Management : une question de style

Y aurait-il un décalage significatif entre, d’un côté, le nombre d’ouvrages sur les méthodes modernes de management et, d’un autre côté, la réalité dans les entreprises où il semble que l’on n’ait pas encore changé de siècle ?

C’est probable, même s’il n’existe pas de statistiques pour mesurer le phénomène. « Les observateurs français et étrangers du management à la française sont à peu près unanimes à souligner son incapacité à favoriser la performance humaine dans l’entreprise, pourtant seule capable d’assurer la compétitivité dont l’économie nationale a tant besoin », déplorent les auteurs. Le management étant défini comme « l’art de conduire une équipe vers des résultats ciblés, dans le cadre d’une organisation appropriée. »

On connaît évidemment les manifestations de ce mal : burn-out, suicide, stress, démotivation, désorganisation… Ainsi qu’un écart entre ce qui est enseigné dans les écoles de management et les pratiques sur le terrain : « Les nouveaux comportements de la hiérarchie se prétendent modernes, adaptés à la conjoncture, alors qu’en réalité leur archaïsme rappelle singulièrement des pratiques que l’on croyait révolues depuis plus d’un siècle », déplorent les auteurs.

Les modes managériales ne sont pas synonymes de progrès

Le management est devenu un sujet de mode. On a ainsi connu le management participatif, de proximité, transversal, de transition, les théories sur la qualité totale, le leadership ou l’intelligence émotionnelle… Hélas, toutes ces approches, vertueuses sur le papier, ne produisent pas les effets escomptés : « La pratique d’un nouveau management parfois enseigné et souvent orchestré par des directions peu respectueuses des besoins psychologiques de l’homme au travail, produit des effets dévastateurs. »

S’il est un sujet à la mode, le management est-il pour autant porteur de progrès ? Les auteurs répondent par la négative et mettent en exergue le « management pathogène, lorsque les attitudes et les comportements hiérarchiques démobilisent dans un premier temps, pour stresser ensuite et, enfin, désespérer. Ces comportements qui vont de l’indifférence au harcèlement, tiennent tantôt à la malveillance de chefs incontrôlés par leur direction, tantôt à la mise en œuvre d’une politique orchestrée par les dirigeants. »

Ce management par la terreur est évidemment une catastrophe pour la performance : « Si le salarié stressé sous-utilise son potentiel, devient moins productif, moins créatif, moins persévérant, moins communicatif, moins prompt à proposer des solutions aux problèmes auxquels il est confronté, moins attentif à la qualité du produit ou du service rendu, combien l’entreprise perd-elle de points de compétitivité ? », s’interrogent les auteurs.

C’est, semble-t-il, un mal français, les modes de management étant davantage autocratiques, en comparaison des styles méritocratiques anglais ou démocratiques en Allemagne. Qui sont les fautifs ? Les auteurs désignent les dirigeants coupables, à leurs yeux, d’omettre d’exercer leur leadership.

Les quatre types de managers

Globalement, le champ d’action du management peut se schématiser avec quatre éléments : le manager, l’équipe, l’organisation et les résultats. Ces quatre composantes devant agir de manière équilibrée : « En cas de défaillance d’un seul de ces pôles, le système dysfonctionne d’abord, puis s’écroule comme un château de cartes », précisent les auteurs. On en déduit quatre styles de managers, avec des nuances :

  • Du manager désintéressé au manager égocentrique : dans la mesure où le manager est plus ou moins tourné sur lui-même, il peut, soit, être complètement focalisé sur ses missions, quitte à sacrifier sa vie privée, soit, au contraire, rechercher systématiquement les avantages associés à sa fonction, souvent au détriment des intérêts de l’entreprise. « Entre les deux, on trouve un manager qui maintient légitimement un équilibre salutaire entre aspirations personnelles et obligations professionnelles. Il est ambitieux, mais sait se ménager pour mettre tous ses moyens physiques et psychiques au service de son travail », décrivent les auteurs.
  • Du navigateur à vue au releveur de compteurs : le manager navigateur à vue se contente de suivre un nombre restreint d’indicateurs, ignorant ainsi des pans entiers de son activité. Le releveur de compteurs, lui, a les yeux rivés sur son tableau de bord et n’utilise que des données pour évaluer ses collaborateurs. « Sourd à toute autre sollicitation, il invoque en général l’aspect prioritaire de la gestion, alors qu’en réalité, il privilégie ce qui correspond le mieux à ses capacités, en l’occurrence fort modestes : c’est un simple releveur de compteurs qui n’apporte guère de valeur ajoutée à la fonction d’encadrement », expliquent les auteurs. Entre les deux « on trouve heureusement des managers qui planifient les tâches, utilisent un tableau de bord consacré aux objectifs essentiels et dont les voyants rouges leur font engager des actions propres à éviter la répétition des erreurs. »
  • De l’exploitation au maternage : dans les organisations françaises, il est un principe qui n’évolue quasiment pas avec le temps, celui qui consiste à considérer que « seul le niveau hiérarchique associé au diplôme et à la grande école fabrique des décideurs et que la base ne peut se voir confier que des tâches de petit chef ou d’exécutant. » Avec deux travers. D’une part, l’exploitation d’une équipe, soumise à des principes de commandement, avec un chef qui pense pour les autres, charge davantage ceux qui atteignent leurs résultats et se débarrassent des autres. D’autre part, le maternage, qui consiste à favoriser certains collaborateurs au détriment des autres. Entre les deux, on trouve heureusement des managers « soucieux d’être épaulés par une bonne équipe, motivée, créative et apte à contribuer activement aux résultats », observent les auteurs.
  • Du désordre à la bureaucratie : là encore, on trouve, avec ces deux extrêmes, des situations récurrentes dans de nombreuses organisations. Le désordre s’installe lorsque les processus sont mal définis et ne sont pas confiés aux plus compétents. Quant à la bureaucratie, elle s’exprime lorsque le formalisme oblige à respecter des règles immuables, d’où une paralysie de l’entreprise, quand tout est interdit sauf dérogation. De fait, soulignent les auteurs, « on entre dans un cercle vicieux bureaucratique : la surorganisation se retourne contre elle-même et les failles du système se multiplient aussi rapidement que les règles qui visent à les supprimer. »

Le manager idéal est une combinaison de ces quatre éléments, avec un équilibre à trouver entre les extrêmes, que l’on peut représenter sous forme graphique, de manière à identifier les points faibles. On tient compte évidemment de facteurs externes, tels que les environnements économique (protectionnisme, mondialisation…), technologique, institutionnel (cadre juridique) et socio-culturel.

Autant de facteurs qui déterminent les marges de manœuvre des managers. Ceux-ci doivent en effet composer avec l’ensemble de ces contraintes, ainsi qu’avec les injonctions, souvent contradictoires, des actionnaires, des directions générales, des clients… En privilégiant l’agilité, ce qui n’est pas toujours le cas : « Les fonctions de support font trop souvent l’inverse de ce qui est attendu d’elles. Recueillant des informations, des données chiffrées, imposant des procédures, elles alourdissent la tâche de l’encadrement beaucoup plus qu’elles ne lui viennent en aide », expliquent les auteurs, pour qui il existe trois sortes de managers : ceux qui servent les intérêts de l’entreprise, ceux qui se servent avec des avantages et des privilèges personnels, et ceux qui ne servent à rien. « Ceux qui servent sont exemplaires, les autres sont des parasites qui pervertissent l’ensemble du système (…) L’inculture managériale se transmet de génération en génération. »

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S.O.S. management en détresse ! Diagnostic et traitement d’un mal profond, par Clarisse Kachkémanian et Jean-Pierre Percy, Gereso Edition, 2018, 163 pages.


Les principales qualités d’un bon dirigeant

  • Définir les finalités de l’entreprise, avec quel management.
  • Faire partager la vision à long terme, de la base au sommet.
  • Communiquer sur les objectifs et leur associer des échéances.
  • Désigner qui fait quoi, où, quand et comment.
  • Décider qui évaluera les résultats et à l’aide de quels outils.
  • Définir les outils d’amélioration qui seront utilisés.
  • Faire auditer régulièrement le management de l’entreprise.
  • Rappeler à l’ordre les auteurs des dérives managériales.

Dix bonnes pratiques de management

  • La communication.
  • L’exemplarité.
  • La compétence technique et managériale.
  • La négociation des objectifs.
  • La mise en valeur des compétences des autres.
  • La gestion des émotions.
  • L’évaluation des mérites.
  • La gestion de l’urgent et de l’important.
  • L’amélioration de la qualité.
  • La gestion des tensions et des conflits.