Zuckerberg, roi du monde numérique

Daniel Ichbiah, déjà auteur de biographies de Bill Gates et de Steve Jobs, s’est intéressé à un autre personnage emblématique, devenu troisième fortune mondiale en 2018 : Mark Zuckerberg. À 18 ans, il refuse une offre de Microsoft qui aurait pu le rendre millionnaire, préférant suivre des études à Harvard.

À l’université, il conçoit Facebook et fait mouche. Devenu milliardaire à 24 ans, il rachète WhatsApp, Instagram… des services utilisés par plus de 2 milliards de personnes ! On lui prête même l’ambition de devenir Président des États-Unis… Mais, comme le note Jean-Louis Gassée (un ex d’Apple), cité par l’auteur : « Pourquoi irait-il s’ennuyer à gérer les Etats-Unis alors qu’il est président du monde entier ? »

Au-delà des professions de foi humanistes (« un monde ouvert et connecté »), auxquelles nous ont habitués tous les patrons de la Silicon Valley, et de l’altruisme revendiqué par son P-DG, que cache vraiment le projet Facebook ? Avec son style d’éternel adolescent, on pourrait croire que Zuckerberg en est resté à cette image de geek timide qui lui colle à la peau, mais un geek qui aurait un objectif bien précis : la « domination mondiale », devenue son credo.

« Tout le monde consomme désormais du Zuckerberg sans peut-être même le savoir », résume Daniel Ichbiah qui, à l’aide de témoignages de proches et de multiples sources d’information, nous dévoile la vie de Zuckerberg, de sa naissance jusqu’aux révélations sur l’affaire Cambridge Analytica.

Tout le monde veut être connecté

La raison de son succès est finalement simple : « Facebook s’est répandu parce qu’il a donné aux gens ce qu’ils désiraient. Ce qu’il a fourni à n’importe qui, c’est un porte-voix, une exposition soudaine, une existence aux yeux de la multitude. Facebook, mais aussi Twitter ou Instagram, a donné le pouvoir au simple quidam », résume l’auteur. « Tel est le monstre que, à son corps défendant, Mark Zuckerberg a contribué à créer. La créature a échappé à son créateur et vit à présent sa propre vie, à l’instar du monstre du Dr Frankenstein qui aurait coupé le cordon ombilical (…) Il demeure que Facebook est une autocratie. Une autocratie certes bienveillante, mais néanmoins une autocratie », ajoute-t-il.

Mark Zuckerberg est « un surdoué altruiste », caractérisé par « la facilité avec laquelle il tend l’autre joue, apaise la critique en mettant le genou à terre, ne cherche jamais à prouver qu’il a raison envers et contre tout. Cette propension à s’excuser en toute circonstance, à ne même pas chercher à se justifier a de quoi désarçonner. » Le patron de Facebook est d’ailleurs un fan du jeu Risk, dont l’objectif est de réussir la conquête du monde et « l’essor d’Internet n’a fait que décupler son addiction à l’informatique. »

Une audience exponentielle

L’auteur nous conte la genèse de Facebook, en commençant par les études de son créateur à Harvard. Dès sa première semaine, Mark Zuckerberg réalise un petit logiciel, baptisé CourseMatch, pour savoir qui est inscrit à quel cours et sur quels sujets. D’emblée utilisé par des centaines d’étudiants. Puis il crée Facemash, un trombinoscope répondant à l’absence de système centralisé pour toutes les résidences étudiantes. Une initiative très mal vue par l’administration de l’université.

L’auteur raconte également le double jeu de Mark Zuckerberg. Le nom de domaine thefacebook.com est enregistré en janvier 2004, pour un investissement de 35 dollars. Avec un succès immédiat : une semaine après le lancement, la moitié des étudiants d’Harvard sont inscrits sur le site. Un mois après, ce sont dix mille utilisateurs qui l’ont rejoint. Facebook sera ensuite proposé à d’autres universités, ce qui démultipliera son audience. Le millionième utilisateur sera atteint en décembre 2004, quelques mois après le lancement.

Et le site attirera rapidement des annonceurs, le premier sera Mastercard, ainsi que des sociétés de capital-risque. Un jour quelqu’un connectera le monde entier, raconta Mark Zuckerberg à l’un de ses colocataires : « A l’époque, il ne m’est pas apparu que ce quelqu’un pourrait être nous. Nous étions juste des gamins à l’université. Nous n’y connaissions rien. Il existait de grandes sociétés avec plein de ressources et j’estimais que l’une d’entre elles le ferait. Ce qui est clair, c’est que tous les gens voulaient être connectés. Donc, nous avons simplement avancé jour après jour. »

Pendant longtemps, l’ambiance est restée très start-up : « La cinquantaine d’employés de Facebook est principalement constituée de mâles buveurs de bière et amateurs de chips au guacamole (…) Dans la mesure où Zuckerberg peut se montrer cassant, peu communicatif et secret, l’atmosphère n’est pas toujours au beau fixe », rappelle Daniel Ichbiah.

Puis, c’est la folle croissance de Facebook, avec l’ouverture à tous en 2006 et qui rassemble aujourd’hui 2,3 milliards d’utilisateurs dans le monde, rythmée par plusieurs crises et conflits entre les actionnaires, notamment lorsque Yahoo a voulu mettre la main sur Facebook. Et quelques scandales, par exemple la fourniture de données personnelles aux services de renseignements ou, plus récemment, l’affaire Cambridge Analytica. Ou encore la révélation, en décembre 2018, de documents montrant comment Facebook pille les données de ses utilisateurs. Pourtant, Mark Zuckerberg aime répéter que Facebook « ne bâtit pas des services pour gagner de l’argent, mais gagne de l’argent pour améliorer ses services. » On est prié de le croire…

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Mark Zuckerberg, la biographie, par Daniel Ichbiah, Editions de la Martinière, 2018, 384 pages.