Passage à S/4 Hana : comment convaincre la direction générale ?

Comment convaincre sa direction générale de s’engager dans un projet de changement technologique ? Cette question est récurrente pour n’importe quelle initiative majeure de transformation, mais encore plus pour l’acquisition d’une plateforme technologique très structurante telle que SAP S/4 Hana. Ce fut l’un des thèmes des ateliers de la dernière convention de l’USF 2018.

Le groupe Hopps, spécialisé dans la logistique, s’est trouvé confronté à un problème simple à énoncer. Une stratégie de croissance externe a conduit à empiler des ERP : SAP, Sage et Cegid. Comment conserver une homogénéité dans un tel contexte ? « Plus on ajoute des ERP, plus les équipes de la DSI transpirent », résume Lionel Triboulet, directeur des ERP et de la dématérialisation du groupe de logistique Hopps. Car il faut gérer des systèmes d’information hétérogènes, des niveaux de maturité différente selon les métiers et les filiales, ainsi que, précise Lionel Triboulet « un TCO SAP très élevé. »

Une des pistes consiste à harmoniser ses systèmes autour de la plateforme S/4 Hana. Mais, si le problème est simple à énoncer, il est beaucoup plus délicat à résoudre : comment convaincre la direction générale de consentir à l’investissement nécessaire ? Et même si l’on y parvient, comment gérer les inévitables détracteurs ? « Par exemple, notre responsable Business Intelligence craignait que cette plateforme ne supprime son emploi et notre responsable infrastructure affirmait que cela coûterait beaucoup trop cher », se souvient Lionel Triboulet.

« Si, à la question du « pourquoi acheter S/4 Hana ? » vous répondez que c’est simplement pour suivre la roadmap de SAP, au mieux, vous obtiendrez seulement 5 % du budget que vous demandez, au pire, vous serez évincé de votre poste », résume-t-il.

Concrètement, la première étape consiste à réaliser une étude de cadrage. Le groupe Hopps a fait appel au cabinet de conseil Inventy. « En préalable de l’étude de cadrage, nous rencontrons le comité de direction pour identifier leur vision du futur de leur système d’information », explique David Bizien, directeur de l’innovation d’Inventy, qui ajoute que pour « identifier les bons leviers business, il faut ratisser large, avec une démarche outillée, car vous n’échapperez pas à cette étude de cadrage, même si cela ne se passe pas toujours très bien. »

Ensuite, il faut travailler à factualiser l’existant en se basant sur des comparaisons avec les entreprises les plus performantes. « En se comparant avec des entreprises similaires, les métiers se reconnaissent. Cela permet d’identifier les gains possibles et d’élaborer une trajectoire cible », précise David Bizien. En se concentrant sur ce qui ne fonctionne pas suffisamment bien : « Un processus qui ne pose pas de problème de performance ne générera pas de gains », assure Lionel Triboulet. Il convient d’insister, par exemple, sur la possibilité de créer des produits et services plus innovants, de mieux personnaliser l’expérience client et d’optimiser le Back Office. « En général, les entreprises basculent sur S/4 Hana parce qu’elles peuvent consolider, optimiser les stocks et leur processus comptables, améliorer les ventes et les achats », résume David Bizien.

Licences SAP : comment payer vraiment moins cher
Bonnes pratiques Recommandations
Choisir le bon moment pour négocier
  • Choisir le meilleur moment pour négocier (fin de trimestre, fin d’année)
  • Connaître les solutions que les commerciaux veulent absolument vendre (le cloud, S/4 Hana) pour créer une position de force
Construire une trajectoire à cinq ans
  • Vérifier que tous les besoins métiers et IT sont pris en compte dans la proposition pour éviter de racheter des licences quelques mois après la signature du contrat (à un prix supérieur)
Obtenir les meilleurs niveaux de remise
  • Massifier les achats pour obtenir le maximum de remise
  • Connaître les solutions que les commerciaux veulent absolument vendre (le cloud, S/4 Hana) pour créer une position de force
Reconfigurer le parc de licences
  • Profiter de la négociation pour reconfigurer le parc de licences non utilisées
Financer son investissement
  • Élaborer un montage financier permet de lisser la charge sur plusieurs années afin que le coût d’acquisition des licences impacte moins la trésorerie
Source : Hopps Group, Inventy.

Les principaux arguments pour convaincre sa direction générale d’adopter S/4 Hana

« L’objectif n’est pas vraiment de convaincre la direction générale, mais que celle-ci se convainc elle-même. Pour cela, il faut deux ingrédients : des chiffres et des bonnes raisons d’investir », ajoute Lionel Triboulet. C’est aussi utile pour convaincre ceux qui résistent à un tel changement : « Ils se sont rangés aux décisions du comité de direction, on ne les entend plus », assure le directeur des ERP. Celui-ci conseille de ne pas perdre de temps : « Le délai doit être le plus court possible entre le moment où la fenêtre de conviction s’ouvre et celui où la direction générale décide. »

  1. La consolidation : le regroupement d’instances SAP ECC, BW ou SRM constitue un levier significatif de simplification du périmètre de réduction d’interfaces et donc de réduction des coûts.
  2. L’optimisation des stocks : obtenir une meilleure visibilité sur les stocks réels, permet de réduire les stocks de sécurité, toujours très coûteux.
  3. L’optimisation comptable : il est possible d’accélérer les clôtures comptables, en particulier lorsqu’elles sont faites dans plusieurs pays.
  4. L’optimisation des achats : la meilleure visibilité sur les stocks peut s’accompagner d’une massification des achats et d’une optimisation du processus de Purchase to Pay.
  5. L’optimisation des ventes : elle est possible grâce à une meilleure gestion des promotions, des prévisions de ventes et à une optimisation de la chaîne logistique.
  6. La personnalisation de l’expérience client : des données contextuelles peuvent être fournies en temps réel, avec des interactions multicanaux.

Source : Hopps Group, Inventy.


Les points noirs de la relation entre SAP et ses clients

L’USF a révélé les résultats de la troisième édition de son enquête de satisfaction à l’égard des solutions SAP. Menée auprès des adhérents de l’USF par Kantar TNS, cette enquête porte sur 231 entreprises, dont 26 administrations et organismes publics, la moitié des entreprises du CAC 40 et 38 % de celles du SBF 120. Si SAP est extrêmement bien évalué par rapport à ses performances, notamment pour les processus métiers implémentés (75 % de résultats positifs), l’éditeur est également reconnu pour le niveau d’expertise de ses consultants sur les solutions (71 % de résultats positifs). Les adhérents USF apprécient par ailleurs le caractère visionnaire de la stratégie S/4 Hana (68 % de résultats positifs), et considèrent comme pertinentes les opérations de croissance externe réalisées par SAP (68 % de résultats positifs). Enfin, le niveau de satisfaction sur les réponses apportées par SAP aux demandes d’améliorations présentées par les clubs utilisateurs, dans le cadre de la « Customer Connection », affiche un progrès remarquable (55 % de résultats positifs, + 11 points par rapport à 2016).

L’offre cloud et les audits de licences restent tout particulièrement critiqués, avec des taux moyens de satisfaction inférieurs à 21 %, sachant que, concernant les audits de licences, l’annonce relative à la séparation des forces de ventes et des équipes d’audit, faite par SAP le 10 avril dernier, a encore besoin de temps pour être bien assimilée par les clients et son impact devra être mesuré à nouveau. Par ailleurs, les aspects fonctionnels proposés par SAP sont mal notés, telle l’agilité des processus, avec seulement 26 % de résultats positifs. La facilité des utilisateurs à s’adapter aux processus SAP ressort également fortement dégradée, avec un taux de réponses positives qui redescend au niveau de 2014 (39 %, soit une baisse de 18 points par rapport à 2016).

Le service de maintenance, et plus particulièrement la durée de la maintenance offerte, subit une forte contraction (37 %, – 17 points par rapport à 2016). De même pour le rapport qualité/prix de la maintenance, qui subit une baisse importante (-10 points à 18 %). Non seulement les relations commerciales entre SAP et ses clients restent perçues comme très largement mercantiles (50 %), mais leur appréciation continue de se dégrader parmi les adhérents de l’USF, avec seulement 30 % de résultats positifs (- 13 points). Plus particulièrement, la connaissance des enjeux du client par le commercial SAP doit être sérieusement améliorée par l’éditeur, puisque les résultats positifs ne sont que de 20 % (-15 points).

L’enquête révèle également une baisse tendancielle dans les intentions de recommander (-5 points par rapport à 2016), de rester utilisateurs (- 6 points) ou d’utiliser davantage de produits et services SAP à l’avenir (-7 points). « Il subsiste clairement un problème de confiance entre SAP et ses clients, des tensions s’installent, parfois durablement », souligne Gianmaria Perancin, président de l’USF, qui plaide pour « une réaction vigoureuse de la part de SAP. »

Gérald Karsenti, DG de SAP France, admet « qu’un éditeur ne vend rien s’il est en déphasage avec les objectifs de ses clients, nous avons eu une incapacité à communiquer avec le marché. » Il reste « sensible aux points négatifs soulevés par l’enquête de l’USF » et considère « qu’on ne peut pas faire de l’audit de licences un business, ce n’est pas notre vocation, sinon on court à la catastrophe dans la mesure où 99 % des clients sont honnêtes. » L’éditeur a changé ses règles et, désormais, un commercial ne peut prendre l’initiative de déclencher un audit de licences.