Les stratégies des prestataires de services pour gagner plus

Même sur un marché en croissance, les sociétés de services et les cabinets de conseil veulent gagner plus. Ils utilisent plusieurs leviers qu’il faut connaître… pour mieux en profiter !

Le marché des logiciels et services, vu des fournisseurs, se porte plutôt bien. Selon Syntec numérique, la croissance des marchés du conseil et des services a atteint, en 2016, 2,8 % pour le conseil en technologies et 2,5 % pour les services (2,8 % si l’on inclut les éditeurs de logiciels).

En novembre dernier, Syntec numérique avait même revu à la hausse ses prévisions pour 2017, avec 3,2 % pour le conseil en technologies et 2,6 % pour les services : « Le rythme d’activité est positif et s’accélère pour 42 % des entreprises du secteur : le nombre d’appels d’offres augmente pour 42 % des acteurs, les carnets de commandes sont en progression pour 50 %. Les dépenses informatiques des DSI ne faiblissent pas depuis le 3ème trimestre 2013 », note l’organisation professionnelle

Plus de facturation et plus de projets rentables

Mais, pour profiter de cette conjoncture plutôt favorable, les sociétés de services doivent être capables d’en saisir toutes les opportunités. Pour mesurer la bonne santé de leurs activités et l’améliorer en permanence, elles utilisent principalement trois ratios (1), que l’on retrouve dans les objectifs formulés aux managers des équipes de consultants :

  • Dépasser un taux moyen de facturation des ressources de 77 %, la moyenne étant plutôt vers 70 %, selon SPI Resarch (2). Cela suppose de disposer de capacités de prévision et de planification de l’activité à court ou moyen terme. Les sociétés de services doivent conserver un niveau satisfaisant de facturation pour éviter l’effet de ciseau qui concerne de nombreuses structures de petite ou moyenne taille : ce phénomène se produit lorsqu’une activité en croissance nécessite des recrutements de consultants, de développeurs et d’ingénieurs et qu’à un moment donné se manifeste une panne de croissance ou des difficultés de trésorerie. Résultat : les coûts fixes ne diminuent pas alors que le chiffre d’affaires recule. Le maintien d’un taux de facturation minimum est donc la condition indispensable à la survie d’une structure de conseil ou d’intégration.
  • Atteindre un résultat opérationnel supérieur à 20 %, ce qui implique un contrôle des coûts (surtout les coûts de structure) et une maîtrise des dérapages éventuels, en cas de difficultés chez un client. En évitant de tomber dans le piège de contrats au forfait dont la charge, pour la société de services, a été mal estimée et qui aboutit, au final, à un abaissement du taux journalier moyen de facturation.
  • Maintenir les coûts des ressources non facturables en dessous des 15 %, la moyenne étant plutôt de 20 %. Cela suppose un bon dosage entre les couches de management, dont certaines ne sont pas directement facturables, les services de back office et les frais généraux.

Anticiper les tactiques des prestataires

Ces trois éléments de pilotage d’un prestataire de services ont des conséquences pour leurs clients. Si on laisse de côté l’organisation interne des sociétés de services, qui peut être optimisée côtés processus, gestion financière ou humaine, elles peuvent être tentées de faire porter l’optimisation sur leurs clients.

Comment ? D’abord, pour augmenter le taux moyen de facturation, ou de jours facturés, les prestataires vont tenter d’augmenter leur taux de succès aux appels d’offres. Selon le benchmark de SPI Research, sur les cinq dernières années, le ratio de transformation des opportunités, c’est-à-dire le nombre d’opportunités gagnées comparé au nombre d’opportunités émises, était orienté à la baisse et a diminué de 6 % en moyenne.

L’idéal, bien sûr, reste de ne pas trop sacrifier les prix de journée. Mais, si l’objectif est d’occuper le maximum de ressources, une approche de type « sièges d’avions » peut s’avérer pertinente : qu’un avion parte rempli de passagers ou à moitié seulement, le coût du vol est le même, autant brader les sièges disponibles pour augmenter le taux de remplissage. Un prestataire de services peut agir de même selon le principe qu’un consultant, qu’il soit inoccupé ou « vendu » à un prix de journée en dessous du marché, coûte le même prix à son employeur.

Ainsi, selon SPI Research, le coût d’un consultant qui serait en-dessous de son objectif de facturation à 77 % reste quasiment le même que s’il était à 90 %, à la différence près des rémunérations variables selon le taux d’activité. Les prestataires de services peuvent également jouer sur le portefeuille de compétences proposées aux clients, en privilégiant les expertises les plus rares, donc, a priori, les plus chères. Cette approche se heurte toutefois à la réalité du marché du travail des plus qualifiés et aux difficultés à les recruter.

Ensuite, pour accroître le résultat opérationnel, il faut augmenter la rentabilité des projets. Pour cela, trois pistes sont possibles : la première consiste à privilégier les projets les plus lucratifs, en éliminant, par exemple, ceux pour lesquels les DSI et les métiers ne savent pas très bien ce qu’ils veulent.

Deuxième piste : les prestataires peuvent être tentés d’augmenter leurs prix, même si c’est risqué face à la concurrence. Troisième voie possible : faire réaliser les projets avec des consultants moins expérimentés, donc moins chers, par rapport à ceux qui étaient prévus. C’est un grand classique que l’on retrouve dans de nombreux domaines (la communication, le marketing…).

Un contre-pouvoir pour négocier les prix de journée

Enfin, pour maintenir l’équilibre entre les ressources facturables et celles qui ne le sont pas, les prestataires peuvent : soit multiplier le nombre de consultants, ce qui réduira mécaniquement le poids des collaborateurs non facturables, soit réduire le taux d’intercontrat, période pendant laquelle un consultant n’est pas chez le client.

Certes, il peut mettre à profit ce temps mort pour se former, mais c’est beaucoup moins productif, à court terme, pour son employeur. Si les stratégies et les tactiques des prestataires de services induisent des inconvénients pour leurs clients, elles présentent également quelques avantages. Pour un DSI, consacrer le temps nécessaire à étudier la stratégie de ses prestataires de services peut se révéler très profitable, par exemple pour obtenir de meilleures conditions tarifaires ou un « surclassement » de consultants…

Cela suppose, bien sûr, un niveau minimum de maturité dans la relation avec les prestataires : si ceux-ci ont, en face d’eux, des DSI très aguerris, qui savent où sont les risques et qui ont parfaitement compris la stratégie financière de leurs prestataires, ces derniers seront prêts à nouer des compromis sur un modèle « gagnant-gagnant ».

Prix moyen de journée : combien faut-il payer les prestataires ?
Années d’expérience 0 à 3 ans 3 à 5 ans 5 à 8 ans Plus de 8 ans
Consultant ERP 400 480 520 610
Consultant fonctionnel 450 500 600 690
Consultant BI 480 520 600 650
Responsable BI NS 550 680 720
Chef de projet MOA 400 480 550 620
Consultant en SI 480 460 520 560
Montants en euros par jour. Source : Étude de rémunération nationale 2017, Hays.

 

Les stratégies possibles
Stratégie du prestataire Indicateurs clés Tactiques du prestataire Actions du prestataire Tactiques pour éviter les inconvénients
Augmenter le taux moyen de facturation des ressources Prix moyen de journée par consultant, nombre moyen de jours facturés par consultant
  1. Gagner davantage d’appels d’offres
  2. Anticiper les creux de chiffre d’affaires
  • Proposer des prix très agressifs par rapport aux concurrents
  • Étendre le périmètre d’action chez les clients existants
  • Renforcer la dépendance (technolo­gique, fonctionnelle, personnelle…) du client
  • Influencer les métiers et la DG
  • Identifier tous les dysfonction­nements dans une organisation pour vendre plus de missions et de jours/hommes
  • Identifier les risques de dépendance et les maîtriser en amont
  • Se méfier du dumping et des prix d’appel trop bas
  • Conserver un contrôle étroit sur la gestion des projets
  • Communiquer régulièrement avec les métiers
Augmenter le résultat opérationnel Marge brute par projet
  • Privilégier les projets les plus rentables
  • Augmenter le nombre de jours facturés
  • Augmenter les prix
  • Augmenter la durée des projets
  • Inciter à compléter les projets existants
  • Revendre à un client de l’expertise et des livrables payés par d’autres clients
  • Diminuer la quantité et la qualité des livrables qui demandent plus de temps à concevoir de la part des consultants
  • Vérifier la cohérence et la justification des changements de périmètre des projets
  • Identifier la « remballe » d’idées et de slides
  • Benchmarquer les prix de journée
Diminuer le coût des ressources non factu­rables Coûts salariaux complets des ressources non facturables et coûts de structure/CA total
  • Augmenter la proportion de consultants juniors
  • Réduire le taux d’inter­contrat
  • Entretenir la confusion dans le statut des collaborateurs (sous-traitance, juniors…)
  • Démarcher les métiers pour placer davantage de consultants
  • Vérifier l’expertise des consultants par rapport à leur facturation
  • Disposer d’une visibilité sur les projets des métiers
  • Négocier de meilleures conditions tarifaires pour faire appel à des consultants en intercontrat
Source : Digitalonomics.

 


(1) Ces ratios et les critères de performance sont bien expliqués dans un livre blanc publié par Unit4 et le cabinet SPI Research : Quels sont les cinq piliers de la rentabilité des sociétés de services ?
(2) SPI Research 2016 maturity benchmark report.
www.spiresearch.com