Les audits logiciels pour satisfaire les actionnaires

« Environ un quart du chiffre d’affaires est lié à des audits de licences, ce n’est pas une ressource accessoire, c’est une composante du business model des éditeurs », assure Thierry Borgel, directeur de projet chez SIA Partners, qui est intervenu sur ce sujet lors d’une conférence organisée par Flexera Software.

Pour les éditeurs, les audits constituent une source de revenus relativement facile à mettre en œuvre : selon la Business Software Alliance, environ 20 % des logiciels seraient utilisés sans licence, dans les entreprises. « Sans les audits, le chiffre d’affaires des éditeurs ne progresserait pas, les audits sont des leviers de communication vis-à-vis des actionnaires des éditeurs, cela explique leur agressivité », ajoute Thierry Borgel. Et ce ne sont pas toujours ceux auxquels on pense qui se révèlent les plus pressants et certains qui paraissent inoffensifs sont en réalité très actifs, par exemple Autodesk, Attachmate ou McAfee. « Attachmate est considéré comme l’éditeur le plus agressif », souligne Stefano Fois, senior consultant chez SIA Partners, qui anticipe un « durcissement des pratiques d’audit, notamment pour Oracle, Adobe et IBM. »

Les éditeurs les plus agressifs dans ce domaine ont un point commun : ils sont en train de faire évoluer leurs business models. « L’audit constitue un levier de négociation pour faire migrer les clients vers leurs nouvelles offres en SaaS », par exemple Office 365 pour Microsoft, Creative Cloud pour Adobe ou avec le changement des règles de licences chez Oracle, concernant les fonctionnalités de VMware vSphere. « Oracle considère désormais, mais c’est une règle non écrite, qu’il faut des licences pour tous les clusters, puisque les machines virtuelles peuvent être déplacées entre différents clusters », rappelle Thierry Borgel.

Le fait que les éditeurs de logiciels tireraient entre 25 et 50 % de leurs revenus de la conduite d’audits chez leurs clients révèle trois enseignements. Le premier est que beaucoup d’entreprises se résignent à payer en étant de bonne foi. Selon une enquête mondiale d’IDC, 21 % ont payé plus d’un million de dollars en 2014 et 56 % plus de 100 000 dollars. Vu la taille du marché mondial des logiciels (320 milliards de dollars en 2015) et la proportion d’entreprises auditées (63 % sur une période de deux ans), c’est une manne considérable pour les éditeurs.

Le second enseignement est que, si ces revenus font partie intégrante du business model des éditeurs, il est à craindre qu’ils soient de plus en plus tentés de privilégier le chiffre d’affaire facile à générer à court terme, au détriment de leur capacité d’innovation : se payer sur la bête en exploitant les entreprises « vaches à lait » ou séduire des nouveaux clients avec des solutions innovantes ? Les grands éditeurs, tous cotés en bourse, n’hésiteront pas.

Troisième enseignement : ces pratiques deviennent addictives pour les éditeurs qui, à l’image des drogués, ne peuvent plus revenir en arrière sous peine de voir chuter leur chiffre d’affaires et mécontenter leurs actionnaires. Ils vont donc, là encore à l’instar de drogués en manque, devenir plus agressifs pour se procurer leurs doses de chiffres d’affaires. Les DSI peuvent, et doivent, se défendre, nous y reviendrons dans un prochain numéro. Le principe appliqué en cas de prise d’otages (« aucune rançon ne sera payée ») vaut aussi pour les DSI…

Éditeur Fréquence des audits réalisés
dans les entreprises
depuis deux ans
Perception du risque d’audits
Microsoft 67 % 66 %
Adobe 42 % 33 %
Autodesk 29 % 3 %
Oracle 18 % 25 %
SAP 15 % 11 %
IBM 11 % 7 %
McAfee 9 % 3 %
Attachmate 7 % 0 %
VMware 5 % 18 %
Symantec 5 % 3 %
Source : Express Metrix – SIA Partners.