Si les problématiques technologiques et les interactions avec les métiers sont relativement complexes à gérer pour les DSI, les relations avec les fournisseurs le sont probablement plus encore. Il est toujours possible de professionnaliser davantage le sourcing. Six dossiers, représentatifs du cycle de vie de la relation avec les fournisseurs, doivent être ouverts… ou réouverts.
Le cycle de vie de la relation avec les fournisseurs peut schématiquement se représenter en trois phases : la stratégie, en amont de l’établissement de la relation, la sélection/négociation des fournisseurs et le pilotage au quotidien, lorsque la relation avec le fournisseur est institutionnalisée. C’est un domaine qui ne peut jamais être totalement sous contrôle.
En effet, autant, pour les problématiques technologiques, on peut s’appuyer sur des standards, autant les interactions avec les fournisseurs, qui comportent une part d’incertitude, d’ambiguïté et de liens personnels, sont délicates à normaliser.
Comment, à défaut d’aboutir à court terme à des relations fournisseurs sans accrocs, faire progresser dans la voie d’une meilleure professionnalisation ? Il faut s’intéresser à six domaines, qui sont autant de chantiers à gérer, pas nécessairement en parallèle, selon trois objectifs principaux : savoir où l’on en est, réduire l’incertitude sur les choix, sécuriser la relation dans le temps.
1. Redéfinir la stratégie. Souvent, la stratégie relative au sourcing est le résultat d’un historique, avec des actions qui ne sont pas toujours cohérentes entre elles, mais redondantes ou contradictoires lorsque les achats IT sont décentralisés, par exemple dans les filiales, ou avec des responsabilités dans les métiers.
Remettre à plat la stratégie dans ce domaine va consister, par exemple, à examiner la place de l’externalisation, le rôle de la direction des achats et les processus de collaboration avec la DSI, les modes de gouvernance qui existent ou qu’il faudrait mettre en place, sans oublier, bien sûr, les principes relatifs à la place du cloud, de l’Open Source ou des start-up.
2. Cartographier le portefeuille de fournisseurs. L’objectif est d’avoir une vision globale, qui n’est pas seulement nécessaire lorsqu’un nouveau DSI arrive, mais également au quotidien. Cette cartographie est utile à plusieurs titres : elle sert d’abord à identifier les doublons. Plusieurs cas de figure existent : un même prestataire qui réalise des prestations identiques pour plusieurs entités, métiers ou filiales de l’entreprise (et qui les facture autant de fois) ; plusieurs prestataires qui réalisent des prestations complémentaires qui gagneraient à être regroupées ; de multiples éditeurs de logiciels avec des solutions dont les fonctionnalités se recoupent, cas fréquent que l’on trouve dans les domaines des ERP, de la finance ou du marketing…
Cette cartographie sert ensuite à identifier les degrés de dépendance à l’égard des fournisseurs. Il est toujours utile d’anticiper le risque qu’un fournisseur ne devienne trop puissant, parce que ses solutions sont si critiques pour le système d’information qu’il sera difficile de s’en séparer, en cas de difficultés, ou de renégocier des conditions plus avantageuses.
Cette cartographie sert enfin à anticiper les risques de défaillance des fournisseurs. La centralisation des principaux chiffres clés et ratios financiers est utile pour éviter de se retrouver brutalement privé de ressources, par exemple pour assurer la maintenance d’applications critiques, ou de devoir chercher en urgence une nouvelle solution logicielle suite à la faillite d’un éditeur. Rappelons qu’en 2016, en France, selon le bilan établi par Altares, 1 418 éditeurs de logiciels et prestataires de services ont fait l’objet de procédures de sauvegardes, de redressements ou de liquidations judiciaires (ces dernières représentant 75 % du total).
3. Professionnaliser la négociation. Cette phase est très consommatrice de temps, si l’on additionne celui passé pour traiter les appels d’offres, s’entendre sur les conditions commerciales ou intégrer des évolutions dans les projets. On observe que, souvent, la relation est déséquilibrée au profit des fournisseurs, dont certains, en bons vendeurs, maîtrisent parfaitement toutes les techniques pour conquérir de nouveaux clients.
Même si, au départ de la relation, les conditions de la négociation ont été équilibrées, rien ne garantit que cet équilibre perdure, surtout si le fournisseur est devenu trop puissant et qu’il n’est pas repéré comme tel par une cartographie rigoureuse. Il existe des techniques et des formations utiles pour comprendre comment fonctionne une négociation et comment mettre les meilleures chances de son côté face à un fournisseur plus ou moins coriace…
4. Élaborer ou affiner les critères de choix et de scoring. La cartographie n’est pas suffisante pour évaluer les fournisseurs. Il est utile de pouvoir juger de leurs performances opérationnelles, à deux niveaux : en amont, avec des critères pertinents de choix de solutions ou de consultants et, au quotidien, lorsque les projets sont menés ou les solutions logicielles installées.
Les critères de choix des fournisseurs recouvrent plusieurs dimensions : technologiques bien sûr, mais aussi liées à la réputation, à la solidité financière, aux références clients et aux conditions commerciales, certains fournisseurs étant plus souples que d’autres. Pour sa part, le scoring de fournisseur s’appuie sur une grille simple qui permet les comparaisons dans le temps et entre fournisseurs.
5. Sécuriser les aspects juridiques et contractuels. L’activité des avocats et juristes spécialisés dans le droit des technologies de l’information reste florissante, tant la complexité et le flou, souvent entretenus par les fournisseurs, sont la règle. Pour un DSI, les aspects contractuels sont toujours ennuyeux, mais hélas cruciaux, car c’est dans ce domaine que se nichent tous les pièges, notamment sur les responsabilités, les périmètres couverts et la facturation. D’où la nécessité de procéder à un examen des contrats existants, avec l’aide d’experts du droit. L’objectif est d’identifier les risques (classés selon leur criticité) de manière à renégocier certaines clauses ou, si cela n’est pas possible, prendre les mesures pour réduire l’exposition au risque.
6. Se préparer à gérer les conflits. L’actualité le montre régulièrement, avec les litiges concernant les audits logiciels, les partages de responsabilités entre les fournisseurs et leurs clients en cas d’échec d’un projet, ou les compétences, les conflits sont récurrents. Dans ce domaine, la prévention est essentielle, elle permet de limiter les dégâts, souvent financiers, et, surtout, d’éviter que la situation ne dégénère. Ce n’est certes pas bon pour l’image des fournisseurs, mais cela ne l’est pas non plus pour le DSI, qui sera toujours accusé, à tort ou à raison, de ne pas avoir su anticiper le pire.
Les six chantiers prioritaires de la relation avec les fournisseurs | |
Domaines à privilégier | Pourquoi ? |
Redéfinir la stratégie | Aligner les pratiques avec la stratégie SI et métiers |
Cartographier le portefeuille de fournisseurs | Rationaliser le portefeuille de fournisseurs |
Professionnaliser la négociation | Obtenir de meilleures conditions commerciales |
Élaborer ou affiner les critères de choix et de scoring | Évaluer la performance des fournisseurs |
Sécuriser les aspects juridiques et contractuels | Sécuriser les projets et éviter des surcoûts |
Se préparer à gérer les conflits | Rééquilibrer la relation fournisseurs |
Source : Digitalonomics. |