Le hacking pour la bonne cause : transformer l’organisation

L’entreprise pyramidale, hiérarchique et conçue pour la production de masse est-elle encore viable ? De moins en moins, à mesure que de nouveaux business modèles émergent et que de nouveaux entrants bousculent les positions établies. Les fractures viennent également de l’interne.

« Ça ne marche plus ! Malgré les beaux discours des managers sur l’empowerment ou l’humain au cœur de la stratégie, l’entreprise s’est déshumanisée », affirment les auteures, Marie-Noéline Viguié et Stéphanie Bacquere, fondatrices du cabinet Nod-A. Processus, objectifs inatteignables et impératifs de court terme sont passés par là…

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Makestorming, le guide du corporate hacking, par Marie-Noéline Viguié et Stéphanie Bacquere, Ed. Diateino, 2016, 197 pages.


Réinventer l’entreprise de l’intérieur

Face à ce constat, plutôt pessimiste, que faire ? Les auteurs écartent d’emblée trois tentations : celle d’élaborer un grand plan de transformation, celle de créer une direction de l’innovation et celle d’importer des gadgets pour faire comme si cela allait insuffler une culture start-up dans les organisations existantes. L’approche la plus pertinente réside dans le corporate hacking. « Hacker l’entreprise, c’est possible », assurent les auteures, qui promeuvent le concept de Makestorming, approche qui réinvente la culture du travail pour hacker les grandes organisations et y viraliser les pratiques des start-up.

Si l’on se réfère à l’origine du hacking de systèmes informatiques, on trouve des principes qui peuvent s’appliquer également aux organisations : « Le hacking est né d’une volonté d’aller de l’avant, d’ouvrir la connaissance, d’inventer et d’innover, souvent pour le plaisir », rappellent les auteures. Les hackers veulent comprendre par eux-mêmes comment fonctionne un système, préfèrent la liberté à l’autorité, l’action au plan d’action, le résultat plutôt que la règle, la curiosité et le travail en réseau. « Le hacking devient un devoir moral dans l’entreprise pour libérer les esprits et sortir de la situation bloquée, étriquée, quasi-dépressive dans laquelle se trouvent aujourd’hui tant d’entreprises et de salariés. Quand le ras-le-bol est trop fort, le terreau est fertile », poursuivent les auteures.


Les cinq principes clés

Concrètement, comment peut-on hacker une entreprise ? Il n’y a pas de méthode : « Les hackers n’ont pas attendu un tutoriel pour hacker les systèmes informatiques. » Mais il y a une approche, baptisée Makestorming. Elle repose sur cinq principes :

  1. L’union fait la force. Dans les entreprises organisées en silos, les individus ne comprennent pas toujours le métier des autres, ni les objectifs communs. Il s’agit de travailler en réseau, de privilégier l’intelligence collective, « de promouvoir la pluridisciplinarité et l’esprit Open Source », suggèrent les auteures, pour qui « unis, on est plus intelligents, plus au fait des faiblesses, des nécessités, des expertises, on a plus de questions mais aussi plus de réponses. »
  2. La désobéissance pour bien faire. L’arbitraire étant basé sur le contrôle et la défiance, « le refus de l’arbitraire est à la base du comportement hacker », rappellent les auteures, mais dans un objectif louable : la volonté de bien faire et d’aider l’organisation à progresser.
  3. L’action plutôt que le plan d’action. Cela suppose d’accepter l’imperfection, de faire primer le réel sur la théorie et de viser la meilleure solution possible. Il est pertinent, pour cela, de privilégier une approche agile, faites d’itérations et de projets successifs.
  4. « Qui fait quoi » plutôt que « qui est qui ». C’est le principe selon lequel il faut jeter « la boîte à médailles » pour sortir la boîte à outils. Il importe ainsi de faire primer les compétences sur les connaissances, les compétences sur le niveau hiérarchique, de miser sur la confiance dans les individus, de reconnaître les compétences des autres et de les développer.
  5. A grands pouvoirs, grandes responsabilités. Si les principes précédents mettent en exergue une autonomie accrue des individus, elle implique aussi des responsabilités. « On ne peut pas réclamer de l’autonomie et attendre en même temps que la solution vienne de quelqu’un d’autre à la première contrariété », expliquent les auteures.

Pour avancer dans l’approche Makestorming, il faut commencer par trouver la faille, de manière à comprendre un environnement pour mieux le changer de l’intérieur. Cela facilitera la mise en œuvre d’un mode projet : « C’est par des projets concrets que l’on attaque les failles d’une organisation », conseillent les auteures. C’est évidemment un changement d’habitudes et de culture du travail qui permettra de créer des succès visibles (des « coups d’éclat »), en se posant les bonnes questions, en challengeant les directives. Car, hacker une organisation c’est aussi, souvent, se hacker soi-même, notamment en prenant du recul, en changeant son rapport à la performance et à l’autorité. Ce livre, bien écrit (ce point mérite d’être souligné), oblige à se poser la question de ce qui peut ou doit être changé dans les entreprises.