Le numérique transforme les compétences et la plupart des emplois de demain n’existent pas encore. Mais quels métiers verra-t-on émerger ? On estime que 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore, si l’on en croit une analyse publiée par l’Institute of the Future pour le compte de Dell.
Et dans son rapport sur les emplois du futur, le World Economic Forum estime qu’un salarié sur deux devra se former pour faire évoluer ses compétences, sous l’effet de plusieurs grandes tendances technologiques : l’Internet à très haut débit, la robotisation, l’intelligence artificielle, le Big Data et le cloud. Ces tendances vont transformer « la frontière entre l’homme et la machine. »
Selon le World Economic Forum, en 2018, en moyenne, 71 % des tâches d’un salarié étaient réalisées par les individus, contre 29 % par des machines. En 2022, elles le seront à 58 % par des humains et à 42 % par des machines. De même, à cet horizon, 62 % des processus de traitement de recherche et de partage d’informations seront réalisés par des machines contre 46 % aujourd’hui.
Un besoin de renouvellement des compétences
Une étude mondiale, publiée en mars 2019 par Randstad, révèle que seulement un français sur trois ressent le besoin d’acquérir de nouvelles compétences numériques. Pour 87 % d’entre eux, cette formation nécessaire relève uniquement de la responsabilité de leur employeur. « Ces chiffres révèlent une forme de passivité particulièrement marquée en France et un attentisme qui tranche avec la récente réforme de la formation professionnelle, fortement axée sur la responsabilité individuelle », soulignent les auteurs de l’étude.
Le Center for the Future of Work de Cognizant a imaginé des emplois qui pourraient apparaître dans le futur. Globalement, expliquent les auteurs, « les technologies permettent de résoudre des problèmes difficiles en de moins en moins de temps, car les machines et les robots sont déjà à l’œuvre. Beaucoup de métiers, augmentés par le digital, rendent et rendront le travail plus productif, plus intéressant et plus valorisant. Certes, des emplois vont disparaître, mais d’autres vont émerger, certains auront une composante technologique faible, d’autres, au contraire, demanderont un degré de technicité élevé. Certains emplois existent déjà, d’autres mettront plus de temps à s’imposer. »
Pour le Centre for the New Economy and Society, les compétences qui seront davantage demandées concernent l’innovation, la capacité d’apprentissage, la créativité, le design de technologies, la résolution de problèmes complexes, l’influence sociale, l’intelligence émotionnelle et l’analyse de systèmes. En parallèle, les compétences en déclin, à l’horizon 2022, portent sur la dextérité manuelle, la maintenance de matériels, l’audit, le management de ressources financières…
De l’auditeur de biais d’algorithmes au Chief Trust Officer
Globalement, les experts du Center For The Future of Work estiment que la physionomie des jobs du futur répond à la règle des trois C : le Coaching (accompagnement), le « Care » (prise en charge) et la Connectivité (collaboration). Ils ont anticipé plusieurs métiers (quarante-deux) qui devraient émerger. On peut ainsi imaginer, avec l’engouement pour l’intelligence artificielle, le métier d’auditeur de biais d’algorithmes (Algorithm Bias Auditor), dont le rôle serait de s’assurer que les algorithmes sont fiables, respectent des principes éthiques et font ce qui est prévu par leurs concepteurs.
La mission de l’auditeur est de cartographier et d’analyser les algorithmes à travers l’organisation, de manière à identifier les objectifs, les données utilisées et celles qui sont restituées, les jugements et décisions associées et leurs conséquences. Autre métier utile, également lié au management des données : le data détective. Sa mission est de « faire parler » les données pour en exploiter tout le potentiel, car elles recèlent souvent des éléments improbables utiles, à l’image des signaux faibles qui permettent de dégager des tendances.
S’il est important de trouver la perle rare dans les données, cela l’est tout autant de les nettoyer pour éliminer celles qui n’ont plus aucune utilité ou qui polluent les autres. C’est la mission de l’ingénieur des déchets de données (Data Trash Engineer), qui va identifier les données qui ne sont plus utilisées, les supprimer et alimenter un algorithme qui va contribuer à identifier ces données, en fonction de leurs caractéristiques, de manière à en améliorer la qualité. Autrement dit, son rôle est de transformer les déchets en trésors.
Des coachs pour les machines
On l’a vu, les machines vont de plus en plus prendre le pas sur l’humain pour gérer de nombreuses tâches. Encore faut-il qu’elles en soient réellement capables. Et si, à l’image des sportifs, les machines avaient besoin, pour cela, d’un coach ? C’est le rôle de l’entraîneur homme-machine (Man-Machine Teaming Manager) qui est bien utile, car il permet « de combiner les avantages des machines (vitesse, puissance de calcul, exactitude, endurance…) et les compétences humaines (capacité de jugement, empathie, adaptation rapide…) », soulignent les experts du Center for the Future of Work. Ainsi, en favorisant les interactions entre l’homme et la machine, la collaboration se trouve renforcée, de même que la coordination.
Dans ce domaine, on trouvera des métiers tels que le designer d’expérience vocale (Voice UX Designer), le designer de parcours de réalité augmentée ou le responsable du design de personnalité pour les machines (Head of Machine Personality Design). En effet, beaucoup d’interactions entre les machines et les humains se caractérisent par une relative insatisfaction de ces derniers vis-à-vis de cette expérience. Pourquoi ne pas, dès lors, doter les machines d’une vraie personnalité, en particulier les robots que l’on trouvera partout, depuis les parkings jusqu’aux restaurants ? Le rôle du responsable du design dans ce domaine sera de concevoir, pour chaque produit et service digitaux, une personnalité unique, de sorte que « la voix de la marque » soit reconnaissable par les consommateurs.
Maintenir la confiance dans le numérique
La confiance joue un rôle important dans des univers fortement numérisés. Deux métiers sont utiles. D’une part, le Chief Trust Officer, qui veille à garantir une certaine transparence à mesure que le temps réel et la connexion généralisée rendent les consommateurs et les actionnaires très sensibles à la transparence des actions des entreprises. D’autre part, le responsable du comportement business (Head of Business Behavior).
« La compréhension des comportements des salariés reste une tâche très complexe, même avec des données nombreuses sur leurs performances, leurs émotions et leurs interactions avec l’environnement », soulignent les experts du Center for the Future of Work. Le rôle du responsable du comportement business est de déterminer comment analyser l’engagement des individus pour leur organisation, favoriser la collaboration, les bons usages des données et comment améliorer la productivité, ainsi que le bien-être au travail.
Même si on a confiance, il faut mieux prévenir les risques. Les entreprises pourront donc recruter un prévisionniste de cybercatastrophes (Cyber Calamity Forecaster) qui repére les menaces et leurs impacts. Il pourra être secondé par un responsable des risques associés aux machines (Machine Risk Officer).
En effet, alors que l’intelligence artificielle infiltre la vie quotidienne et les environnements professionnels, il peut toujours se produire des erreurs avec des conséquences plus ou moins graves. « La mission du responsable des risques associés aux machines est de gérer les dysfonctionnements potentiels concernant les machines intelligentes, en veillant à établir la confiance entre l’homme et la machine », résument les experts du Center for the Future of Work.
The future of jobs report 2018, Centre for the New Economy and Society, World Economic Forum, 147 pages.
21 jobs of the future, a guide to getting, and staying, employed over the next 10 years, Center for the Future of Work, Cognizant, 60 pages.
Des compétences qui durent, d’autres pas…
- Les compétences ancestrales : elles existent depuis la nuit des temps, par exemple s’occuper des autres, soulever des objets, allumer un feu, coopérer avec d’autres individus ou s’adapter à un environnement changeant.
- Les compétences durables : elles sont au cœur des jobs du futur et concernent par exemple la vente, la capacité à accorder la confiance, l’empathie, la créativité…
- Les compétences émergentes : elles sont liées à la complexité croissante de l’environnement et concernent, par exemple, la capacité à manipuler un tableau Excel, à piloter un drone, à interagir avec un robot, à réagir à une attaque informatique…
- Les compétences en voie d’érosion : on se souvient qu’il y a quelques décennies, les cabinets de conseil employaient des designers de slides. Ces compétences en voie d’érosion sont aujourd’hui, en réalité, des prérequis : on imagine mal recruter un consultant qui ne sache pas produire lui-même sa présentation ou un marketeur qui ignorerait le mode d’emploi des réseau sociaux.
Source : Center for the Future of Work.
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Source : Digitalonomics. |