Selon une enquête réalisée par la Direction du transport aérien (DTA) de la Direction générale de l’aviation civile auprès de passagers aériens sur les aéroports français, la génération Y représente 26 % des voyageurs. Comment les séduire ?
Une équipe de cinq étudiants de Grenoble École de Management a travaillé sur un projet d’application ludique pour Air France KLM.
La génération Y consulte, plus que toute autre, les réseaux sociaux et blogs pour décider de ses vacances, rechercher avant de partir et pendant ses déplacements sur un smartphone, partager ses expériences par des photos, des vidéos et des commentaires. Elle construit et échange : il ne s’agit plus d’une information descendante. En résumé, les « millennials » consomment différemment, les recettes marketing et le concept de fidélisation doivent être repensés pour inclure du sens, susciter de l’engagement et de l’appropriation, satisfaire leur besoin d’immédiateté.
Les programmes de fidélisation ont été historiquement basés sur deux méthodes (un produit offert pour n produits achetés ou une monnaie virtuelle dissociant la récompense de la valeur marchande) jusqu’à ce que la compagnie aérienne American Airlines introduise un Frequent Flyer Programme (FFP) AAdvantage en 1981, suivie par United Airlines (Mileage plus), TWA (Aviator) et Air France (Flying Blue). À l’usage, les compagnies ont constaté que les voyageurs appréciaient davantage le statut privilégié (coupe-file d’attente, surclassement…) que les réductions.
Même si les FFP restent, encore à ce jour, l’un des meilleurs systèmes de gratification, ils ont un impact limité sur la génération Y, qui considère inaccessible le long processus de récompense par le changement de statut (Ivory, Silver, Gold, Platinium). De nos benchmarks, il ressort que la plupart des grands groupes, en général, et du transport aérien en particulier, ont introduit de la gamification (voir tableau). Les informations obtenues lors de nos recherches révèlent que, quel que soit le critère économique retenu, l’impact de la gamification génère un ROI positif pouvant atteindre rapidement trois chiffres (augmentation de la fidélité, meilleure visibilité sur les réseaux sociaux, gain financier).
Un exemple de gamification possible pour Air France KLM
La gamification est l’un des enjeux d’Air France KLM. Dans un environnement fortement concurrentiel (compagnies low cost, compagnies du Golfe, autres solutions de transport), avec une baisse du revenu par passager, le groupe Air France KLM souhaite attirer et fidéliser la génération Y. Attirer la génération Y par le biais de la gamification implique d’identifier les spécificités et le mode de consommation de cette génération, qui bouscule les techniques de marketing actuelles.
Les « millennials » attendent d’un produit qu’il leur facilite la vie et qu’il soit personnalisable pour se l’approprier. Pour Air France KLM, c’est un véritable challenge de transformer cette clientèle en ambassadeurs (fans), puisque cela suppose que l’expérience émotionnelle dépasse leurs attentes. Les programmes de fidélité ont posé les fondements du phénomène de la gamification (points, statut), mais la véritable révolution vient de l’opportunité que présentent les réseaux sociaux. Internet permet de gamifier plus facilement, plus rapidement, et en touchant toujours plus d’individus.
Le groupe Air France KLM doit mettre l’accent sur des campagnes émotionnelles efficaces, qui nécessitent de caractériser le client type, de personnaliser son parcours, de comprendre ses motivations dans l’achat des produits Air France KLM… Cette étude sera le résultat de statistiques calculées sur les données de la base client, suivi d’une analyse de la satisfaction des clients pour identifier ce qu’ils considèrent essentiel ou accessoire et pour déterminer les axes d’amélioration.
Pour intégrer de la gamification sur le site d’Air France KLM, il faut agir sur plusieurs axes (voir encadré page 4), dont certains sont déjà en place grâce au programme Flying Blue et aux campagnes marketing. L’application que nous avons proposé à Air France KLM est une plateforme gamifiée d’engagement, ou on-boarding (« jeu », points, récompenses…), qui s’interface au site existant, parfaitement ergonomique et optimisé.
Pour que l’engagement se transforme en appropriation et fidélisation, il est indispensable de mettre en place les axes de stratégie préconisés (marketing, community management, stratégie, B2C), il faudra poursuivre par l’intégration d’un ChatBot (assistant robotisé, doté d’une intelligence artificielle) dont l’interface est Messenger. Ces robots informatiques sont des logiciels, dotés d’intelligence capable de s’interfacer avec une ou plusieurs applications, afin d’ajouter une fonctionnalité à un service. Avec l’évolution de l’intelligence artificielle et les progrès réalisés par les assistants personnels (Siri, Cortana, Google Nox, Alexa, Messenger), les bots seront bientôt capables de réaliser les moindres requêtes.
Il suffira d’écrire le besoin dans une interface type messagerie ou de l’exprimer à haute voix à son smartphone et le bot prendra le relais sur les actions à effectuer. Le client serait directement accessible depuis le système de messagerie instantanée (option disponible chez KLM). Aujourd’hui, un utilisateur d’application mobile (donc plus souvent un client de la génération Y) est plus réceptif aux messages reçus via Messenger qu’à ceux reçus par mail.
Les clients de la génération Y sont presque deux fois plus nombreux à préférer acheter par une application mobile, que les clients des autres générations. Notre projet étant de susciter l’intérêt de cette génération, nous avons imaginé une maquette de l’IHM de sélection d’achat, en nous basant sur les concepts de la gamification, les constats déduits de la comparaison des sites B2C déjà gamifiés, mais aussi sur les interviews que nous avons effectuées auprès de la génération Y.
L’objectif était de fournir une interface :
- Simple et rapide : limiter les options sur le premier écran, tout en étant intuitif.
- Ludique : éveiller les sens pour susciter l’intérêt.
- Apporter du sens : amener le voyage pendant l’action d’achat.
- Apporter un côté « fun » : apporter le jeu, la surprise.
Le premier écran se base sur un fonctionnement Drag&Drop. Tous les éléments du voyage (lieu, date, voyageurs…) se sélectionnent par un simple déplacement de pictogrammes intuitifs de l’extérieur vers le centre. Le Drag&Drop permet d’éveiller le sens du toucher du client voyageur. La partie centrale où l’on glisse les éléments du voyage est représentée par une valise.
Cette dernière permet d’amener le voyage avant même d’avoir validé la commande. En haut à droite de l’écran se trouve l’image de l’avatar de notre voyageur. Il peut choisir entre son avatars Facebook ou un proposé dans une liste (cette liste d’avatars pourrait, par exemple, s’agrandir sur la base de récompenses/badges gagnés). L’avatar permet de personnaliser le profil de notre voyageur. En bas de l’écran, nous trouvons la planète Terre. Un appui sur cette dernière permet de basculer sur l’écran « FUN ». Sur cet écran la planète tourne. Avec le doigt on peut arrêter la planète et l’application propose alors un voyage (éveil du jeu, de la surprise).
Des pictogrammes autour de la planète permettent de filtrer les résultats fournis par l’application. En les sélectionnant, l’application peut proposer un voyage plus en adéquation avec les recherches du voyageur. La surprise sera moins grande, mais toujours présente, et permettra de ne pas perdre de vue l’action d’achat (qui reste l’objectif de l’application).
(1) Actionable Gamification: Beyond Points, Badges, and Leaderboards, 2015.
Gamification : les exemples des compagnies nord-américaines | |||
Compagnie | Air Canada | American Airlines | Jet Blue |
Programme | Earn your wings (2013) | Passport AAdvantage (2014) | True Blue gamifié (2013) |
Objectifs |
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Techniques de gamification |
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Résultats | Deux campagnes en 2013 :
Campagne 2014 :
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Au terme des deux premiers mois du début du programme : un ROI de 500 % |
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Par Anne Dély, Gilles Guitheaux, David Hénocq, Hakim Houari et Jean-Gabriel Sifi.