Dix idées-clés pour maîtriser la complexité des systèmes d’information

Le dernier dîner organisé le 2 décembre 2014 par Best Practices avec une quinzaine de DSI, en complément de la soirée du 10 octobre, a été l’occasion d’aborder la problématique de la complexité, en lien avec les systèmes d’information en compagnie d’Alain Bethoz, neurophysiologiste et professeur au Collège de France.

Est-il possible de lier la notion de simplexité à l’évolution des systèmes d’information. La simplexité (Cf. Best Practices SI, n° 140, 1er décembre 2014) est définie comme « l’ensemble des solutions trouvées par les organismes vivants pour que, malgré la complexité des processus naturels, le cerveau puisse préparer l’acte et anticiper les conséquences. » Nous avons retenu dix idées clés issues des ouvrages d’Alain Berthoz qui s’appliquent également au management des systèmes d’information.

1. « Simplifier demande d’inhiber, de sélectionner, de lier, d’imaginer ». Cette idée correspond à la vraie difficulté, pour les DSI, d’arbitrer entre les différentes (et parfois incohérentes) demandes des métiers : inhiber les volontés d’aller trop vite, sélectionner les meilleures technologies, lier les usages et les solutions, imaginer les évolutions possibles…

2. « Il faut « aller où on regarde » et non « regarder où l’on va » ». Cette idée fait référence à la nécessité de définir une vraie vision stratégique pour les DSI. Elle permet notamment de distinguer plusieurs éléments : le court terme du long terme, le Run et le Build, le Legacy et l’innovation, les « Opex » et les « Capex »…

3. « Le vivant a plusieurs caractéristiques essentielles : la séparation des fonctions, la rapidité, la fiabilité, la flexibilité et l’adaptation au changement, la mémoire, la généralisation. » On retrouve les principes de base de la gestion de projet et de l’organisation d’une DSI : il faut en effet séparer les fonctions, donc les compétences, délivrer rapidement des résultats, garantir une fiabilité du système d’information, privilégier l’agilité, savoir accompagner les changements, se souvenir des bonnes (et des mauvaises) pratiques et généraliser l’usage des technologies à plusieurs métiers.

4. « Décider implique de choisir les informations du monde pertinentes par rapport aux buts de l’action. » Le management des systèmes d’information implique, entre autres, d’observer l’environnement, de s’immerger dans un écosystème, de systématiser la veille technologique et managériale, et de s’appuyer sur les retours d’expériences.

5. « L’anticipation probabiliste permet de comparer les données des sens avec les conséquences des actions passées et de prédire les conséquences de l’action en cours. » L’une des qualités essentielles d’un DSI est de savoir anticiper, mais c’est aussi une des qualités que doivent avoir les consultants : prédire les conséquences d’une action reste le principe de base de la construction d’une vraie expertise.

6. « Le concept de vicariance correspond à la multiplicité des solutions possibles pour résoudre un même problème. » Pour gérer un projet, plusieurs solutions sont toujours possibles. On retiendra de ce principe de vicariance le fait qu’il ne faut pas s’enfermer dans une solution (technologique, managériale, organisationnelle…) : des voies alternatives sont toujours possibles et méritent qu’on leur prête attention.

7. « Alors que le cerveau peut traiter un très grand nombre d’informations en parallèle, les parties impliquées dans les mécanismes de décision ne peuvent traiter que très peu d’informations simultanément, en fait souvent une seule. » La surinformation est l’un des fléaux que connaissent tous les managers, en particulier les DSI. On la retrouve à plusieurs niveaux : lorsqu’il faut sélectionner les informations les plus pertinentes, faire le tri dans les demandes foisonnantes de fonctionnalités dans les applications, s’y retrouver dans le dédale des technologies, gérer un trop grand nombre de parties prenantes dans un projet… D’où l’intérêt d’appliquer le célèbre principe du KISS, popularisé par les anglo-saxons : « Keep it Simple, Stupid ! »

8. « Notre cerveau se fait pas que simuler la réalité, il émule un monde possible. » C’est l’intérêt de tous les projets systèmes d’information : imaginer ce que peut être « le monde possible » avec des nouvelles applications, des nouveaux usages, de nouvelles opportunités, des innovations, des nouveaux processus…

9. « Une façon de simplifier l’analyse du monde pour guider l’action ou les choix que doit faire notre cerveau est de distinguer le contenu et le contexte, qui s’ajustent par des mécanismes de synchronisation. » Cette approche, qui distingue un événement de son contexte, permet d’éviter quelques erreurs, mais une telle séparation ne doit pas être absolue : on ne peut en effet isoler une tâche ou un événement de son contexte.

10. « La simplexité a toujours un prix même si le retour sur investissement est considérable. » Cette notion de retour sur investissement est évidemment fondamentale dans tous les domaines du management, en particulier pour les systèmes d’information. Elle invite à prendre en compte le fait que réduire la complexité est toujours bénéfique, même si, a priori, les investissements qu’il faut consentir peuvent être conséquents.

  Quelques autres idées à retenir et leur application aux SI
 Ce qui se passe dans le cerveau…  … et les enseignements pour les DSI
« La fonction principale du cerveau est de prédire les conséquences de l’action en fonction des résultats des actions passées : la mémoire sert essentiellement à prédire le futur et non pas seulement à se souvenir du passé. » Anticiper les conséquences des projets pour les métiers et capitaliser sur les bonnes pratiques des projets passés.
« Le cerveau travaille en détectant des différences entre des états attendus et des états réalisés. » Les bénéfices métiers et le retour sur investissement ne sont pas toujours là où on les attend…
« Le cerveau travaille à l’envers : il formule des hypothèses, il choisit dans un répertoire de décisions possibles et va chercher dans le monde les éléments qui confirment ou infirment les prédictions auxquelles conduisent ces décisions. Le cerveau est un comparateur, il compare l’état du monde avec ses hypothèses. » La discussion en amont avec les métiers est indispensable, afin de formuler les meilleures hypothèses possibles.
« Percevoir, c’est décider et décider, c’est parier. » Disposer des bons indicateurs pour percevoir la réalité et réduire l’incertitude liée à des paris sur l’avenir.
« La décision est le résultat d’un jeu subtil qui, derrière l’apparente simplicité de la conclusion, cache de multiples hésitations, sursauts et confusions. » Le management des systèmes d’information n’est pas exempt du droit à l’erreur et à l’expérimentation…
« La préférence et l’émotion jouent un rôle essentiel dans le processus de décision. Un des problèmes majeurs est de savoir si l’information donnée par les sens est, dès son origine, empreinte d’émotion. » Le management des SI est aussi une affaire d’émotion(s), tout comme la réussite des projets tient pour une bonne part à des facteurs humains non quantifiables.
« La décision est le résultat d’une compétition non supervisée entre des processus inhibiteurs et des processus excitateurs. » Les caractéristiques d’un système d’information, son évolution passée et future, et sa performance sont aussi le résultat de luttes de pouvoirs et de prises de risques.
« La décision est un choix : le cerveau choisit ce qu’il veut rendre réel. »  Les notions d’arbitrage, de réalisme des solutions, d’engagement des équipes et d’appropriation sont déterminantes…
Source : ouvrages d’Alain Berthoz, Best Practices.