Comment caractériser une entreprise omni-canal ?

Pour qu’une entreprise soit omnicanal, elle doit avoir développé un parcours client cohérent sur l’ensemble de ses canaux de vente. Le passage d’une structure multicanal à une structure omnicanal nécessite une transformation importante qui peut aller jusqu’à la création d’une entité spécifique au plus haut niveau de l’entreprise.

Pour l’accompagner, la DSI doit également se transformer et devenir Business Partner de cette nouvelle entité. Les choix d’investissements seront effectués ensemble pour respecter les exigences métiers et IT.

Une entreprise omnicanal doit être en capacité de proposer à ses clients une offre adaptée, personnalisée et évolutive, quel que soit le canal de vente ou de distribution. Le principe réside dans la continuité et la cohérence du parcours client d’un canal à l’autre. On parle alors de parcours client seamless (sans couture). Le client peut ainsi initialiser un panier d’achat sur un média (smartphone) et le poursuivre sur un autre (ordinateur, par exemple), voire le transférer à un membre de sa famille, à un groupe ou à une communauté, tout en conservant son historique de recherche et son identifiant.

Le terme omnicanal est également utilisé pour décrire le phénomène d’utilisation simultanée de deux canaux de vente, par exemple un smartphone dans un magasin ou une tablette devant la télévision. Ces démarches impliquent une cohérence des offres et un suivi des parcours client.

La distribution historique : du monocanal au multicanal

Les retailers « historiques », issus le plus souvent du monde du magasin, ont une organisation tournée vers les magasins et les systèmes d’information le sont aussi. L’arrivée de la vente en ligne par le média Internet a amené ces retailers à adjoindre à leur canal de vente historique un ou plusieurs sites marchands. Devenus multicanal, ils ont pu ainsi en tester l’efficacité et entrer en concurrence avec les nouveaux entrants, souvent des pure players organisés avec des modèles logistiques, marketing et SI spécifiques, adaptés et développés en « nouvelles technologies ».

L’augmentation de la puissance et des parts de marché des smartphones, a alors placé les retailers multicanal dans une situation équivoque. En effet, le client a désormais le moyen de vérifier la cohérence entre les différentes offres de ses marques préférées, directement sur les sites et au sein même des magasins. Les clients ont pris l’habitude de tout comparer ! Or, l’organisation et la cohérence des offres et des promotions ne sont pas toujours parfaitement alignées, les structures organisationnelles et les outils SI n’étant généralement ni communs, ni homogènes.

Les sites marchands portent le plus souvent leurs propres outils de gestion client (fidélité, pilotage des offres commerciales et référentiel). L’enseigne se retrouve ainsi, contre son gré, à ne plus être lisible et cohérente face à ses clients. Sans fusion des outils de connaissance clients (multitude de bases clients, différents systèmes de fidélité, etc.), elle n’est pas en mesure de réaliser des offres personnalisées plus efficaces et moins coûteuses que les offres globalisées.

Une entreprise demeurant dans cette position multicanal, tant dans son organisation interne et dans ses processus, que dans ses systèmes d’information, risque de créer un effet inverse de celui recherché par l’adjonction de canaux de vente en ligne : perdre en visibilité et proximité avec ses clients et donc engendrer un risque important sur l’image de la marque.

La mutation vers l’omnicanal

Arrive alors l’heure de la transition permettant de passer du multicanal à l’omnicanal. En termes de systèmes d’information, il s’agit de réorganiser l’ensemble du SI pour passer d’une organisation descendante classique (référentiel, supply chain, magasins et en parallèle les sites m- et e-commerce), à une organisation mettant le client en contact avec un front office cohérent, homogène et global.

Cette organisation doit être efficace et cohérente, quel que soit le canal de commande ou d’achat (magasin, site, mobile, drive…), et disposer de référentiels centraux, uniques et nativement compatibles avec l’ensemble des canaux de ventes. Les SI de production et de distributions doivent devenir, eux aussi, uniques et capables de piloter tous les flux (supply chain, promotion, contact client…).

Les retailers « historiques » vont donc passer par quatre phases successives pour évoluer vers la dernière : monocanal, multicanal, transition progressive par la numérisation et la relation unique client (la transformation) pour, enfin, atteindre l’omnicanal (voir graphique).

Les conditions de réussite : gérer l’obsolescence, muscler les équipes

Les technologies employées au fil de ces étapes n’étant pas les mêmes, les DSI doivent anticiper deux sujets centraux : l’obsolescence et les équipes.

L’obsolescence, serpent de mer de l’informatique, est inéluctable. Il ne sert donc à rien de l’ignorer mais, bien au contraire, de tout faire pour la gérer et la minimiser. Des solutions existent, notamment en déplaçant à l’extérieur de l’entreprise ce qui peut l’être (Saas, Iaas…).

Concernant l’aspect humain, le rôle du DSI est de gérer le renouvellement continu des compétences des équipes (formation, support technique externe…) et d’associer de nouvelles approches, telles que Business Analyst, broker de service de production (Saas, infogérance, production interne, projets transverses, bus d’échange ou SOA), sans oublier d’associer les métiers, afin d’offrir de nouvelles solutions et de trouver le bon moyen de répondre à leurs besoins en prenant en compte les exigences IT. Pour devenir broker de service de production, la DSI doit réintégrer certaines fonctions « régaliennes » : pilotage réseau, maîtrise du plan de production, gestion des applications, etc., sous peine de ne plus garantir la maîtrise du run du SI.

Sans prise en compte de ces prérequis, les coûts d’exploitation ne cesseraient de croître et la DSI ne serait plus au service de la valeur ajoutée de l’entreprise. De plus, l’entreprise prendrait des risques opérationnels sur la maintenance de certaines applications importantes et la DSI, au fil du temps, de plus en plus tournée vers ses systèmes et non vers les métiers et les clients, la condamnant au rôle de fournisseur interne.

Pour réussir, l’entreprise doit opérer des évolutions plaçant le client au centre de sa stratégie. Ainsi, des fonctions de responsable Client apparaissent au plus haut niveau de certaines organisations. Elles ont pour mission d’assurer la cohérence des messages, des offres, des promotions, de la personnalisation des relations, etc. Le DSI devient alors son Business Partner afin d’opérer la transformation IT et d’optimiser les investissements, tout en maintenant les coûts d’exploitation dans des enveloppes maîtrisées.

Pour cela, la gestion de l’obsolescence, la standardisation (de ce qui peut l’être) et le transfert en Saas ou Iaas (a minima) permettront à la DSI de se focaliser sur des projets souvent transverses et complexes, mais à forte valeur ajoutée, ayant pour objectif final la transformation du parcours client.

Ainsi, la DSI n’a plus de « clients internes », elle n’est pas un « fournisseur », mais participe, comme tous les autres métiers, à l’optimisation des ventes et des marges.

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Cet article a été écrit par François Messager, fondateur de o²PE Conseil. Il a été DSI dans la grande distribution, la distribution spécialisée, le e-commerce et la supply chain.