Les huit tendances qui vont changer la grande distribution

La distribution est un terrain privilégié de changements technologiques et d’usages. Quelles sont les tendances qui transforment le secteur ? Le récent rapprochement entre Monoprix et Amazon est un signe de plus que le monde du retail est en pleine mutation.

Des ruptures qui étaient déjà visibles lors du NRF (National Retail Foundation) de New York, qui a réuni plus de 40 000 visiteurs et 600 exposants. Globalement, au niveau mondial, le marché du commerce progressera de 3% par an, en moyenne, à l’horizon 2021. « L’apocalypse de la grande distribution est un mythe, il y a eu plus d’ouvertures que de fermetures de magasins en 2017 », note Elisabeth Denner, associée du cabinet de conseil BearingPoint, qui a dégagé les grandes tendances du retail lors d’une conférence, qui s’est tenue à Paris en février 2018.

En outre, 42 % des acteurs de la grande distribution ont augmenté le nombre de leurs points de vente physiques, contre 15 % qui ont vu ce nombre diminuer… « Les investissements IT dans la grande distribution vont progresser de 3 % en 2018 », prévoit Elisabeth Denner. Même Walmart a ouvert plus de magasins en 2017 (111) qu’il n’en a fermé (13), selon Joanne Joliet, analyste chez Gartner.

Des 4 P aux 8 C

Les modèles de vente d’hier sont de plus en plus obsolètes, en particulier l’approche historique des 4 P, enseignée depuis des décennies dans les écoles de commerce, selon laquelle, pour vendre, il faut quatre ingrédients : un produit, un prix, un emplacement (place) et des promotions. Désormais, c’est plus compliqué et les distributeurs ne doivent plus se contenter de ces quatre éléments, assez basiques, mais intégrer dix tendances, beaucoup plus complexes à maîtriser (voir tableau ci-dessous).

1. La personnalisation. L’idée est de proposer des produits créés par le consommateur, de manière à renforcer l’engagement de celui-ci à l’égard d’une marque, à générer du trafic dans les magasins et à améliorer la réputation, notamment sur les réseaux sociaux. Les fabricants de lunettes, de poupées, de chaussures ou de jeans proposent d’ores et déjà ce type d’expérience.

« On trouve aussi des expériences de théâtralisation, avec des ateliers dans les magasins », note Elisabeth Denner. « Lorsque Nike propose de créer ses propres chaussures, ce n’est pas tant pour augmenter son chiffre d’affaires que pour mieux communiquer avec ses 75 millions d’abonnés sur Instagram », ajoute-t-elle. Cela remet en cause l’un des indicateurs clés historiques privilégiés par la grande distribution, le chiffre d’affaires au mètre carré, qui devient de moins en moins pertinent pour juger de la performance d’un réseau de magasins physiques.

2. Les usages. Pour s’adapter aux usages, deux règles sont à appliquer : rester le plus simple possible dans le magasin et gérer la complexité dans le Back Office. Cela impose une maîtrise des stocks et de la Reverse Logistics (gestion des retours), cette dernière devient critique dans un contexte de personnalisation, les retours de produits pouvant représenter jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires. « L’hyperagilité est un must pour améliorer la dextérité logistique », résume Elisabeth Denner.

3. Le social. Les réseaux sociaux interviennent à un double niveau : d’une part, comme critère de choix des produits et des marques (80 % des consommateurs utilisent leur smartphone dans un magasin pour sélectionner les produits, selon Gartner), d’autre part, comme outil de fédération de communautés, autour d’une thématique.

« Il y a, en outre, une sorte de politisation des consommateurs, plus de la moitié des jeunes générations choisissent une marque en tenant compte de son engagement sociétal et de la transparence de ses pratiques commerciales ou de gestion des données », précise Elisabeth Denner. Si elles sont actives sur les réseaux sociaux, les jeunes générations continuent de privilégier les magasins physiques : selon Gartner, c’est le cas de 60 % d’entre eux. « Et ils n’aiment guère les barrières artificielles », observe Jenny Sussin, analyste chez Gartner.

4. Les technologies. Si l’on en croit Gartner, à l’horizon 2020, 85 % des consommateurs vont gérer leurs relations avec les marques sans interactions humaines. Encore faut-il que celles-ci soient technologiquement au point. « Tous les cas d’usages restent à construire et ils sont multiples pour une même technologie », déplore Elisabeth Denner, qui suggère de privilégier le Test and Learn avec des projets courts.

5. L’omnicanal. Ce terme est certes très populaire, mais, assène Bertrand Clémencin, associé chez BearingPoint, « il est dépassé, on doit parler désormais de commerce unifié, car les consommateurs ne peuvent plus être catégorisés selon leurs canaux d’achat. » Autrement dit, à la vue unique du consommateur se substitue une vue continue : « Toutes les données doivent être accessibles pour chaque moment de la relation entre un distributeur et ses clients et de leurs parcours d’achat. Ce qui suppose un système d’information en temps réel », suggère Bertrand Clémencin.

6. La mobilité. L’indice iCM, élaboré par la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance), qui mesure les ventes sur l’Internet mobile (smartphones et tablettes, sites mobiles et applications hors téléchargements d’applications et hors ventes sur les places de marché), a progressé de 38 % en 2017, année marquant une ré-accélération des ventes sur smartphones et tablettes.

Près d’un tiers du volume d’affaires des sites de e-commerce est désormais réalisé sur terminaux mobiles, soit 6 points de plus en un an. « C’est même le canal de vente majeur aux Etats-Unis », souligne Elisabeth Denner. Une tendance encouragée par les possibilités de paiement via les smartphones.

7. L’expérience client. Pour Jenny Sussin, analyste chez Gartner, « les entreprises ne vendent plus des produits, mais des expériences, mieux, des expériences uniques. » Du moins elles essaient… « Naviguant entre applications, sites Web et réseaux sociaux, les consommateurs rencontrent les marques sur des plateformes de plus en plus nombreuses. Face à l’abondance de l’offre, ce n’est plus uniquement sur le produit ou le service que les marques peuvent se différencier.

C’est désormais sur l’expérience client qu’elles peuvent se démarquer. Délivrer le contenu approprié, targeter correctement son offre permet d’attirer davantage l’intérêt d’une clientèle devenue disparate. Cela revient à cerner assez tôt les changements qui s’opèrent dans les modes de consommation », analyse Florian Douetteau, CEO de Dataiku.

« On parle de l’expérience client depuis longtemps », souligne Janice Spindler, senior manager retail chez BearingPoint, pour qui l’objectif est de « créer de l’émotion au-delà de l’interaction, par exemple en transformant les points de vente en lieux de vie, avec un ensemble de services. » Avec du coaching, des événements, comme le font régulièrement Ford, Prada ou Samsung, le scanner de peau chez Sephora ou la possibilité d’essayer ses chaussures de foot sur un faux gazon. « L’expérience consommateur n’est pas nécessairement technologique, d’autant que le magasin reprend le pouvoir sur le e-commerce », note Janice Spindler. Avec, toutefois, un prérequis : des vendeurs qualifiés…

8. Les données. Ce fut la problématique dominante lors de la dernière édition de la NRF, en particulier avec les opportunités associées à l’intelligence artificielle, au Machine Learning, au reporting en temps réel, à la tarification dynamique et aux shopbots. « Il faut toutefois pouvoir intégrer des données externes, par exemple la météo pour les vendeurs de vêtements », avertit Elisabeth Denner.

« Le retail est-il voué à disparaître ? Rien n’est moins sûr. Drones livreurs et Click & Collect n’auront pas raison du commerce physique. En revanche, tout se jouera sur la qualité des données. Grâce à leur analyse, les comportements des consommateurs et leurs changements sont aujourd’hui quantifiables, mesurables et peuvent être interprétés en vue d’ajuster la stratégie d’approche, de retargeting et de vente. Encore faut-il que les entreprises mettent la donnée au cœur de leur stratégie » souligne Florian Douetteau, CEO de Dataiku.

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La Chine, un précurseur ?

En matière de grande distribution, c’est du côté de la Chine qu’il faut se tourner pour anticiper les tendances. La Chine est en effet devenue le leader mondial du e-commerce et pèse 2,7 fois le marché américain. « En 2019, 27 % des clients du e-commerce, au niveau mondial, seront chinois », note Elisabeth Denner, qui rappelle quelques chiffres traduisant le dynamisme chinois : 90 % des ventes de e-commerce se réalisent via un téléphone mobile, sur les 50 000 salariés d’Alibaba, 18 000 sont dédiés à la R&D.

Le géant du e-commerce a généré, en une seule journée (le 11 novembre), 25 milliards de chiffre d’affaires, le premier ayant été atteint en seulement deux minutes. Avec, cette même journée, 100 Maserati vendues en seize secondes et 100 000 iPhones X commercialisés en une heure… Les chinois testent également le magasin sans caisses, utilisant l’intelligence artificielle et le Big Data, les miroirs connectés avec la reconnaissance de produits, les caddies autonomes ou encore le paiement par reconnaissance faciale. Comme le dit Jack Ma, patron d’Alibaba, « dans les autres pays, le e-commerce est une façon d’acheter, en Chine c’est une manière de vivre. »

Grande distribution : ce qui a changé entre 2015 et 2018
Années Problématique dominante Technologies associées
2015 Le commerce émotionnel, avec l’omnicanal et les jeunes générations de consommateurs Mobilité, numérisation des magasins, Big Data, cloud…
2016 La complémentarité entre le Web et les points de ventes (« Click to Brick » ou « Click and Collect ») Social Selling, analytique, impression 3D…
2017 L’expérience consommateur, basée sur la valorisation des données qualitatives Ultra-personnalisation, Video commerce, RFID…
2018 L’innovation technologique à la recherche de cas d’usages Intelligence artificielle, réalité virtuelle…
Source : BearingPoint.

Le phygital, modèle gagnant du e-commerce

Longtemps opposés, le digital et le retail semble désormais faire bon ménage, comme l’illustre le projet de rapprochement de La Redoute et du groupe Galeries Lafayette. Il est vrai que la dynamique du e-commerce BtoC ne semble pas prête de s’essouffler en France. Après une hausse de 13,5 % à près de 82 milliards d’euros en 2017, les ventes en ligne aux particuliers devraient encore progresser de 12 % par an en moyenne pour représenter 115 milliards d’euros à l’horizon 2020 (soit 8,5% de la consommation totale des ménages), selon les prévisions des experts de Xerfi Precepta dans leur dernière étude sur la transformation digitale dans la distribution.

Si quelques enseignes, parmi les leaders de la distribution française, n’ont pas encore de site marchand, les Click & Mortars rattrapent néanmoins leur retard sur les Pure Players. Leur part de marché a ainsi doublé entre 2010 et 2017 pour représenter 40 % des ventes en ligne, d’après les calculs des experts de Xerfi Precepta (*). Et si Internet s’invite dans nombre de parcours d’achat, le magasin physique reste le canal préféré des consommateurs français. Surtout, le taux de transformation est bien plus élevé en magasin que sur le Web.

Si la gestion de l’offre via de multiples canaux est désormais acquise, celle de la logistique est plus longue à mettre en place. Les enseignes travaillent aujourd’hui au développement du ship-from-store, qui consiste à faire de chaque magasin un entrepôt au service de la livraison.

Mais, souligne l’étude, « avec le digital et les nouvelles technologies, l’expérience et la connaissance client peuvent être considérablement enrichies. Désormais, les stratégies sont consumer centric et les données sont devenues le nerf de la guerre. Une telle transition encourage les distributeurs à adopter un modèle Data Driven et à se diversifier sur les marchés du paiement et de la publicité. » Il s’agit en effet d’exploiter les données pour personnaliser la relation client. Les enseignes sont maintenant en mesure d’adapter les messages, les offres, les contenus et de contextualiser en temps réel les interactions avec chaque client pour susciter ainsi son engagement.

Dans ce contexte, quel est le rôle et la place des entreprises numériques dans la transformation digitale des distributeurs traditionnels ? Hier, tout ou presque opposait les deux sphères. Aujourd’hui, elles s’inscrivent dans un jeu gagnant-gagnant. La convergence des business models favorise d’ailleurs les rapprochements entre Click & Mortars et Pure Players, lesquels cherchent à déployer des synergies cross canal. Autrement dit, les distributeurs poursuivent leur mue digitale et les Pure Players ouvrent des points de vente, en rachetant des réseaux ou en nouant des alliances.

C’est ainsi que Conforama a pris une participation au capital de Showroom Privé ou que, en Chine, Auchan s’est rapproché d’Alibaba Group. Les alliances entre enseignes traditionnelles et entreprises du numérique se jouent également de plus en plus dans des démarches d’Open Innovation. Les distributeurs ont, en effet, tout à gagner de la créativité et de l’agilité des start-up de la Retail Tech. Ces démarches d’Open Innovation peuvent prendre plusieurs formes : partenariats, hackatons, prises de participations ou encore créations d’incubateurs comme le Lafayette Plug & Play ou Silicon B du groupe Beaumanoir.

(*) La transformation digitale de la distribution, omnicanalité, monétisation de l’audience, enrichissement de l’expérience et de la connaissance client : où en sont les distributeurs ?, étude Xerfi-Precepta.


Retail et e-commerce : huit tendances qui changent tout

Lors du dernier HubDay sur le futur du e-commerce et de la distribution, qui s’est déroulé le 31 janvier 2018, Vincent Ducrey, co-fondateur du Hub Institute, a présenté les huit tendances retail et e-commerce qui vont façonner le marché en 2018.

Tendance N° 1 : la transparence
Il est toujours difficile d’obtenir des informations claires et surtout véridiques dans les médias, mais aussi en magasin. L’engouement du consommateur pour des informations transparentes sur les produits (notamment alimentaires) qu’il achète a atteint son apogée. Il est désormais essentiel pour les distributeurs et les marques d’adresser ce besoin d’information au risque de disparaître face à des acteurs déjà en avance en matière de transparence.

Tendance N° 2 : les achats éthiques (Shopping for good)
La responsabilité sociale et économique devient un vrai levier de différenciation et d’engagement. D’après l’Observateur des marques dans la cité d’Havas Paris, 89 % des consommateurs français pensent qu’une entreprise qui se comporte de manière éthique réussira mieux économiquement à l’avenir.

Tendance N° 3 : les achats automatisés (automated shop)
Alors que l’essor du e-commerce n’est plus perçu comme une menace pour les magasins physiques, notamment grâce aux stratégies d’omnicanalité et de digitalisation des points de vente, de nouveaux enjeux se présentent pour les distributeurs soucieux d’entretenir leurs parcs d’enseignes et de boutiques. Comment optimiser les processus d’achat tout en proposant une expérience consommateur rapide et efficace ? Les technologies d’automatisation amènent des solutions.

Tendance N° 4 : le commerce sans friction (frictionless shopping)
Autre tendance responsable du regain d’énergie des magasins physiques : le commerce sans friction. Pour regagner des parts de marché face aux e-commerçants, les Pure Players et les Bricks and Mortars s’efforcent d’identifier les frictions dans le parcours d’achat de leurs clients, les plus courantes étant l’obligation de faire la queue en caisse, de disposer d’argent sur soi ou de localiser les produits en rayon.

Tendance N° 5 : la désintermédiation
La révolution des usages a progressivement entraîné la création de chaînes de valeur où le nombre d’intermédiaires entre le producteur d’un produit et le consommateur s’est réduit. La désintermédiation est notamment souhaitée par des marques voulant garder le plein contrôle sur le coût final de leurs produits, le marketing qui les entoure, ou encore la relation qu’elles entretiennent avec leurs « fans ».

Tendance N° 6 : l’expérience consommateur (smart experience)
L’expérience utilisateur a été adoptée par les distributeurs qui parlent désormais d’expérience consommateur. Que ce soit dans un but de prospection, de rétention ou de conversion, une bonne expérience permet d’actionner l’ensemble des leviers de croissance des commerçants. A une condition toutefois : la personnalisation ! Or, celle-ci dépend de la maîtrise des données et de la réconciliation des différentes sources de données.

Tendance N° 7 : les usages de la vidéo (video is the new shop)
Désormais, la vidéo n’est plus un simple outil marketing, mais un magasin à part entière. Grâce à elle, il est désormais possible de faire l’exposition, l’illustration, mais aussi la vente de produits. Ce qui, autrefois, n’était qu’un simple support de communication, est aujourd’hui un nouveau point de vente digital qui s’offre aux distributeurs pour diversifier leurs parcours d’achat.

Tendance N° 8 : l’automatisation (Boosted-Backoffice-to-Boost-Business)
Pour comprimer au maximum les coûts d’activité de leurs magasins physiques (rémunération du personnel, gestion des stocks et de la chaîne logistique), les distributeurs s’appuient désormais sur l’automatisation aux promesses de forts gains de productivité, grâce aux progrès de l’intelligence artificielle.

Grande distribution : un changement de méthodes de vente
Approche des 4 P Approche « Customed »
Produit Customisation (personnalisation)
Usages
Place Social
Technologies
Prix Omnicanal
Mobilité
Promotion Expérience client
Données
Source : BearingPoint.