Pour beaucoup, la Silicon Valley fait figure de modèle et conserve encore une image mythique. A juste titre, si l’on se réfère au dynamisme des start-up et aux succès des grands noms de l’Internet.
Dans son ouvrage, David Fayon, consultant en transformation digitale depuis la Silicon Valley pour des entreprises françaises, nous emmène sur le terrain, pour mieux comprendre les raisons du succès du modèle américain, à partir d’entretiens avec plusieurs dizaines d’experts, chez IBM, Microsoft, Intel, Cisco et de nombreuses start-up de tout secteur, ainsi que chez ces « géants » réunis sous les acronymes GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber).
L’auteur ne se limite pas à la Californie (cinquième puissance mondiale si elle était un pays…), il aborde également les autres hubs de l’innovation que sont Boston, Seattle ou New York.
Logique cartésienne contre logique empirique
Dans sa préface, Catherine Barba, CEO de Peps Lab Innovation in Retail, résume les ingrédients de la force des acteurs américains par le fait que leurs actions sont marquées par « le culte de l’action, la culture du résultat, le pragmatisme, l’acceptation de l’échec, la confiance en soi et en l’avenir. » Des caractéristiques auxquelles s’ajoutent la puissance de financement de l’innovation par des business angels et le tissu du capital-risque.
L’auteur confirme que si la logique cartésienne domine en France, aux Etats-Unis, c’est davantage l’empirisme, ce qui explique que l’on y crée plus facilement des entreprises. Et les entrepreneurs, souligne David Fayon, « se soucient du chemin critique de la connaissance jusqu’à l’industrie, le fait de marketer des recherches et innovations pour les traduire en offres et en emplois. » Celui-ci pointe plusieurs autres atouts des américains face aux technologies et à l’innovation : le rapport au temps, la « positive attitude », le rapport à l’enseignement, la flexibilté du travail, la valorisation de l’expertise et la captation des talents.
Et, dans les entreprises américaines, « il y a très peu de baronnies, tout est dicté par les données et les résultats, ce qui ne donne pas lieu à des débats philosophiques ou d’opinions sans fin. » Le succès des start-up américaines repose, selon David Fayon, sur quatre facteurs : la réponse à un besoin non satisfait jusqu’alors, l’apport d’une technologie, la constitution d’une bonne équipe et l’argent nécessaire. « Les américains pensent vraiment à changer le monde, c’est une philosophie et une culture », précise David Fayon.
Une domination durable de l’influence américaine ?
La domination de la Silicon Valley et, plus généralement, des Etats-Unis, est-elle durable ? D’ores et déjà, de sérieux challengers se positionnent, en particulier l’Asie, mais aussi Israël, l’Australie ou l’Afrique du Sud. « La Chine numérique s’est réveillée, la Russie et l’Inde ont la taille critique », avertit David Fayon.
Mais, à l’horizon 2050, assure-t-il, « s’agissant du seul secteur numérique, les Etats-Unis devraient rester leaders, le numérique restant leur seule planche de salut, même si la Chine et, plus généralement, l’Asie joueront un rôle majeur. »
Et la France ? L’auteur plaide pour une coopération en mode gagnant-gagnant entre la France et les Etats-Unis, et plusieurs dispositifs (Business France, chambres de commerce…), incubateurs (French Tech hubs…) et réseaux existent. David Fayon formule une trentaine de recommandations pour aller encore plus loin, à la fois pour les pouvoirs publics, les entreprises, la formation ou la fiscalité.
Made in Silicon Valley, du numérique en Amérique, par David Fayon, Editions Pearson, 2017, 232 pages.
Les dix critères de réussite
Dix critères sont essentiels pour développer l’innovation : plus ils sont respectés, plus le potentiel numérique pour une zone donnée est fort :
- Un pôle universitaire d’excellence.
- La qualité de l’enseignement (travail en équipe, capacité à coder, mathématiques…).
- La concentration d’entreprises technologiques et un maillage professionnel dense.
- Des usages existants et une taille suffisante du marché domestique.
- Le rôle de l’Etat ou de la région (appétence pour la technologie).
- Le nombre d’investisseurs avec des fonds importants.
- Des infrastructures de réseaux.
- Des infrastructures de transport.
- Le droit à l’erreur et l’optimisme.
- Un contexte qui favorise l’attractivité (salaires…).