C’est vrai que le mot « digital » n’est pas un terme toujours très heureux, on peut lui préférer le terme « numérique ». Le titre de cet ouvrage fait penser, au premier abord, à une épidémie dont nous serions victimes : « Tous digitalisés » comme « tous contaminés », voire « tous exterminés ».
L’auteur, Manuel Diaz, président de eMakina en France, n’est pas loin de penser que c’est le cas : « Qu’on le veuille ou non, qu’on en soit conscients ou non, à des degrés différents selon les individus, nous avons tous été exposés au gène de la transformation digitale et personne ne peut prétendre vivre dans un abri anti-digital et se penser extérieur à ce qui est train de se dérouler sous nos yeux. »
Pour l’auteur, les piliers de notre vie de demain ne seront pas les ordinateurs ou les réseaux, mais les usages que l’on en fait : les données, la mobilité, le social et le cloud. « Si chacun de ces piliers en lui seul est porteur de promesses et de changements, il est illusoire de les penser indépendamment », ajoute Manuel Diaz.
Dans sa préface, Sébastien Bazin, P-DG d’AccorHotels, confirme que « le digital nous oblige à sortir de notre zone de confort, car on ne peut pas traiter le sujet en faisant un simple copier/coller des bonnes pratiques observées ailleurs ou chez les concurrents. » D’autant qu’il y a, pour la plupart des entreprises, urgence à se transformer : « L’espérance de vie des entreprises du « Fortune 500 » est passée, en cinquante ans, de 75 à seulement 15 ans », rappelle l’auteur.
Des changements majeurs dans la vie quotidienne
Manuel Diaz passe en revue les domaines dans lesquels le numérique va changer notre vie quotidienne : la santé, les transports et la ville, la consommation, les loisirs, le travail, la création d’entreprise et l’apprentissage des connaissances. Dans le domaine de la santé, Google peut d’ores et déjà prédire les risques d’épidémies et de maladies graves en s’appuyant sur les requêtes des internautes.
Le numérique aura un rôle majeur dans la prévention, en particulier parce que l’on pourra mieux se connaître (l’industrie de well-being est en plein essor), donc mieux se soigner, grâce aux objets connectés, parce que l’accumulation de connaissances permettra de corréler d’énormes volumes de données. On peut donc s’attendre à une amélioration de la qualité des soins, une meilleure gestion de l’assurance-maladie, voire la fin des erreurs médicales. Sans pour autant que la médecine soit déshumanisée. « Rien n’est issu d’une vision futuriste qu’un gourou illuminé aurait d’un monde soi-disant meilleur, tout est déjà notre présent, c’est déjà une réalité », affirme l’auteur.
Pour les transports et la ville, quatre atouts du numérique sont mis en avant : la simplification des trajets (avec la géolocalisation), le transport sur-mesure, la personnalisation (marketing de l’attention) et la sécurité, avec les véhicules sans chauffeur.
La consommation, tout comme les loisirs, seront « sur-mesure et responsables pour le client digital », résume l’auteur, qui entrevoir la fin de la propriété : « L’homme digital a parfaitement compris que posséder est un luxe souvent inutile », avec le développement des logiques d’usage : « Consommer à l’ère du digital, c’est donc optimiser l’usage d’un bien, le partager et finalement ne payer que la valeur du service rendu. » La publicité va donc devoir s’adapter pour « recréer du lien entre marques et clients. »
Annihiler les biais de la prise de décision
Le travail a déjà commencé sa restructuration, même si le numérique n’a pas encore donné tout son potentiel : « Ce n’est pas tant le collaborateur qui souffre d’un déficit d’ADN digital que l’organisation qui empêche cet ADN de s’exprimer au travers d’un certain nombre de garde-fous », note Manuel Diaz. Pourtant, même s’ils restent encore minoritaires, « les exemples d’entreprises qui ont réinventé les modèles hiérarchiques sont nombreux », assure l’auteur.
Deux tendances sont mises en exergue. D’une part, on passe progressivement, avec le numérique, de l’engagement à l’expérience employé : celle-ci consiste « à rendre simple des activités qui étaient douloureuses, pénibles et chronophages : de la réservation d’une salle de réunion à la recherche d’informations, en passant par un management qui doit aider à accomplir les tâches et non les ralentir et les compliquer », explique Manuel Diaz.
D’autre part, le numérique va pousser de nouveaux acteurs dans le processus de décision, la création d’entreprise, remettant en cause le principe selon lequel « malgré tous les dispositifs, tous les process et le recours incessant à un reporting lourd et fastidieux, 80 % des décisions sont prises sur le seul fondement de l’intuition de la personne la plus haut placée autour de la table.
Peu importe sa connaissance réelle des conséquences sur le terrain. » Une machine peut aider, en analysant toute l’information disponible, pour proposer des scénarios en fonction du degré de certitude évalué. Cette évolution sera renforcée par de nouvelles manières d’apprendre et de créer des entreprises.
« L’apprentissage devient une activité permanente (parce que les connaissances se périment rapidement), expérientielle (pour assimiler les connaissances), immersive (apprendre et faire sont indissociables), sociale (par l’échange) », liste l’auteur.
Tous digitalisés, et si votre futur avait commencé sans vous ? par Manuel Diaz, Dunod, 2015, 171 pages.