Conflits avec les fournisseurs : la médiation plutôt que le procès

Les litiges avec les fournisseurs font partie de la vie quotidienne des DSI. Lorsque les différents sont sérieux, le procès représente le plus souvent la pire des solutions. Il est préférable de privilégier des approches d’arbitrage et de médiation, en partant du principe qu’un accord négocié est toujours préférable à un procès dont l’issue reste incertaine.

Selon le Standish group, qui publie chaque année ses statistiques sur la réussite et l’échec des projets IT, 29 % de ceux-ci sont considérés comme des succès, mais seulement 16% aboutissent dans les budgets et les délais prévus. Plus de 50 % se terminent avec un retard important, un fort dépassement budgétaire et souvent un périmètre fonctionnel restreint par rapport aux objectifs initiaux. Enfin, environ 20 % des projets sont des échecs et sont abandonnés avant leur achèvement.

Dans 84 % des cas, cela entraîne donc des pertes financières importantes pour le client et souvent pour l’intégrateur, lorsqu’il travaille au forfait ; ce qui génère un litige entre le client et son intégrateur. Ce scénario classique n’est pas la seule source de conflit.

Dans le domaine des systèmes d’information, les causes de litiges sont nombreuses entre les différentes parties prenantes : DSI, intégrateurs, éditeurs, hébergeurs, fournisseurs de réseaux et de services divers. Chacun a sa logique, pense bien souvent avoir raison et estime que la responsabilité de l’échec incombe à d’autres.

Heureusement, dans la plupart des cas, les protagonistes entretiennent de bonnes relations et recherchent un accord amiable, car c’est leur intérêt. Cependant, lorsque les montants en jeu sont élevés, il est fréquent que le client assigne l’éditeur ou l’intégrateur en justice. Or, une procédure judiciaire présente plusieurs inconvénients majeurs :

  • La durée : elle peut s’étaler sur plusieurs années, en fonction de l’expertise judiciaire, du planning du procès, des recours possibles…
  • Le coût : il peut être très élevé (honoraires d’avocats, frais d’expertise, temps consacré aux procédures…).
  • La complexité : lorsque l’éditeur est étranger, par exemple, et que le droit d’un autre pays est susceptible de s’appliquer.
  • Le caractère public : les éditeurs et les intégrateurs subissent une contre-publicité, mais également le client (et le DSI concerné) s’il s’avère, à l’issue du jugement, qu’une part de responsabilité lui incombe.
  • L’issue aléatoire : aucune partie n’est jamais assurée de gagner un procès, surtout lorsque le juge n’a aucune connaissance des pratiques et des usages en informatique.
  • Le caractère destructif des relations : après de longs mois de critiques et de disputes publiques, il est difficile pour les équipes clients et prestataires de continuer à travailler ensemble.

Pour toutes ces raisons, un procès est toujours la pire des solutions.

Des solutions alternatives : l’arbitrage et la médiation

Différentes solutions alternatives au procès existent pour régler les litiges, dont les principales sont l’arbitrage et la médiation.

L’arbitrage diffère du procès par plusieurs caractéristiques :

  • Il est confidentiel.
  • Le juge, ou arbitre, est choisi par les parties, ce qui permet de privilégier ceux ayant une bonne connaissance des usages et des pratiques du domaine informatique.
  • Les parties peuvent choisir le droit applicable, la durée de la procédure, le lieu de l’arbitrage…
  • La décision, ou sentence, peut être rendue en droit (en application des textes) ou en amiable composition (les arbitres peuvent s’affranchir des textes et rendre une décision qui soit juste et prise dans l’intérêt commun des parties).

L’arbitrage est donc une procédure sur mesure, qui permet aux parties d’adapter le procès à leurs besoins. La solution reste cependant imposée aux parties par le rendu d’une sentence qui fera un gagnant et un perdant et qui aura les mêmes effets que le procès sur la destruction de toute relation commerciale entre les parties.

La médiation ou l’art du compromis

La médiation est un mode amiable et confidentiel de règlement des conflits, par lequel un tiers indépendant, impartial et formé à la médiation, aide les parties à trouver elles-mêmes une solution négociée satisfaisante pour chacune d’elles. La médiation est une solution confidentielle, rapide et économique pour régler un conflit, mais son principal intérêt est le rapprochement des parties.

L’art du médiateur est d’aider les parties à se comprendre mutuellement et à se rapprocher pour trouver une solution de compromis, acceptable par tous, dans un esprit gagnant-gagnant. Ce consensus est particulièrement intéressant lorsque les acteurs du conflit doivent continuer à travailler ensemble durant plusieurs années, puisque le système, cause du litige, est en place.

Statistiquement, la médiation réussit dans 70 % des cas. En cas d’échec, les parties restent libres de poursuivre le conflit par une voie judiciaire ou arbitrale si elles le souhaitent. Concrètement, la médiation se déroule en deux ou trois réunions (soit une quinzaine d’heures au total), selon une procédure assez informelle et juridiquement non contradictoire, c’est-à-dire que le médiateur peut s’entretenir librement individuellement avec les parties et leurs avocats.

La médiation aboutit à un accord transactionnel, rédigé par les avocats et signé par les parties. Si elles le souhaitent, les parties peuvent faire homologuer l’accord transactionnel par un juge, pour lui donner une force exécutoire identique à celle d’un jugement.

Prévoir une clause de médiation dans les contrats

L’efficacité de la médiation pour résoudre les conflits n’est plus à prouver, mais beaucoup d’entreprises ignorent ce processus et, en cas de conflit, déclenchent directement une procédure judiciaire. Afin d’éviter une telle situation, il est recommandé d’inclure dans tous les contrats une clause de médiation, prévoyant que les parties conviennent de tenter une médiation auprès d’un organisme désigné, préalablement à toute action judiciaire.

L’organisme de médiation doit être désigné dans le contrat, mais la fonction de médiateur n’est pas réglementée : tous les organismes de médiation ne présentent pas les garanties de sérieux nécessaires. En général, on recommande de désigner le CMAP, Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris, créé par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, qui a déjà 20 ans d’expérience auprès des entreprises.

Les méthodes classiques de résolution des litiges
 Le procès  L’arbitrage  La médiation
 Durée moyenne  2 à 3 ans  6 à 12 mois  2 à 3 mois
 Coût pour chaque partie  100 à 200 K € 50 à 200 K €  3 à 4 K €
 Solution  Jugement imposé
par le juge
 Jugement imposé
par l’arbitre
 Accord transactionnel négocié
 Discrétion Public Confidentiel  Confidentiel
Procédure   Procédure judiciaire contraignante et contradictoire Procédure judiciaire
contradictoire sur mesure
 Procédure informelle
non contradictoire
 Impact sur les équipes  Division  Division  Rapprochement

Cet article a été écrit par Pascal de La Faye, conseil en stratégie et gouvernance des systèmes d’information et médiateur agréé CMAP. www.delafaye.eu


Une approche en cinq étapes

Pour rapprocher les personnes en conflit et afin que la médiation aboutisse, le médiateur doit appliquer des techniques précises, notamment ordonner les débats en respectant cinq étapes.

  1. Exposer les faits, comprendre les logiques
    La première étape du processus de médiation consiste à permettre à chaque partie d’exposer sa perception et son ressenti du projet, pendant que l’autre partie fait l’effort de comprendre la logique et le point de vue de celui qui s’exprime. Cette étape est indispensable pour le rapprochement et la compréhension mutuelle des acteurs. Elle permet de faire disparaître du débat les procès d’intention, les incompréhensions et les non-dits.
  2. Aller à l’essentiel
    Lorsqu’une certaine confiance est rétablie entre le client et ses prestataires, la seconde étape a pour objectif de simplifier le conflit, en écartant tout ce qui n’est pas essentiel, pour aboutir à une formalisation simple du problème à résoudre. On parvient à un « accord sur le désaccord » lorsque tous les acteurs présents autour de la table admettent que la société A doit verser tel montant à la société B ou que telle partie est propriétaire des logiciels spécifiques développés pour le projet.Ce premier succès est la clé du processus de médiation.
  3. Sauvegarder autant que possible les intérêts de chacun
    La troisième étape est utile pour rechercher, au-delà des positions affichées par les parties, quels sont leurs réels besoins et à les faire avancer sur une reconnaissance réciproque de leurs intérêts.
  4. Finaliser la solution amiable
    La quatrième étape consiste à faire preuve de créativité pour trouver une solution amiable respectant les intérêts fondamentaux de chaque partie. Contrairement à un procès, où le juge définit seulement les torts et le montant des dédommagements pour le projet en échec, avec l’approche de médiation, les parties recherchent un accord pouvant prendre en compte des événements futurs. Dans ce cas, elles négocient un nouvel accord pour des projets futurs, leur permettant de compenser les pertes sur le projet en échec.
  5. Formaliser l’accord
    Enfin, la cinquième phase du processus de médiation correspond à la définition et à la formalisation de l’accord dans ses moindres détails.