Fusions dans l’IT : un jeu à sommes négatives

Le rachat de Yahoo par l’opérateur de télécoms Verizon, annoncé à l’été 2016, pour près de cinq milliards de dollars, illustre un phénomène qui n’a rien à voir avec la technologie : la psychologie des dirigeants d’entreprise, et, de manière indirecte, de leurs actionnaires.

On se rappellera que Yahoo avait refusé une offre de Microsoft à 47 milliards en 2008, avait failli racheter Facebook pour un petit milliard, et sa capitalisation avait même dépassé les cent milliards de dollars. On ne peut croire que les dirigeants de Yahoo ne soient pas intelligents, ils ont été formés dans les meilleures business schools. On ne peut pas croire non plus qu’ils soient mal conseillés, ils ont certainement fait appel aux cabinets de conseil en stratégie les plus prestigieux.

En réalité, le comportement des dirigeants de Yahoo, et de bien d’autres entreprises, ressemble à celui des joueurs. Dans les années 1950, le psychanalyste américain Edmund Bergler avait listé les caractéristiques des joueurs pathologiques, que l’on retrouve chez certains dirigeants d’entreprises, obnubilés par la valorisation de leur entreprise et de son cours de bourse : « il doit jouer régulièrement » (d’où la croissance externe), « le jeu prévaut sur tous les autres intérêts » (la performance financière au lieu de la performance sociétale, par exemple), « il existe chez le joueur un optimisme qui n’est pas entamé par les expériences répétées d’échec » (d’où des discours lénifiants lors de conf calls avec les analystes), « le joueur ne s’arrête jamais tant qu’il gagne » (on appelle aussi cela l’innovation…), « malgré les précautions qu’il s’est initialement promis de prendre, il finit par prendre trop de risques » (avec l’argent des actionnaires) et « il existe chez lui une sensation de frisson, d’excitation, de tension à la fois douloureuse et plaisante durant les phases de jeu », d’où un optimisme répété face aux actionnaires et aux investisseurs.

Souvent, aussi, les joueurs comptent sur les autres (les actionnaires, les capitaux-risqueurs) pour obtenir de l’argent et se sortir de situations financières délicates et croient toujours en leur influence pour faire évoluer le cours des événements. Nous saurons donc maintenant les reconnaître et anticiper la fin de l’histoire.