonnes pratiques recommandées : ancrer la transformation dans un plan à moyen terme structuré, au cœur de la stratégie, sans en faire une surcouche ou un projet complètement à part, rester mesuré dans la vitesse de la transformation, pour prendre le temps d’embarquer les équipes, commencer par former les collaborateurs au mode projet, mener un audit IT, pour s’assurer que la DSI est en capacité de conduire sa transformation et de faire preuve de sens business, ainsi que mettre en place une gouvernance et des processus de pilotage légers, mais partagés.
- S’entourer et s’équiper : « Pour grandir et évoluer, la transformation interne et la collaboration avec les prestataires sollicités pour mettre en œuvre la roadmap ne suffisent pas. L’ETI doit se doter d’un véritable écosystème digital externe : start-up, universités, technologies innovantes… » D’où la nécessité d’intégrer progressivement les objectifs et indicateurs digitaux dans les tableaux de bord de l’entreprise, pour que le digital devienne partie intégrante de l’activité, et d’arrêter la multiplication des pilotes pour focaliser les ressources et les moyens sur quelques sujets clés.
- Faire face à l’épreuve ultime, en évitant trois pièges : le rythme (ne pas négliger la capacité d’absorption des collaborateurs pour éviter de créer un fossé au sein des équipes), l’allocation des ressources financières et la résistance au changement. Cela suppose d’assumer les décisions difficiles et de savoir s’arrêter à temps pour limiter les conséquences d’éventuels mauvais choix ou de fausses routes, de rester raisonnable et de faire preuve de discernement dans les investissements technologiques.
- Atteindre sa quête et revenir dans un monde augmenté, en restant attentif, car la transformation digitale est un process permanent. Il convient, selon les auteurs, de « développer des modes de management plus participatifs et plus innovants, symboles d’une organisation plus mature et prête à continuer sa transformation. »
L’ouvrage regroupe également 25 témoignages de dirigeants d’ETI qui identifient les facteurs clés de succès et les difficultés à anticiper.
Transformation digitale, l’odyssée du dirigeant, Mouvement des entreprises de taille intermédiaire, Kea & Partners, 47 pages. www.meti.fr