La dernière édition du Hub Forum a eu comme fil rouge « No trust, No business ». A cette occasion, Emmanuel Vivier, co-fondateur du Hub Institute, a présenté les tendances auxquelles les entreprises doivent se préparer pour 2019.
« La prochaine grande transformation (qui a déjà débuté) sera celle de la confiance, de l’impact et du sens », assure Emmanuel Vivier. « La transformation digitale est un sport de combat, elle implique de sortir tous les jours de sa zone de confort. Il est difficile d’être leader en suivant les autres », ajoute-t-il. Six tendances fortes sont à prendre en compte.
1. Un mouvement irréversible
La transformation numérique est (enfin) bien lancée, avec une accélération notable chez la plupart des grands groupes. On notera d’ailleurs, depuis dix-huit mois, la multiplication des initiatives en matière d’industrie 4.0 (conception, production, usine connectée, logistique, maintenance). Mais il reste encore du chemin. La dernière étude de la BPI notait ainsi que la transformation numérique n’était pas une priorité pour 87 % des dirigeants de PME et ETI françaises… « Ce sont les grandes oubliées de la transformation numérique », observe Emmanuel Vivier, pour qui la question n’est plus « Pourquoi y aller ? », ni « Comment y aller ? » mais « Comment y aller plus vite ? », car il faut plusieurs années pour réellement transformer une organisation.
Toutefois, selon une étude publiée par KPMG, 81 % des ETI ont amorcé leur transformation numérique. « Le statu quo n’est plus possible. La question n’est plus de savoir pourquoi, mais comment mener la transformation digitale de l’entreprise avec succès », confirme Benoit Favre-Nicolin, associé chez KPMG Management Consulting.
2. Attention à ne pas caler en route
On remarque chez certains pionniers de la transformation numérique la tentation de limiter leurs investissements. « Il faut prendre garde à « l’effet Moonwalk », car quand on se transforme moins vite que le marché, on recule, d’autant que les start-up et les géants du digital ont une ambition sans limites, il faut toujours se rappeler qui on a en face de nous ! », assure Emmanuel Vivier. Quant à ceux qui estiment que la transformation numérique est compliquée, il faut, prévient-il, « se préparer car ce n’est rien par rapport à la prochaine… »
3. La confiance comme socle de base de la transformation
Pour Emmanuel Vivier, « la confiance est la base de nos sociétés, elle est pourtant de plus en plus menacée… Le rôle des marques et des entreprises est de cultiver cette confiance, car demain, s’il n’y a plus de confiance, il n’y aura plus de société et encore moins de commerce. » Or, déplore-t-il, « dans le business et le marketing, les notions de confiance, de transparence, d’honnêteté, de loyauté, de respect, de bienveillance et de sincérité sont encore des “work in progress”. »
4. Pas de confiance, pas de survie…
Avec le numérique, une entreprise qui n’est pas digne de confiance court à sa perte. Car le manque de confiance se traduit désormais par des répercussions directes en terme de business, que ce soit sur les ventes ou le cours de bourse. « Les entreprises ne peuvent plus négliger ce sujet, avec le digital, c’est tout le contrat de confiance qu’il faut renouveler », assène Emmanuel Vivier.
Il est donc de moins en moins pertinent d’embrouiller les clients, de ne pas assumer ses erreurs, de vouloir contourner les réglementations, de jouer avec l’éthique, avec la sécurité des données personnelles, ou de complexifier les processus de désabonnement… Les consommateurs apprennent peu à peu à se faire confiance, on le voit avec des sites tels que Le Bon Coin, AirBnB, Waze ou Wikipedia….
5. Il est temps de réinventer la confiance avec le numérique
« Heureusement, le digital est aussi une opportunité pour réinventer la confiance : il permet notamment de donner des preuves au lieu de faire des promesses », explique Emmanuel Vivier, pour qui « ceux que nous trompons aujourd’hui fourniront le carburant de nos futurs concurrents qui, eux, résoudront nos faiblesses. » Il est donc plus rentable d’améliorer ses produits que d’en masquer les défauts à coup de campagnes de publicité.
6. Un management porté par la recherche du sens
Pour Emmanuel Vivier, le prochain défi des entreprises sera de « redonner du sens à l’action de leurs collaborateurs et innover pour un impact positif et durable, car la confiance se crée d’abord au sein des entreprises. » A l’heure où le taux de collaborateurs désengagés dans les organisations reste à des niveaux inquiétants. Rappelons que, selon les analyses régulières du cabinet américain Gallup, environ 85 % des collaborateurs des entreprises sont « désengagés », ce qui impacte la productivité, l’image de marque, l’ambiance de travail et la performance économique d’une organisation.
« Soit vous essayez de combler le manque à la mode Happiness at Work, soit vous cherchez à redonner de la confiance, mais surtout du sens. Après la transformation digitale, préparez-vous à la transformation du sens et de l’impact positif face à une crise croissante de confiance interne et externe », avertit Emmanuel Vivier.
Un exemple de roadmap de la transformation digitale | |||||
Domaines | Étapes | ||||
Auditer | Planifier | Tester | Déployer | Optimiser | |
Leadership | Vision | Stratégie et nouveaux business | Projets pilotes | Roadmap | Maintien de l’impact durable |
Culture et organisation | Culture digitale | Compétences digitales | Processus | Formation et gestion du changement | Collaboration |
Technologies | Écosystème et architectures | Intégration IT et métiers | Commerce multicanal | IoT, cloud, API | Innovation ouverte, agilité |
Données | Cartographie des données | Centralisation des CRM | Sécurité, éthique, conformité | Visualisation de données | Big Data, intelligence artificielle, analyse prédictive |
Expérience client | Compréhension du client | Production de contenus | Réseaux sociaux, mobiles, vidéos | Engagement multicanal | Temps réel |
Indicateurs | Best Practices | KPIs | Analytique | Tableaux de bord | Benchmarks |
Source : Hub Institute. |
Pas de confiance sans collaboration
Mieux collaborer avec ses clients ou ses partenaires semble être l’une des clés pour créer et entretenir la confiance. Comme le souligne Henri Giscard d’Estaing, PDG du Club Med : « Nous avons vu changer la relation à la marque. Dans le monde d’autrefois, elle était acquise. Aujourd’hui, le client s’exprime et c’est lui qui crée la confiance dans la relation. » Un constat partagé par Frédéric Verdavaine, directeur général délégué de Nexity, pour qui, « c’est le client qui est maintenant le directeur marketing des entreprises, c’est lui qui fait la pluie et le beau temps. » Pour entretenir la confiance, le Club Med pratique l’ouverture, notamment via un «Open Codir» : « Nous avons proposé à neuf clients de se comporter comme s’ils étaient les dirigeants du Club », explique le PDG du groupe.
Autre grand groupe à pratiquer la co-création, mais cette fois-ci en BtoB, Carrefour, qui s’est associé à Tradelab pour l’exploitation de ses données. « Un des changements que nous avons menés consiste à arrêter de considérer notre prestataire comme un prestataire, pour le voir comme un partenaire qui va nous aider », relate Amin Elmili, Head of Online Media chez Carrefour. L’essor des sujets autour de la data conduit en effet les entreprises à revoir leurs écosystèmes de partenaires. Pour Valérie Candeiller, directrice de la publicité de Renault France : « On ne peut pas réussir sans faire travailler ensemble à la fois l’annonceur, ses équipes internes, et aussi les agences, la création, le média et le partenaire data. L’enjeu est de réunir tout le monde, de casser les silos et de réfléchir ensemble, en amont des campagnes, sur la façon dont on va activer la data. »
« Quand, dans votre orchestre, quelqu’un est payé au nombre de notes qu’il joue et qu’un autre est payé au nombre de personnes qu’il fait entrer dans la salle, à la fin vous n’êtes pas certain d’avoir joué le meilleur morceau. Au quotidien, pour pouvoir faire de nouvelles choses, il faut travailler en confiance, dans la transparence », assure Raphaël Fétique, co-fondateur du cabinet de conseil Converteo. Pour sa part, Emmanuel Marill, directeur France et Belgique d’Airbnb, est convaincu que « plus vous communiquez avec quelqu’un, plus vous avez confiance. » En Chine, par exemple, la logique de transparence est parfois poussée à l’extrême, comme l’a illustré Sébastien Badault, directeur général France d’Alibaba : « Les Chinois notent tout, y compris les délais de livraison. Si le centre de distribution descend en dessous des objectifs fixés, il ne recevra plus de commande. Cela pousse tout le monde à être toujours meilleur. »