Postes de travail : la quête permanente des DSI

A l’heure où la transformation digitale, l’irruption de nouveaux business modèles, l’intelligence artificielle et les start-up occupent l’esprit des dirigeants d’entreprises, des managers et des DSI, on aurait tendance à oublier le maillon essentiel qui relie les technologies et leurs utilisateurs : le poste de travail.

Sur ce terrain, les changements sont tout aussi radicaux, profonds et durables que dans d’autres domaines.

Ce qui, par le passé, pouvait n’être que des options n’en sont plus aujourd’hui : dans les années 1980, les salariés pouvaient tolérer un système d’information sans poste de travail pour tout le monde ; dans les années 1990, un système d’information non connecté à Internet ; dans les années 2000, un SI sans applications mobiles. Aujourd’hui, un poste de travail décalé par rapport aux besoins de collaboration et de communication en mobilité, voire « ringard » pour les plus jeunes générations, n’est plus acceptable.

La transformation des entreprises et des organisations publiques s’observe dans quatre domaines : les usages des technologies et les comportements se modifient, les technologies se modernisent et les priorités organisationnelles changent.

La transformation des usages : mobilité, télétravail et autonomie des utilisateurs

L’idée selon laquelle le bureau est le lieu où se déroule l’essentiel de la vie professionnelle a, semble-t-il, vécu. Andrew McAfee, chercheur du MIT, dans un article publié dans la MIT Technology Review en 2011, expliquait que « beaucoup de Knowledge Workers (travailleurs de l’économie de la connaissance) peuvent être productifs n’importe où, grâce à des terminaux mobiles plus intelligents et plus nombreux, à des accès réseau plus rapides et à un nombre croissant d’outils collaboratifs. » (1)

Les utilisateurs sont de plus en plus connectés et le nombre de « sans bureau fixe » progresse. D’ores et déjà, 36 % des salariés français ont la possibilité de faire du télétravail et un sur deux estime que cela a un impact positif sur son équilibre de vie, selon l’étude des rémunérations 2018 de PageGroup.

Les formes de mobilité se sont également diversifiées, générant autant de profils utilisateurs : sédentaire, mobile occasionnel ou totalement nomade, télétravailleur, coworker, voire homeshorer… Selon le cabinet BearingPoint (2), seulement 40 % des postes de travail restent inoccupés et le télétravail concernera la moitié de la population active en 2020.

En attendant, beaucoup de salariés s’estiment frustrés de ne pas pouvoir y recourir : un sondage OpinionWay-CapGemini liste l’impossibilité de faire du télétravail comme le premier motif de frustration des managers, notamment pour les plus jeunes (3).

L’un des événements majeurs dans l’histoire de la mobilité s’est déroulé en octobre 2016, c’est en effet à ce moment que s’est opéré un basculement : pour la première fois, selon une étude de Statcounter (4), davantage d’internautes ont surfé sur le Web depuis un appareil mobile que depuis un ordinateur.

Ainsi, les smartphones et tablettes ont représenté 51,3 % de l’usage mondial d’Internet en octobre 2016, contre 48,7 % pour les ordinateurs. Avec son corollaire dans les entreprises : le BYOD (Bring Your Own Device). Ce qui, à l’origine, était une pratique cachée (Shadow IT), devient de plus en plus encadrée et acceptée par les DSI. Selon Gartner (5), le BYOD représenterait l’équivalent de 7 % des budgets IT.

La transformation des comportements : la « génération applis » à la manœuvre

Les nouveaux usages que l’on observe dans les entreprises (besoins de mobilité, d’utiliser ses propres équipements technologiques et de travailler hors des locaux de l’entreprise) sont révélateurs de transformations plus profondes : sociologiques (effacement de la frontière entre les sphères privées et professionnelles), générationnelles (montée en puissance des millenials) et managériales (implication des métiers dans les investissements IT ou encore les organisations en mode projet).

L’effacement de la frontière entre la sphère technologique professionnelle et la sphère technologique privée, accentuée par les revendications en faveur du télétravail, constitue probablement l’un des phénomènes les plus emblématiques de ces dernières années. Travailler pendant ses heures de loisirs ou se livrer à des activités privées pendant les heures de travail est devenu banal…

On peut effectuer un parallèle entre les générations de systèmes d’information et les générations d’individus, entre les « anciens » et les « nouveaux » : les millénials marquent déjà de leur empreinte les caractéristiques des systèmes d’information. Dans leur ouvrage publié en 2016 sur « la génération App » (6), deux professeurs de Harvard et de l’université de Washington observent que « la jeunesse d’aujourd’hui est la première génération à se définir par rapport à la technologie, plutôt que d’après des événements politiques ou économiques clés. La génération applis est en quête permanente de nouveaux outils. Elle veut savoir ce qu’ils valent, quel est leur intérêt et ce qui viendra ensuite. »

Cette « génération smartphone » va inévitablement prendre le pouvoir dans les entreprises, avec des valeurs différentes, des modes de management plus agiles, des rapports au leadership davantage basés sur les compétences que sur les hiérarchies et des usages technologiques plus innovants.

D’ores et déjà, 17 % des budgets IT sont gérés directement par les métiers, selon Gartner (5), et 28 % des investissements en solutions cloud, d’après le cabinet Markess (7). Cette situation résulte de la cristallisation d’un certain nombre de frustrations des métiers à l’égard des DSI : celles-ci sont en effet perçues comme peu agiles, trop coûteuses, trop lentes à réagir en cas de problèmes, trop éloignées des besoins des métiers, trop contraignantes dans les choix de solutions….

L’incontournable transformation technologique/digitale

La transformation digitale reconfigure toutes les composantes d’une organisation, à la fois en interne et vers son environnement, son écosystème. En interne, ce sont à la fois les modes de management (moins de hiérarchie, plus de leadership…), les façons de travailler, les processus (plus agiles, plus légers), les formes de pilotage et de gouvernance qui se trouvent bouleversés. De fait, on ne peut plus conserver le système d’information en l’état, en particulier les postes de travail. La transformation digitale nécessite que les collaborateurs disposent des trois fondamentaux :

  • des outils connectés,
  • des solutions collaboratives,
  • des applications adaptées à de nouvelles expériences utilisateurs.

En externe, la transformation digitale reconfigure les chaînes de création de valeur (par exemple avec les plateformes), les business modèles et les modes d’interaction avec les écosystèmes, notamment avec les API, qui concernent à la fois des données, des algorithmes ou des ressources. Selon une étude du cabinet Markess, 83 % des décideurs informatiques français ont eu recours à des API en 2017 pour interconnecter leurs environnements hébergés dans des clouds (SaaS, PaaS, IaaS) avec d’autres environnements de leur entreprise.

Selon IDC France, à l’horizon 2020, 35 % des nouvelles dépenses IT iront vers le cloud et 70 % des entreprises s’orienteront vers des approches multi-cloud. De plus en plus, le cloud est le premier choix des entreprises qui veulent déployer une nouvelle application. Pour les analystes du CXP, un tiers des entreprises françaises devraient gérer plus de 50 % de leurs tâches dans un environnement de cloud hybride en 2018. L’une des conséquences majeures est de transformer les flux de trafic que les entreprises doivent gérer.

La transformation organisationnelle : s’adapter à l’incertain

Les entreprises évoluent dans un environnement dont les caractéristiques sont résumées par l’acronyme VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity). La volatilité signifie que le rythme du changement, dans tous les domaines, s’accélère ; l’incertitude correspond au fait que l’on ne maîtrise pas les caractéristiques d’un environnement ; la complexité se traduit par la nécessité de prendre en compte de multiples facteurs avant d’agir ; l’ambiguïté rend floue la signification des actions ou des tendances.

Ces éléments plaident pour une adaptation constante des organisations, selon au moins trois axes : améliorer la performance avec le levier de la productivité, garantir la résilience économique de l’organisation (en réduisant les coûts) et encourager l’agilité (avec des modes de travail plus collaboratifs).

Les directions achats privilégient toujours, depuis plusieurs années, dans leurs objectifs, la réduction des coûts : c’est le cas de 78 % d’entre elles, selon le CPO Survey publié par le cabinet Deloitte en mars 2018. C’est même quatre points de plus par rapport à 2016 et neuf points de plus par rapport à 2014…

La culture digitale, prônée par les entreprises qui veulent se transformer en s’appuyant sur les technologies de l’information les plus innovantes, ne peut se diffuser dans un environnement de silos (de données, de technologies, d’individus, de processus, de métiers…). Les entreprises ont investi dans les portails, les réseaux sociaux d’entreprise, les outils de partage et de synchronisation de fichiers ou les solutions de réunions en ligne.

Selon le cabinet Markess, les deux-tiers des entreprises françaises disposent déjà d’un RSE (réseau social d’entreprise). Le marché français des applications de collaboration progressera de 5,3 % en moyenne par an jusqu’en 2021, selon IDC, et de 13 % pour les solutions en mode SaaS.

Quelles incidences pour le poste de travail ?

L’évolution des postes de travail a connu trois grandes étapes. La première, dans les années 1980, se caractérise par le poste de travail hybride : coexistent ainsi le papier et l’informatique, le temps que, progressivement, le parc de micro-ordinateurs s’étoffe.

La deuxième étape, depuis les années 1990, correspond au poste de travail de type puzzle : il est certes quasiment informatique, mais est en réalité constitué de multiples équipements, ajoutés par les utilisateurs en fonction des besoins (modems, disques durs externes, clés USB, cartes réseaux, PC portable en plus du PC de bureau…).

La troisième étape correspond au poste de travail unifié, qui tend à intégrer tous les usages, toutes les fonctionnalités et tous les modes de communication et de collaboration quel que soit l’endroit où l’on se trouve.

L’un des enjeux des entreprises est d’améliorer l’expérience collaborateur, à l’image des stratégies marketing qui ambitionnent de travailler sur l’expérience client. Les analystes d’IDC prévoient que la moitié des interactions entre les entreprises et leurs clients reposera sur le numérique en 2018, au sein de communautés en ligne. Pour les collaborateurs et leur entreprise, c’est quasiment 100 %. Ces derniers ont globalement cinq types de besoins :

  • Le besoin d’instantanéité, pour pouvoir communiquer sans temps de latence et en toute sécurité, exigence fondamentale dans des environnements collaboratifs. Ce besoin est satisfait par des infrastructures performantes et « sans coutures » (seamless).
  • Le besoin de partage d’informations structurées et non structurées, grâce à des solutions collaboratives.
  • Le besoin de simplicité, à l’image des « Apps », dont tout le monde s’est approprié le design et la facilité d’utilisation, ou des portails en self-service, pour que l’utilisateur réalise lui-même des tâches basiques.
  • Le besoin de gain de temps, gage de productivité, qui peut s’obtenir avec des processus plus fluides et allégés, des solutions de mobilité ou interactives (chatbots par exemple…).
  • Le besoin du « ATAWADAC », acronyme qui symbolise les besoins des utilisateurs : « Any Time » (n’importe quand), « Any Where » (n’importe où) et « Any Device » (avec n’importe quel terminal), mais aussi « Any Content », pour intégrer le fait qu’aux dimensions temporelle, géographique et matérielle, s’ajoute une dimension devenue essentielle : celle de l’information et des contenus partagés selon le média utilisé.

Les quatre challenges pour les DSI : cartographier les besoins, intégrer, sécuriser et favoriser la collaboration

Face aux différents enjeux associés à la transformation des entreprises et à la nécessité d’adresser les besoins des utilisateurs, la transformation des postes de travail pose quatre challenges aux DSI, qui doivent :

  • Hiérarchiser les besoins à couvrir.
  • Prendre en compte les caractéristiques du système d’information existant.
  • Garantir une sécurité maximale.
  • Sélectionner les bonnes solutions.

L’engouement pour le BYOD et le Shadow IT montre qu’il est indispensable de prendre en compte les besoins des utilisateurs. Mais, il ne s’agit pas pour autant de satisfaire tout le monde à n’importe quelles conditions, ni à n’importe quel coût.

Une cartographie des besoins et des usages présente plusieurs avantages :

  • Élaborer un référentiel de ce qui est vraiment utile, qui peut d’ailleurs servir de base à un catalogue de services et d’applications ou à la définition de règles d’application dans le cadre d’une stratégie BYOD.
  • Canaliser les demandes des utilisateurs.
  • Permettre d’adapter les terminaux à leurs usages.
  • Prioriser et dimensionner les investissements.
  • Responsabiliser les métiers au fait « qu’on ne peut pas tout faire et tout autoriser ».

L’évolution des postes de travail ne peut évidemment pas se réaliser en dehors de toute considération d’intégration avec les architectures et les applications existantes. Cette intégration doit prendre en compte quatre dimensions : fonctionnelle, applicative, matérielle et de communication. On observe cette nécessité d’intégration en particulier pour les problématiques de collaboration, qui imposent une convergence et une unification de plusieurs canaux de communication, sans oublier les impératifs de sécurité.

Dans des environnements ouverts et collaboratifs, ces principes rendent incontournables la sécurisation des flux de données et de leur stockage, que ce soit dans un environnement cloud ou non, en adressant les quatre besoins fondamentaux de toute politique de sécurité : la disponibilité, l’intégrité, la confidentialité et la traçabilité.

Le poste de travail idéal existe-t-il ?

Le concept de Digital Workplace s’est imposé pour caractériser les contours de ce qu’est et de ce que sera le poste de travail. Les consultants du cabinet Deloitte définissent la Digital Workplace comme « l’ensemble des technologies que les collaborateurs utilisent pour travailler aujourd’hui, les technologies actuelles, mais aussi celles en devenir. Elle couvre aussi bien e-mails, messagerie instantanée, outils de médias sociaux d’entreprise et outils de réunions virtuelles, que applications RH et applications métier. » (8)

Selon Gartner (9), la Digital Workplace, pour être pleinement opérationnelle, a besoin de huit ingrédients essentiels : une vision (proposition de valeur) pour décrire à quoi ressemble une Digital Workplace, une stratégie (roadmap), des métriques (benchmarks, mesures de performance, éléments de ROI…), des processus, de l’information (données, contenus), le design de l’expérience utilisateur, une reconfiguration des modes de travail et des technologies, en particulier des solutions de communication et de collaboration unifiées.

Le poste de travail idéal est celui qui répond aux besoins de chaque utilisateur. Par définition, dans la mesure où les usages sont variés et évolutifs, un poste de travail unique pour un groupe d’utilisateurs n’a guère de sens. En revanche, le poste de travail idéal se caractérise par au moins cinq prérequis : il est nécessairement mobile, ergonomique pour une utilisation simple et pour favoriser l’expérience utilisateur, connecté, personnalisable (avec des API et des Apps) et intégré dans le système d’information, ce que permettent précisément les solutions de collaboration et de communication unifiées.

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(1) « The rise of the Virtual Office », MIT Technology Review, août 2011.
(2) « De l’Open Space à l’Open Mind ! », BearingPoint. http://stories.bearingpoint.com/open-mind/
(3) La perception de l’expérience salariée par les cadres français, Opinion Way – CapGemini, janvier 2017.
(4) http://gs.statcounter.com/press/mobile-and-tablet-internet-usage-exceeds-desktop-for-first-time-worldwide
(5) The Mobile Scenario – the Convergence of Devices, Bots, Things and People, par Andy Rowell-Jones, Symposium Gartner 2016.
(6) The App Generation: How Today’s Youth Navigate Identity, Intimacy, and Imagination in a Digital World, par Howard Gardner et Katie Davis, Yale University Press.
(7) http://blog.markess.com/2017/05/directions-metiers-depenses-cloud/
(8) La digital workplace pour transformer l’expérience collaborateur, Deloitte Digital, 2015. www2.deloitte.com/fr/fr/pages/technology/articles/digital-workplace.html
(9) Eight Building Blocks You Need to Construct Your Digital Workplace Plan. www.gartner.com/doc/3744619


Solutions de communication unifiée : quels critères retenir ?

Pour sélectionner une solution de communication et de collaboration unifiées (UCC), plusieurs critères et bonnes pratiques doivent être pris en compte :

  • Étudier les références clients et leurs retours d’expérience pour des cas d’usage opérationnels.
  • Valider la capacité d’intégration de la solution à l’environnement de travail existant.
  • Privilégier une solution dans le cloud, mais qui peut également s’utiliser sur site ou en mode hybride.
  • Retenir une solution de communication et de collabo­ration optimisée pour les usages mobiles (« Mobile First »).
  • Valider la simplicité du déploiement et de l’administration, de manière à minimiser les coûts.
  • Sélectionner une solution qui favorise l’appropriation par les utilisateurs et valorise leur expérience, par exemple avec une App qui importe automatiquement les identifiants de l’utilisateur, quelle que soit la plateforme mobile ou le type de terminal qu’il utilise.
  • Vérifier que la solution offre toutes les fonctionnalités indispensables pour la collaboration d’équipe : messagerie instantanée et unifiée, flux projet, chat to call, voix, vidéo-chat, gestion de présence, push de notifications, annuaire, partage et annotation de documents, partage d’écrans, vidéoconférence, intégration d’applications tierces (Dropbox…)…

Contrôler les mécanismes de sécurité des données et des communications, en particulier pour les solutions collaboratives ouvertes de type Slack.


Des managers de plus en plus dérangés

Dans les années 1970, un manager interagissait en moyenne seulement un millier de fois avec l’extérieur, mais 4 000 fois dans les années 1980 (effet répondeur téléphonique), 9 000 fois dans les années 1990 (effet e-mail), 25 000 fois dans les années 2000 (effet téléphone portable) et 30 000 fois aujourd’hui. (« Your scarcest Resource », Harvard Business Review, mai 2014).