Best Practices a organisé, fin 2016, un dîner sur le positionnement du DSI face à son comité de direction. Une dizaine de DSI ont partagé leurs expériences et leurs bonnes pratiques. Dans leurs relations avec le comité de direction, les DSI sont confrontés à plusieurs questions :
Quelles sont les attentes réelles des directions générales et des métiers ? Quel est le meilleur positionnement ? Quels sujets faut-il mettre en avant ? Quels sont les principaux avantages et inconvénients de participer au comité de direction ? Quelles sont les erreurs à éviter ? Ces questions ont été abordées lors d’un dîner organisé par Best Practices, en partenariat avec Ecosystem Consulting, et qui a réuni une dizaine de DSI. Ces derniers ont partagé leurs retours d’expériences et leurs recommandations.
1. Les attentes du Codir
Historiquement, il y a toujours eu un fossé culturel entre les DSI et le comité de direction. Les premiers étant cantonnés dans une posture technique par rapport aux métiers, beaucoup plus en prise avec le business. Certes, les relations évoluent et l’on trouve de plus de plus de DSI qui participent, de façon régulière ou ponctuelle, aux comités de direction.
« La DSI a une dimension complexe (technique, stratégique), elle est omniprésente pour les métiers, chez les clients et les fournisseurs, on nous attend donc sur des problématiques telles que l’expérience client, la simplification des processus et la création de valeur », témoigne le DSI d’un groupe agroalimentaire, qui a intégré le comité de direction à l’occasion de sa prise de poste correspondant à une transformation de l’entreprise et à une expansion à l’international, avec, côté SI, des exigences d’agilité et d’accélération.
C’est évidemment plus facile lorsque la direction générale a une sensibilité numérique prononcée. « Mon patron est un ancien DSI, très technophile, la DSI est donc très autonome », se félicite le DSI d’un groupe du secteur de l’énergie. « Dans notre organisation, la DSI est autonome, j’ai une paix royale ! », clame le DSI d’un groupe immobilier.
2. Le positionnement : faut-il faire partie du Codir ?
En être ou pas ? Cette question de la participation des DSI aux comités de direction n’en est peut-être pas une. Tout dépend du contexte : entre un DSI qui considère le comité de direction comme une contrainte ou un frein, et un autre qui n’en fait pas partie, mais qui dispose d’une certaine autonomie dans sa stratégie et ses décisions, quelle est la situation la plus enviable ?
Les participants au dîner Best Practices penchent plutôt pour une participation au comité de direction. « C’est un élément clé de la reconnaissance du DSI et une richesse d’être au contact de tous les métiers, on dispose ainsi d’une vision à 360° de l’entreprise », assure le DSI d’un groupe agroalimentaire, dont l’intégration au comité de direction a été facilitée par l’arrivée d’un nouveau DG doté, selon lui, « d’un profil international et d’une sensibilité au numérique qui contribue à challenger les métiers ». Résultat, selon ce dernier : « L’IT est en permanence à l’ordre du jour des comités de direction pour les aspects stratégiques et économiques. »
Pour le DSI d’un autre groupe agroalimentaire, qui a intégré le comité de direction à la fin des années 1990, la question ne se pose même pas : « Le DSI est au comité de direction tout simplement parce que les projets systèmes d’information sont stratégiques et qu’il faut en rendre compte à la direction générale et aux métiers. »
Pour un autre participant, DSI d’un groupe de services B2C, « participer au comité de direction permet de faire entendre la voix de la DSI, au même titre que les autres métiers. » Indirectement, ce positionnement rejaillit sur les équipes IT : « Le comité de direction crée un esprit de groupe, tout le monde se connaît et le DSI a une vision sur les choix stratégiques de l’entreprise ; de fait, toute l’équipe IT monte d’un cran en reconnaissance et en visibilité, les collaborateurs de la DSI comprennent pourquoi on met en avant telle ou telle priorité, en lien avec la stratégie », estime le DSI d’un groupe agroalimentaire.
Reste à gérer les relations qui peuvent parfois se révéler compliquées avec les membres du comité de direction, en particulier les DAF. « C’est l’homme de confiance de la direction générale », note le DSI d’un groupe immobilier, et, pour ce DSI d’un groupe international de services, « le rôle de l’IT est d’anticiper, mais quand le DSI reporte au DAF, cela introduit des contraintes. » « Lorsque la DSI mène des projets, cela génère des économies dans toute l’entreprise, mais personne n’en parle ! Le ROI de la DSI, la DG ne veut pas en entendre parler », se désole un autre DSI.
Les comités de direction sont aussi des instances dans lesquelles se révèlent les enjeux de pouvoir entre managers, que les DSI doivent intégrer dans leur propre posture : « Certes, le SI et la DSI sont stratégiques pour l’entreprise, nous souhaitons garder ce pouvoir, mais les autres membres du comité de direction veulent aussi conserver le leur », avertit le DSI d’un groupe industriel international.
3. Les sujets à mettre en exergue
Pour Christian Broches, directeur associé d’Ecosystem Consulting, qui a accompagné l’un des DSI présents, deux éléments sont fondamentaux : « D’une part, créer un vrai climat de confiance avec le DAF, ce qui suppose d’apprendre à travailler ensemble. D’autre part, savoir propager le goût de l’innovation : si le DSI reste dans son univers de référence, cela crée des problèmes de crédibilité. » C’est une question de « transparence et de loyauté avec le DAF », complète le DSI d’une PME du secteur des services.
Avec, d’emblée, deux difficultés : d’une part, une certaine aridité des sujets techniques : « C’est difficile de s’imposer au comité de direction parce que nous parlons de sujets que les métiers ne comprennent pas », nuance le DSI d’un groupe énergétique. D’autre part, le fait que, comme le souligne le DSI d’un groupe de services, « sur les coûts, la DSI est plus contrôlée que les métiers. » Il ne faut donc pas oublier d’aborder les fondamentaux : « La gouvernance et les engagements de services font partie des incontournables », résume le DSI d’un groupe de services.
Pour le DSI d’un groupe agroalimentaire, qui produit régulièrement un tableau de bord avec les faits marquants, trois sujets sont à aborder avec le comité de direction : la technique, l’organisation et les aspects humains. Mais tout est question de dosage entre ces trois éléments : « N’oublions pas que nos dirigeants écoutent BFM et lisent Les Échos, ils sont perméables à certains messages, voire à des idées reçues », rappelle un DSI participant.
Un autre, DSI d’une grande entreprise de services, confirme que « ce qui intéresse le comité de direction, c’est le terrain de l’entreprise, si l’on est dans cette posture, on est écouté. » Logiquement, la sensibilité est plus affirmée pour les problématiques financières et métiers que pour les aspects techniques. « On peut amener des idées au Codir, à condition de ne pas entrer dans les détails de l’exécution opérationnelle, sinon on devient vite discrédité », assure un DSI. Deux leviers ont également été mis en exergue : l’accompagnement des métiers et les usages du numérique.
« Lorsque j’interviens en comité de direction sur les problématiques système d’information, cela passe par les métiers, dans une logique de partenariat, les problématiques IT pures, tout le monde s’en moque », témoigne le DSI d’un groupe industriel. Pour le DSI d’un groupe agroalimentaire, « quand on partage la même vision avec les métiers, on sait où l’on doit se concentrer et on dispose du même niveau d’information. »
Cette posture d’accompagnement des métiers est fondamentale car, jure un DSI, « c’est la réussite des métiers qui fait la réussite de la DSI. » Pour un autre participant, « les DSI ont tellement déployé de solutions que les utilisateurs sont en stress, il faut démystifier l’usage des applications ». Si possible en apportant de nouvelles idées : « Nous avons mis à la disposition des métiers une équipe agile pour chercher des solutions cloud pour leurs besoins spécifiques, cela nous a donné une extraordinaire reconnaissance », explique le DSI d’une entreprise industrielle.
Côté usages du numérique, les DSI ont aussi une carte à jouer : « Dans ce domaine, les entreprises françaises ne sont pas très avancées : soit on accompagne les utilisateurs et les métiers, soit on les laisse sur la touche », résume le DSI d’un groupe agroalimentaire. L’un de ses collègues estime que « les métiers ne sont généralement pas capables de reconfigurer leurs processus, dans un contexte de transformation numérique, nous avons un rôle à jouer. »
Pour un autre participant, DSI dans un groupe industriel, il convient de vraiment s’imposer sur le terrain des usages numériques : « Comment exister dans le flux d’informations sur la transformation numérique alors que cette problématique est au cœur du système d’information ? Je me sens dépositaire du sujet : j’ai vécu la bulle Internet et la DSI passait, à l’époque, pour une équipe de ringards, aujourd’hui, on revit une situation similaire, mais puissance 10, avec les CDO. »
L’un des risques de négliger la proximité des métiers est le contournement, toujours tentant et évidemment encouragé par les fournisseurs : « Les métiers se sentent capables de faire de l’IT sans la DSI », assure la DSI d’un groupe industriel. Comment, dès lors, limiter le risque de voir les métiers systématiquement démarchés par les éditeurs de logiciels ? « Nous avons intégré à la DSI des collaborateurs meilleurs que ceux des métiers, car 80 % de nos problématiques reposent sur la qualité des compétences », affirme le DSI d’un groupe énergétique.
4. Quelques erreurs à éviter
Il n’existe hélas pas de règles qui s’appliquent à toutes les entreprises : « Tout dépend de l’attitude du comité de direction, s’il est dans l’action ou s’il est plutôt en attente d’information », avertit le DSI d’un groupe énergétique. Pour le DSI d’un groupe agroalimentaire, « il est toujours préférable d’être transparent : lorsque nous avons économisé un million d’euros, j’ai détaillé comment nous y sommes parvenus et lorsque l’on dépense, on explique en quoi cela crée de la valeur pour l’entreprise. »
Une précaution utile, surtout pour le DSI d’un groupe de transport, qui prévient : « Il faut basculer le discours d’une connotation « coûts » à celle de « valeur », sinon les DAF nous considèrent au même niveau que les services généraux. » Il faut également manier la critique avec précaution : « Si on affirme que les métiers ne savent pas ce qu’ils veulent, on se fait vite « allumer » », témoigne le DSI d’un groupe de services. « La direction générale ne veut pas entendre les métiers se plaindre de la DSI, les métiers ont le droit d’arriver au comité de direction avec leurs problèmes, nous non ! », confirme le DSI d’un groupe énergétique.
L’une des erreurs que mettent en exergue les DSI participants consiste à externaliser le support, premier niveau de contact entre les utilisateurs et les DSI : « Je n’ai pas externalisé le Help Desk, car c’est notre vitrine commerciale », assure le DSI d’un groupe logistique. Un autre DSI explique qu’il a externalisé le support, parce que son entreprise est implantée dans plusieurs pays, « mais nous conservons en interne les opérations, c’est le cœur de l’exploitation du SI : lorsque l’on perd la main sur l’exécution technologique, le château de cartes s’écroule ! »
Autre règle qui fait l’unanimité : éviter de dire systématiquement non. « Nous sommes vus comme des apporteurs de normes et de contraintes budgétaires, la DSI est, a priori, coupable de toujours dire non, il faut plutôt dire : « Oui, on va regarder… » », conseille le DSI d’un groupe industriel. Un autre participant suggère de « ne jamais dire non et être anxiogène ». Mais comment savoir si l’on est plutôt bon face aux membres du comité de direction ? « C’est simple, affirme un DSI, un projet IT qui a réussi, les utilisateurs en parle, un projet qui a échoué, le DSI se fait engueuler. »
Les DSI au comité de direction : une amélioration
Les DSI sont-ils toujours influents ? La courbe historique, publiée dans le CIO Survey 2016 de KMPG-Harvey Nash, montre l’évolution de l’influence des DSI et de leur participation aux comités de direction. On observe ainsi une progression du nombre de DSI qui participent aux comités de direction, soit environ six sur dix, au niveau mondial. En revanche, côté influence, telle qu’elle est perçue par les DSI, c’est plutôt la stabilité.
On constate un certain alignement entre les deux courbes, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans lorsqu’il y avait beaucoup plus de DSI (sept sur dix) qui se considéraient comme influents dans leurs organisations que de DSI participant aux comités de direction. Logiquement, à mesure que davantage de DSI intègrent leur comité de direction, on aurait dû voir progresser la courbe de l’influence. Avançons trois raisons pour expliquer cette situation : d’abord, le fait d’intégrer les comités de direction a rendu les DSI plus exposés et leurs actions plus transparentes.
D’où, pour les DSI qui n’ont pas su s’adapter, une perte d’influence. Ensuite, le fait qu’en dix ans de plus en plus d’applications sont devenues encore plus stratégiques, en particulier pour la mobilité ou la relation clients. Des domaines où la gestion de projet s’avère souvent délicate. Enfin, en dix ans, est venue s’ajouter la problématique de la transformation numérique, domaine que les métiers préemptent également, ce qui peut contribuer à atténuer le sentiment d’influence des DSI.