Communications unifiées : les six axes stratégiques

Best Practices a organisé un dîner, en partenariat avec l’éditeur Fuze, autour de trois problématiques auxquelles sont confrontés les DSI : comment améliorer l’expérience utilisateur ? Comment favoriser la collaboration ? Comment réduire la complexité du SI ?

La plupart des études sur les DSI mettent en exergue trois difficultés récurrentes, que l’on retrouve dans quasiment tous les pays et dans tous les secteurs. D’abord, le besoin de rapprocher la DSI et les métiers, surtout dans un contexte de transformation numérique. Ensuite, la nécessité de faire évoluer la perception des utilisateurs sur ce que peut faire, ou pas, la DSI.

Beaucoup d’entreprises ont en effet investi massivement pour améliorer l’expérience client, mais beaucoup moins pour l’expérience utilisateur. Un tel écart est, aujourd’hui, de plus en plus délicat à gérer et à faire accepter, notamment pour le recrutement, mais également pour les salariés en place. Une étude du cabinet Julhiet Sterwen sur la Digital Workplace révèle une insatisfaction à l’égard des outils mis à la disposition des utilisateurs, en décalage avec les ambitions de la transformation numérique : les principaux obstacles sont liés à la mauvaise qualité des réseaux, à la multiplicité des outils et aux équipements pas toujours adaptés (Cf. Best Practices, n° 223, 19 novembre 2018). Selon une étude Fuze sur « les collaborateurs de demain », réalisée auprès de 6 600 personnes dans neuf pays, 89 % des personnes interrogées souhaitent avoir plus de flexibilité pour leurs horaires et lieux de travail, une sur deux est même prête à changer d’entreprise pour l’obtenir.

Enfin, la troisième difficulté reste de réduire la complexité du système d’information, résultat d’un empilement historique de couches technologiques, de composants hétérogènes et d’applications pas toujours optimisées. C’est notamment le cas dans le domaine des communications. D’après une étude de Fuze (« Changer les codes d’ici 2020 »), un DSI gère en moyenne douze outils de communication, sans compter ceux utilisés en mode Shadow IT.

Ce domaine est un point de focalisation car, lorsqu’il est mal géré, il concentre à la fois les frustrations des utilisateurs, la difficulté de clarifier les infrastructures (donc de réduire les coûts) et celle de rendre les métiers plus agiles, avec des modes de travail plus collaboratifs. Les participants au dîner Best Practices-Fuze ont mis en exergue six points d’attention.

1. Intégrer la téléphonie dans le périmètre de la DSI

Historiquement, la plupart des DSI n’avaient pas la téléphonie dans leur périmètre. Elle relevait plutôt des services généraux. Mais, avec la téléphonie sur IP et l’intégration aux postes de travail, c’est beaucoup moins le cas. « Nous n’intégrons pas les PABX, mais nous déployons des softphones pour tout le monde », explique le DSI d’un laboratoire pharmaceutique. Dans une grande entreprise, le tout IP s’est traduit par le déploiement de Skype for Business. « Nous n’avons plus le choix », estime le DSI d’une entreprise de distribution.

Même trajectoire incontournable pour le DSI d’un grand groupe industriel, qui a remplacé la téléphonie classique par la TOIP : « Le vrai sujet, pour nous, est d’intégrer la téléphonie mobile dans le système d’information de manière totalement transparente pour tous les utilisateurs. » Il peut bien sûr y avoir des configurations mixtes : « Dans notre groupe, la DSI a la responsabilité de la téléphonie fixe, en tout IP, mais c’est la DRH qui a celle des téléphones mobiles », précise la DSI d’une entreprise de services. Cela nécessite « une organisation agile », assure le président d’un cabinet de conseil.

2. Prendre en compte la diversité des usages

Entre les salariés d’un centre d’appels et les membres du comité de direction, en passant par les salariés nomades ou ceux regroupés dans des espaces ouverts, on constate une réelle diversité des usages d’outils de communications. « Nous avons totalement supprimé les téléphones fixes, sauf pour le support, nous finançons les lignes téléphoniques portables de tous nos consultants, mais chacun peut utiliser le terminal de son choix et l’annuaire d’entreprise regroupe les numéros personnels », explique le président d’un cabinet de conseil, pour qui « la vraie valeur, c’est lorsque l’information circule de façon fluide dans l’entreprise. » Et, souligne un DSI, qui privilégie les POC, « si les processus sont bien conçus, alors l’expérience utilisateur sera optimale. » Si c’est le cas, cela améliore l’image de la DSI : « Nous sommes passés d’un outil à cause duquel nous nous faisions rabrouer à un outil grâce auquel nous sommes encensés », soutient le DSI d’un laboratoire pharmaceutique.

3. Optimiser la gestion du changement

Comme dans tout projet « technologiquement peu compliqué, c’est la gestion du changement qui est moins évidente », résume le DSI d’un laboratoire pharmaceutique. « On peut installer n’importe quel outil, cela ne sert à rien sans management du changement », assure le DSI d’un groupe industriel. « Avec l’implication de la direction des ressources humaines », suggère un autre DSI, d’une entreprise de services. C ’est encore moins évident pour des environnements de type GIE avec de multiples entités juridiques.

C’est le cas, par exemple, de la coopérative informatique des agents Aviva (groupe d’assurances), qui fournit des services à 866 agences qui sont autant d’entités autonomes et dont le directeur général délégué, Frédéric Monnier a témoigné lors du dîner Best Practices : « Dans une entreprise traditionnelle, on peut imposer des solutions, mais dans le cadre d’un GIE adressant des entités juridiques indépendantes, nous ne pouvons qu’accompagner les agences, qui ont chacune leurs processus et leurs façons de faire. Il faut donc être patient. »

En fait, le management du changement se trouve inversé : « C’est l’entreprise qui doit changer pour s’adapter à ce que veulent les utilisateurs, notamment les jeunes générations », témoigne le président d’un grand cabinet de conseil en management. Une opinion partagée par le directeur général d’un groupe industriel de 500 personnes, qui estime, lui aussi, que « c’est à l’entreprise de s’adapter à ses collaborateurs, nous avons tous les outils nécessaires. »

L’une des voies possibles reste le mentoring : « Ce ne sont pas les générations des plus de quarante ans qui vont conduire le changement, je fais appel aux plus jeunes dans le cadre d’opérations de reverse mentoring », explique le DSI d’un grand groupe industriel. Pour un autre, « il faut vraiment travailler les usages des membres du Comex, ils nécessitent un accompagnement plus intense que d’autres, plus jeunes, il faut un sachant éligible à tout entendre… »

4. Gérer les frustrations des utilisateurs

L’imbrication entre vie privée et vie professionnelle est devenue une donnée à prendre en compte par n’importe quelle entreprise. « Chez soi, on est libre, dans l’entreprise, on est bridé et soumis à des régulations », résume le DSI d’un groupe industriel. Cette imbrication est particulièrement nette en matière de communication, tant les smartphones sont généralisés et très utilisés… et coexistent, dans les entreprises, avec des systèmes de téléphonie hérités du siècle dernier.

En outre, il faut pouvoir gérer les différences de temps, selon les profils d’utilisateurs (nomades vs sédentaires…), les entités (centre d’appels vs usines…) et les générations (Millenials vs direction générale…). « Tout le monde n’a pas la même notion de la vitesse d’adoption, la logique « à la soviétique » ne fonctionne pas », assure le DSI d’un groupe industriel, qui estime que « la DSI n’a jamais raison toute seule. »

5. Gérer les risques

Du côté des risques, trois points doivent attirer l’attention. D’abord, comme le souligne le DSI d’un groupe industriel, « La TOIP peut être généralisée, mais il faut tenir compte du fait que les postes de travail ne sont pas toujours sous tension. » Ensuite, comme toute infrastructure numérique basée sur des logiciels, elle peut être victime d’attaques. « Nous avons été infectés par un virus en 2017 qui a impacté nos usines de production et rendu indisponible la VOIP. Nous n’avions pas le choix de privilégier le numérique, mais il faut rester conscient des limites. »

Enfin, rappelle un DSI, « une infrastructure de voix sur IP peut tomber en panne ! » Il est évidemment possible de sécuriser au maximum. C’est même indispensable car, estime un DSI, « dans ce domaine, on n’a pas le droit à l’erreur… » Le directeur des opérations d’une entreprise industrielle explique que « quand ça ne fonctionne pas, nous revenons au réseau téléphonique classique. »

6. Considérer un nouveau métier : designer de services

L’analyse préalable des besoins étant incontournable, comment faire ? « En réalité, cette phase dite d’analyse des besoins n’est pas toujours pertinente, car elle peut aboutir à des biais », assure le président d’un cabinet de conseil, qui suggère de faire appel à des designers de services. « Ceux qui exercent ce métier sont formés à l’empathie et, en posant les bonnes questions, font émerger les expériences des utilisateurs et détectent les vrais points de friction. »

Une approche pertinente pour le DSI d’un grand groupe industriel, qui a mis en place une approche de Design Thinking pour « comprendre les schémas mentaux des utilisateurs. » Le DSI d’un groupe pharmaceutique explique que, lors d’un changement d’outil de CRM et de gestion de prise de commandes, il a fait appel à un designer spécialisé et observé « une réussite extraordinaire, nous avons eu la chance de pourvoir partir de zéro. » C’est, résume un autre participant, « l’occasion de mettre du factuel sur de l’immatériel. »