Comment gérer les contenus d’entreprise avec l’ECM

La prolifération des contenus, structurés ou non structurés, justifie une approche ECM (Enterprise Content Management). Elle permet notamment de mieux les partager, de réduire les risques réglementaires et de sécuriser les accès.

Mais un projet ECM nécessite de relever plusieurs challenges : la gestion de la complexité, l’hébergement des contenus ou la reprise de l’existant. Bons de commandes, factures, contrats, prescriptions médicales, fiches produits, catalogues, spécifications, dossiers techniques ou réglementaires, constats, appels d’offres, rapports divers…

La plupart des activités économiques s’appuient sur des documents, à un stade ou à un autre. Aujourd’hui, avec la montée en complexité des processus, cette liste ne cesse de s’allonger et les entreprises voient leur volume de documents s’accroître avec le temps. A cela s’ajoute l’expansion plus récente des contenus Web et multimédia.

Conséquence : les entreprises éprouvent de plus en plus de difficultés pour conserver, retrouver ou partager efficacement documents et contenus divers, ce qui se traduit, en termes opérationnels, par des pertes de temps et de productivité parfois considérables.

Les résultats du baromètre ECM 2015 réalisé par Best Practices le montrent (lire pages 6 et 7, dans ce numéro) : pour quatre entreprises sur dix, les volumes augmentent beaucoup trop vite par rapport à leur capacité à les contrôler et, pour trois entreprises sur dix, cette perte de contrôle potentielle constitue un risque.

Les contenus en format papier, ainsi que ceux issus du Web, des blogs et des réseaux sociaux, sont les plus difficiles à maîtriser, contrairement aux contenus issus des applications métiers ou des ERP. De même, dans six entreprises sur dix, il n’existe pas de vue unifiée des différents types de contenus, dans une sur deux le coût de la gestion des contenus n’est pas mesuré et les utilisateurs sont responsables de la conservation de leurs contenus. Sur une échelle de 1 à 6, la maturité des entreprises est plutôt faible : six entreprises sur dix ne dépassent pas le niveau 3.

L’objectif des solutions de gestion des contenus d’entreprise ou Enterprise Content Management (ECM) est précisément de remettre un peu d’ordre en évitant la dispersion des contenus. Et ce besoin est bien présent dans le monde professionnel : en effet, selon une prévision du cabinet MarketsandMarkets, le marché mondial de l’ECM devrait croître de 12,7% entre 2014 et 2019, passant de 6,78 milliards de dollars à 12,32 milliards au niveau mondial.

1. Présentation de la Best Practice

Dès les débuts de l’informatique, des acteurs ont identifié les enjeux liés à la gestion de l’information, avec, d’un côté, les problématiques liées à la gestion de la donnée (des informations structurées, dont le traitement peut facilement être automatisé) et, de l’autre, celles liées à la gestion de contenus (des informations peu ou pas structurées, associées à de multiples formats, plus complexes à traiter).

Lorsque les premières solutions permettant de traiter des contenus sont apparues, celles-ci étaient plutôt associées à des usages documentaires, centrés sur la classification des contenus (bases bibliographiques notamment). Au fur et à mesure, leurs fonctionnalités se sont étendues pour gérer différents types de documents, correspondant aux formats bureautiques courants (PDF, Office…), et les processus associés. Ces solutions ont été désignées comme des solutions de Gestion Électronique de Documents (GED).

Depuis une dizaine d’années, le développement d’Internet a fait émerger de nouveaux besoins autour de la gestion de contenus : les contenus, peu ou pas structurés, se multiplient et sont plus dispersés que jamais entre les boîtes mail, les blogs, les réseaux sociaux et les multiples sites, suscitant de nouvelles attentes en matière de partage et de collaboration.

Dans le même temps, certaines constantes subsistent : il faut toujours pouvoir centraliser, regrouper, classifier, tracer et retrouver les informations produites et/ou utilisées dans l’entreprise. Les solutions capables d’assurer à la fois la gestion de documents « classiques » et celle de contenus plus dispersés constituent aujourd’hui une nouvelle catégorie, dénommée gestion des contenus d’entreprise, ou Enterprise Content Management (ECM).

2. Regard critique

L’ECM est un marché assez mature, qui a connu une vague importante de consolidation dans la décennie 2000-2010. Aujourd’hui, ce marché comporte un certain nombre de solutions généralistes, qui couvrent la plupart des fonctionnalités.

De par leur richesse fonctionnelle, ces solutions s’apparentent à des « couteaux suisses » de la gestion des contenus. Les avantages d’un projet d’ECM bien mené sont nombreux :

  • respect des obligations de conformité,
  • sécurité renforcée pour les documents sensibles,
  • meilleure protection de la propriété intellectuelle,
  • traçabilité de bout en bout des contenus produits dans l’entreprise,
  • maîtrise accrue des coûts liés au stockage et à la gestion de l’information,
  • délais d’accès à l’information réduits et hausse de la productivité.

Néanmoins, le corollaire de cette richesse fonctionnelle est une certaine complexité, face à laquelle les entreprises peuvent éprouver des difficultés à s’y retrouver. Si les organisations n’ont pas correctement ciblé leurs besoins en matière de gestion des contenus, le risque est de déployer une usine à gaz, que les utilisateurs seront rapidement tentés de contourner au profit de services plus simples à prendre en main. L’entreprise perd alors l’un des bénéfices majeurs de l’ECM, lié à la centralisation des contenus.

Un autre écueil auquel peuvent se heurter les projets d’ECM concerne la reprise des contenus existants. Si l’intégration des nouveaux contenus est relativement aisée à mettre en place, la reprise est souvent sous-estimée.

Or, celle-ci peut nécessiter un temps et un travail significatif, notamment lorsque les volumes de documents à reprendre sont importants, si ceux-ci se présentent sous la forme de documents papier (auquel cas il faut prévoir leur numérisation) ou s’ils utilisent des formats obsolètes ou non supportés par la solution (il faut, dans ce cas, gérer leur conversion).

Enfin, la question de l’hébergement des données peut se poser face aux solutions proposées en mode cloud. De plus en plus de fournisseurs proposent en effet une version cloud de leur offre, tandis que d’autres se positionnent uniquement sur ce segment.

La fonction première de l’ECM étant de gérer et de stocker des informations, le choix du cloud peut s’avérer limitant, dès lors que l’entreprise envisage le traitement de certains contenus soumis à des contraintes précises en matière de sécurité et d’hébergement, par exemple des documents contenant des données de santé.

3. Que faire ? Quelques pistes de solutions

L’ECM entre fréquemment dans les entreprises à travers des projets de dématérialisation ou de mise en conformité. Dans ces types de projets, le périmètre est généralement bien identifié, ce qui évite les dérives liées à des cahiers des charges trop ambitieux. Néanmoins, les solutions d’ECM peuvent supporter bien d’autres types d’usages et il serait dommage de s’arrêter là.

Pour identifier les usages les mieux adaptés au contexte et aux besoins de l’entreprise, la meilleure stratégie, comme souvent, est d’avancer étape par étape. L’idéal est de commencer par un ou deux cas d’usage simples, dans lesquels la valeur de la solution peut rapidement être démontrée. Les solutions étant bien souvent modulaires, l’entreprise peut envisager un déploiement par lots, en testant au préalable chaque nouvelle brique auprès du public ciblé.

Il faut également veiller à la cohérence globale de la stratégie de gestion des contenus : il arrive fréquemment que plusieurs solutions de gestion des contenus coexistent au sein d’une même entreprise, voire au sein d’un même département, créant des silos d’informations rarement justifiés et favorisant l’existence de doublons.

Si l’objectif principal d’un projet d’ECM est de faciliter le partage et la circulation des documents, mieux vaut donc consolider cet existant avant d’envisager l’ajout d’une nouvelle solution, qui ne ferait qu’ajouter un silo de plus. Un autre critère fondamental, à prendre en compte dans ces projets, est l’intégration avec le reste du système d’information : la gestion des contenus et documents ne doit pas s’effectuer dans une bulle à part, il faut qu’elle soit intégrée, de manière fluide et transparente, avec l’ERP, les portails, les outils de gestion de la relation client…

Une intégration avec les outils de travail du quotidien est également un vrai atout, notamment les applications bureautiques et la messagerie : l’adoption est en effet facilitée quand l’utilisateur reste dans une interface qui lui est familière pour enregistrer, valider ou rechercher un document.

Enfin, avant de choisir une solution d’ECM, la mise en place d’une gouvernance des contenus devrait être un préalable, même si, dans les faits, celle-ci est souvent élaborée en cours de projet. Il est notamment utile d’établir une classification précise des documents et contenus que l’on souhaite traiter. Si jamais figurent parmi ceux-ci des contenus sensibles, soumis à des contraintes strictes en matière de confidentialité et de sécurité, il faudra être plus particulièrement attentif à certains critères, comme le pays où sont hébergées les données, la gestion des rôles et des accès ou le support du chiffrement pour certains contenus.


Les principales fonctionnalités des solutions d’ECM

Les solutions d’ECM sont par nature transverses, même si certaines peuvent être plus ou moins spécialisées par métier/secteur. Elles répondent à un panel de besoins assez large autour de la gestion de contenus. Ces besoins peuvent être regroupés en six grandes catégories :

  1. La capture et la collecte des documents : cette étape est obligatoire dès lors qu’une entreprise souhaite dématérialiser un processus. Il faut alors passer par un scanner pour pouvoir numériser les documents papier. Lorsque les contenus sont déjà sous forme numérique, il faut néanmoins pouvoir automatiser la collecte de documents à certaines étapes clés (sortie d’un système d’éditique, pièces jointes à un mail…).
  2. La gestion du cycle de vie des contenus et documents : il est essentiel d’associer à chaque contenu entrant dans la solution des métadonnées permettant de connaître son origine. Parmi celles-ci figurent la date de création, les auteurs ou encore le numéro de version. La traçabilité est également une fonctionnalité primordiale. Elle repose généralement sur un historique retraçant les modifications et leurs auteurs. Enfin, des fonctionnalités de workflow et de gestion des processus métiers (BPM) permettent de suivre et de contrôler le cycle de vie de certains documents en prévoyant, par exemple, des validations ou des suppressions après certaines échéances.
  3. La catégorisation et la classification : il s’agit d’associer les documents à des catégories prédéfinies et/ou à des mots-clés (indexation), à la fois pour organiser la manière dont ils seront stockés (tri et hiérarchisation) et pour pouvoir les retrouver plus facilement. Plus les contenus gérés sont hétérogènes, plus cette étape est importante. Néanmoins, même des documents relativement similaires nécessitent un minimum d’indexation. Différentes techniques existent pour indexer les documents : indexation automatique par analyse du contenu (titre, métadonnées…), indexation manuelle à l’aide d’un thésaurus, nuages de tags…
  4. La conservation et la protection : ces étapes forment un pan fondamental de l’ECM, l’archivage des documents ou records management, généralement en lien étroit avec le système de stockage. Il faut, en effet, établir et appliquer des règles déterminant combien de temps un contenu doit être conservé et quelles sont les contraintes à respecter (disponibilité, chiffrement des contenus, contrôle des accès, authentification…). Il faut également identifier dans quelles conditions un document peut être supprimé (informations obsolètes, contenus qui ne sont plus consultés…). Ces règles sont particulièrement importantes pour les documents soumis à des obligations réglementaires, pour lesquels intervient en plus la notion de valeur probante : le document doit être signé avec un système agréé, conservé dans un certain format, et son intégrité, comme sa conformité, doivent être garanties afin d’avoir une seule version de la vérité.
  5. La recherche et la possibilité de retrouver facilement les documents : bien souvent, la valeur d’une solution d’ECM se mesure à la facilité avec laquelle elle permet d’accéder aux contenus recherchés. L’accessibilité est, en effet, la première chose que vont juger les utilisateurs, la solution devant faciliter leurs tâches quotidiennes en leur faisant gagner du temps. Un bon moteur de recherche (en texte intégral et sur mots-clés), une navigation fluide et performante sont, de ce fait, des critères de choix incontournables.
  6. Le partage de contenus (collaboration) : plus récentes, les fonctionnalités collaboratives se développent fortement à l’heure actuelle. Séduits par la simplicité de certains services cloud de partage de fichier, les utilisateurs sont en quête de nouvelles façons d’échanger des informations avec leurs collaborateurs ou leurs clients, plus souples que le mail et plus simples à mettre en œuvre que les serveurs de fichiers. La possibilité de pouvoir accéder facilement aux documents depuis des terminaux mobiles s’inscrit également dans cette tendance. Enfin, avec la surinformation que subissent nombre d’entre eux, des fonctionnalités de recommandation/préférences commencent aussi à se développer, permettant d’accroître la pertinence des contenus et documents partagés.