Du sourcing au pilotage quotidien : dix stratégies gagnantes

Évaluation des compétences, engagement de services systématiques, contrôle des périmètres d’intervention et des factures, renégociation… Les approches ne manquent pas pour contrôler les prestataires de services afin de limiter les risques de dérapage.

Le pilotage des fournisseurs au quotidien constitue l’une des tâches les plus délicates qu’un DSI doit mener à bien, dans le cadre d’un projet de développement, de maintenance, de sous-traitance ou d’intégration de systèmes. Car même un fournisseur qui bénéficie d’une bonne réputation peut mettre un projet en péril, si son activité n’est pas suivie et contrôlée par la DSI.

1. Effectuer une veille permanente du marché

La connaissance des stratégies des acteurs d’un marché évite bien des déconvenues, d’autant que les paris technologiques s’effectuent sur le long terme. Outre la sécurisation des investissements dans le système d’information, cette démarche procure deux avantages. D’une part, elle permet d’identifier des challengers technologiques (actuels et futurs), alternatifs aux grands fournisseurs, souvent plus chers. D’autre part, lors de la rédaction des appels d’offres, une bonne connaissance des technologies, des marchés et de leurs acteurs facilite la précision dans la formulation des besoins. C’est, à terme, un gage de qualité (les solutions proposées seront mieux ciblées) et un gain de temps, en évitant que des fournisseurs « exotiques » ne répondent aux appels d’offres.

2. S’assurer que le prestataire connaît le métier de l’entreprise

Rien de tel, pour faire traîner un projet en longueur, que de faire appel à un prestataire à qui il faut expliquer les spécificités des métiers, les contraintes réglementaires et les processus appliqués dans l’organisation. Tous les DSI ont, un jour, connu quelques moments d’exaspération, lorsqu’il a fallu inverser les rôles et fournir à un consultant les informations les plus basiques, afin qu’il avance dans sa mission ! La première démarche consiste à vérifier les références clients, selon les secteurs, pour s’assurer de la maturité sectorielle du fournisseur, avec des ingénieurs avant-vente spécialisés.

3. S’informer sur la réputation du fournisseur pour découvrir ses points faibles

Entre le discours des fournisseurs, très teinté de marketing, et la réalité, il existe souvent un écart significatif. Aussi, pour limiter les risques, est-il prudent de s’informer sur les réelles capacités des prestataires à mener à bien les projets qui leur sont confiés. Objectif : éviter qu’un fournisseur, qui « plante » le DSI dans une entreprise, n’aille reproduire les mêmes erreurs dans une autre.

L’un des moyens privilégiés reste les échanges avec d’autres DSI, à travers les clubs utilisateurs, les associations de DSI ou par contacts personnels. Le fait qu’un prestataire ait des points faibles est normal : certains seront excellents pour gérer de façon opérationnelle un contrat d’infogérance, mais seront moins performants pour intégrer des progiciels. D’autres auront une expertise pointue en tierce maintenance applicative, mais pêcheront sur les aspects contractuels…

4. Mettre en place une grille de scoring interne

À l’image des agences de notation ou des banques qui attribuent des notes aux entreprises sur des critères financiers, pourquoi ne pas faire de même pour les fournisseurs de technologies ? La méthodologie n’est pas nécessairement complexe. Par exemple, une échelle de cotation (de A à D, nuancée avec des + et des -), associée à une série de critères concrets (objectifs, mais aussi subjectifs) peut faire l’affaire.

5. Décortiquer les contrats pour débusquer les pièges

Le droit reste encore, pour nombre de DSI, une matière obscure et complexe. Pourtant, une saine gestion des relations avec les fournisseurs suppose de maîtriser les principaux concepts juridiques. Un DSI doit ainsi agir dans deux directions : soit, s’il en a les moyens, recourir à des spécialistes externes (juristes ou avocats spécialisés dans le droit des technologies) ou internes.

Soit acquérir par lui-même les rudiments indispensables pour éviter de tomber dans des pièges que, volontairement ou non, les fournisseurs tendent. Par exemple en faisant signer des contrats-types qui leur sont très favorables ou, du moins, les dégagent d’un maximum de responsabilités. Le DSI doit notamment savoir ce que signifie une obligation de moyens, ce que recouvrent les dommages et intérêts, comment se définissent les responsabilités ou comment reconnaître une clause illégale ou abusive.

6. Exiger des engagements de services

Les engagements de services, ou SLA (Service level agreements), formalisent les besoins d’un utilisateur de système d’information, ou d’un consommateur de prestations externes, et les qualifient en indicateurs quantifiables et mesurables dans le temps. En d’autres termes, c’est le résultat d’un accord entre un prestataire (interne ou externe) et un client, pour délivrer un service à des conditions données.

7. Évaluer régulièrement la qualité de la prestation

Cette évaluation repose d’abord sur l’identification des outils, des méthodologies et des approches mises en œuvre pour gérer le projet, y compris des éléments plus subjectifs comme le processus de gouvernance du projet. Dans ce contexte, il convient de veiller à la cohérence des moyens entre eux, notamment pour les prestations portant sur des éléments très structurants du système d’information.

De même, tous les supports physiques mis à disposition doivent constituer un ensemble homogène, adapté aux enjeux d’une situation donnée. Pour une direction des systèmes d’information, la mise en place d’un outil complet de gestion des ressources informatiques nécessite une organisation et des processus avec un niveau de maturité élevé.

8. Vérifier les compétences des intervenants

L’une des techniques régulièrement utilisée, notamment dans le monde du conseil, consiste à faire négocier les contrats par des associés, puis à les faire exécuter par des consultants juniors à peine sortis de leur école d’ingénieurs ou de commerce. Sans préjuger des compétences de ces derniers, cela peut poser problème, par exemple pour les projets lourds dans lesquels le savoir-faire et l’expérience des consultants sont décisifs..

9. Ne pas hésiter à renégocier certains points

Selon le principe qu’il vaut mieux « prévenir que guérir », les dérapages sur un projet doivent être stoppés au plus tôt, avant qu’il ne soit trop tard et que les ressources financières et humaines ne soient inutilement gaspillées. La renégociation constitue une pratique commerciale normale : elle peut s’effectuer par un assouplissement de certaines clauses contractuelles ou par des prestations supplémentaires. Attention toutefois à ne pas abuser de la situation et à ne pas harceler le fournisseur. Les points de renégociation doivent être impactants pour le système d’information et générer des risques. Inutile donc, de « pinailler » sur des détails : les fournisseurs, eux aussi, communiquent entre eux…

10. Contrôler les factures

Entre les dépassements, plus ou moins volontaires, dans le cadre de contrats en régie, ou les avenants à répétition, pas toujours justifiés, les fournisseurs disposent de plusieurs pistes pour gonfler la facture. En particulier, le DSI doit s’intéresser aux marges des fournisseurs, qui ne doivent pas être excessives, d’où l’intérêt d’un benchmarking des unités d’œuvre, y compris par rapport à ce qui est pratiqué dans le secteur privé. Le fournisseur doit notamment répercuter ses propres baisses de coûts, liés à l’évolution technologique ou à des modes d’organisation différents (recours à l’offshore par exemple).


Dix astuces pour mieux négocier ou renégocier

  • Ne négociez jamais sous la pression (sauf si vous en profitez).
  • Révisez la stratégie technologique et commerciale de votre fournisseur avant toute négociation. Mettez-vous à sa place, comprenez ses objectifs, c’est un excellent moyen d’anticiper ses arguments et ses points faibles.
  • Prévoyez les réunions dans vos locaux, vous conserverez le contrôle de la situation (n’oubliez pas de régler la bonne température et de ne pas vous laisser perturber par des problèmes internes, notamment le téléphone).
  • Lors de réunions avec plusieurs commerciaux du fournisseur, intercalez vos propres collaborateurs pour que ce dernier ne fasse pas bloc contre vous.
  • Sachez décrypter le non verbal (silences) et le langage corporel. Au besoin, lisez quelques ouvrages pratiques sur le sujet.
  • N’hésitez pas à mettre en doute les affirmations de votre fournisseur et à exiger des preuves, si ses propos vous semblent contestables. Si vous estimez que des promesses de votre fournisseur sont trop belles pour être vraies, c’est qu’elles le sont vraiment !
  • Attention à l’intimidation dont vous pourriez être victime et n’utilisez pas vous-même cette technique, qui a un effet boomerang à court terme. Privilégiez la diplomatie, ce qui n’exclut pas la détermination de votre part. N’abattez jamais toutes vos cartes au début.
  • N’hésitez pas à interrompre temporairement les discussions : cela vous donnera le temps de la réflexion.
  • Tous les éléments de l’accord doivent être mis par écrit dans un compte rendu, opposable au fournisseur, surtout si ce dernier fait des promesses qu’il sera tenté de renier par la suite. Désignez un collaborateur chargé de tout noter.
  • Un bon négociateur, comme un bon DSI, a trois qualités : la capacité à gérer beaucoup d’informations, la patience (savoir gagner du temps) et la fermeté.

 

 Ce que les fournisseurs affirment…  Éléments de décryptage
« Une technologie d’avance »
« Marché qui explose »
En avance par rapport à quoi ? En quoi un marché qui explose justifie que l’on adopte telle ou telle technologie ? Attention aux effets de mode, restez focalisé sur les vrais besoins, qui seront souvent mieux couverts par une technologie moins innovante… mais plus mature !
« Leader incontesté sur son marché » L’autosatisfaction doit toujours être étayée par des faits, des parts de marché. Attention : « leader » ne signifie pas « numéro un » comme on voudrait nous le faire croire.
 « Des solutions innovantes au service de votre performance »  Exemple de phrase qui n’apporte rien de concret. On reconnaît ce type de construction au fait que le propos fonctionne aussi en sens inverse : « Des solutions performantes au service de votre innovation. »
« Société pionnière avec une croissance continue et une reconnaissance mondiale » Et alors ? Ceci ne prouve en rien qu’elle puisse répondre à vos besoins spécifiques, voire que la société en question soit florissante.
 « Souplesse d’acquisition et facilité d’installation » Ces critères secondaires mis en avant cachent probablement des difficultés (paramétrage, facilité d’usage, prix, intégration avec d’autres technologies…).
 « Qualité de service irréprochable » Dans quelles conditions et à quel prix ? Seuls les utilisateurs peuvent
juger : interrogez-les !
« Produit plébiscité par les analystes »
« Technologie largement récompensée »
Par quoi cette affirmation est-elle étayée ? N’y-a-t’il pas de collusions entre les cabinets de conseil et les fournisseurs ? Exigez les références de ces affirmations.
 « Architecture évolutive et technologie de gestion sophistiquée »  Il est probable que ce que l’on vous propose soit plus complexe qu’évolutif. Méfiance, donc…
 « Particulièrement bien adapté à vos besoins » C’est l’utilisateur qui est le mieux placé pour savoir si une offre est adaptée à ses besoins. Le présupposé du fournisseur n’a guère de valeur.
« Solution unique »
« Nouvelle offre révolutionnaire »
« Service innovant »
Ces termes sont souvent utilisés par les fournisseurs qui éprouvent des difficultés à percer sur le marché. Si la solution est réellement unique ou révolutionnaire, le fournisseur doit le prouver plutôt deux fois qu’une.
 « Approche globale » Très à la mode, l’approche globale suppose que le fournisseur ait les moyens de sa politique, par exemple en termes de R&D, d’alliances, de partenariats, de réseaux de distribution… Autant d’éléments à vérifier soigneusement.