Groupe SALM : une filière logistique pour la traçabilité de bout en bout

Pour son projet de traçabilité mis en œuvre à l’échelle de l’entreprise étendue, le groupe SALM a réussi à impliquer tous les acteurs de son réseau logistique.

Le groupe SALM est l’entreprise que l’on connait mieux sous les marques Cuisines Schmidt et Cuisinella. Elle produit également des cuisines en kit pour différentes enseignes spécialisées dans l’aménagement intérieur. Son projet de traçabilité, dénommé As©ent, a démarré à la suite d’une enquête de satisfaction menée auprès de ses clients : beaucoup de consommateurs étaient satisfaits, mais seulement un sur deux se déclarait « très satisfait ».

à la suite de ce constat, l’entreprise décide donc de lancer un vaste projet de transformation au niveau européen, afin d’améliorer la satisfaction des consommateurs, dont As©ent forme le premier lot. « Nous avons souhaité axer la démarche sur l’entreprise étendue, afin que le consommateur soit vraiment mis au centre du débat », explique Virginie Parent, chef de projet sur la partie IT.

L’objectif principal d’As©ent était d’identifier les causes d’insatisfaction liées à la chaîne en aval des usines, afin d’être en mesure de les traiter. Il s’agissait également de fournir des informations fiables à tous les acteurs, en traçant les flux de commandes étape par étape, de manière à gagner en réactivité dans la résolution d’éventuels problèmes.

Une démarche transversale

Pour atteindre ces objectifs, l’entreprise a identifié plusieurs leviers. Tout d’abord, il fallait mobiliser et faire adhérer l’ensemble des parties prenantes : « Tous les métiers étaient représentés : de la direction générale à la DSI, bien sûr, mais aussi, et surtout, les futurs utilisateurs de la solution : les chauffeurs, les livreurs, les réceptionnaires de commandes… », pointe Franck Kunstler, chef de projet fonctionnel.

Pour accompagner cette démarche, le groupe a aussi réactivé un projet de labellisation des plateformes logistiques de ses partenaires. Enfin, l’entreprise voulait mettre en œuvre une solution technique de traçabilité qui soit à la fois innovante et robuste.

Le projet As©ent, première étape de la transformation, consistait à mettre en place un système de traçabilité relié à l’ERP existant, fonctionnant sur AS/400. Objectif : pouvoir tracer les commandes depuis les points d’expédition du groupe jusqu’aux plateformes logistiques, puis de celles-ci jusqu’au domicile des consommateurs. « Nous avions une traçabilité en amont, mais, ensuite, tout se gérait sur papier et nous n’avions que les informations fournies par le service Administration des ventes pour identifier le retour de nos consommateurs», se souvient Virginie Parent.

Etant donné le coût d’un tel projet, le groupe SALM a accordé un soin particulier à l’analyse du retour sur investissement. Une longue phase d’avant-projet a permis d’avancer sur ces sujets en étudiant d’abord les besoins, puis le rapport gains/risques. En tout, 35 ateliers ont été organisés durant cette étape, afin d’inclure tous les acteurs de la chaîne. Durant l’avant-projet, 32 magasins ont été également consultés.

Susciter l’adhésion de tous les acteurs

« Nous avions identifié plusieurs risques possibles », détaille le chef de projet fonctionnel. Le premier défi était d’obtenir l’adhésion de l’ensemble des acteurs de l’entreprise étendue, « un pas qu’il n’a pas été trop compliqué de franchir, car le projet était attendu de longue date. » Une autre difficulté était de vendre un produit à des partenaires logisticiens, qui n’étaient pas toujours des fournisseurs directs de l’entreprise, une étape un peu plus complexe à mener.

Pour cela, la SALM s’est positionnée en apporteuse d’affaire. « Nous avions face à nous des gens motivés », se souvient Franck Kunstler. Obtenir l’adhésion des utilisateurs est également identifié très tôt comme un enjeu stratégique : « Il s’agissait notamment de fournir des terminaux mobiles aux chauffeurs, dont l’âge moyen se situe entre 40 et 60 ans : il fallait faciliter l’appropriation de la solution en prévoyant une bonne conduite du changement en amont », se souvient Virginie Parent.

Enfin, il était essentiel pour réussir de s’assurer de la disponibilité des personnes clés, tant du côté métier, que du côté des futurs utilisateurs. « Nous avons obtenu l’engagement du comité de direction sur ce point », précise Franck Kunstler. Les risques métiers étaient suivis lors de comités de pilotage mensuels.

Dès que l’analyse des besoins et des risques a été finalisée, le groupe SALM a lancé un appel à projets sur le marché afin de choisir ses partenaires. L’entreprise a retenu CGI comme intégrateur principal. Pour certains modules de SAP, très techniques et peu répandus, le groupe SALM a dû également faire appel à des experts hors de France, en l’occurence la société de conseil belge Inxites, spécialiste du module de traçabilité SAP OER. Le groupe a aussi bénéficié d’un support de SAP, fin 2013 et courant 2014, avec un interlocuteur dédié dans le cadre du programme ESAC (SAP Enterprise Support Advisory Council).

D’un point de vue technologique, le groupe SALM partait d’une feuille blanche. Pour fournir la traçabilité souhaitée du côté applicatif, l’entreprise a choisi de mettre en place le package OER, incluant SAP Event Management (EM), une solution encore en « ramp-up » au moment où le projet a démarré. Elle a également opté pour SAP Business Objects Data Services pour prendre en charge les extractions et transformations de données.

La partie mobile a été bâtie autour de Sybase Unwired Platform (SUP), complétée par SAP Afaria pour la gestion des terminaux mobiles. Enfin, SAP PO (Process Orchestration) a été déployé pour assurer l’intégration des flux. Pour la partie mobilité, le groupe SALM a réfléchi en amont aux critères importants pour le choix des terminaux. « L’appropriation passait aussi par le choix du matériel », se souvient Franck Kunstler. « Par exemple, fallait-il prévoir, pour les chauffeurs, des terminaux équipés d’une poignée ? De quelle taille devaient-ils être ? » Au final, les chauffeurs ont été équipés de terminaux Intermec fournis par Hub One sous Windows Mobile 6.5, avec des forfaits GPRS souscrits chez SFR. Ces terminaux disposent d’appareils photo qu’ils peuvent utiliser en appui de la déclaration des non-conformités.

Bâtir une solution évolutive

Une fois les partenaires choisis et le projet entamé, la première étape a été d’élaborer un squelette vertical des différents flux en aval, une tâche délicate selon Franck Kunstler : « La vraie complexité était de bien modéliser les divers flux, afin de les faire converger et de les restituer dans leur intégralité. » Le projet en lui-même concernait sept pays : la France, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Espagne et l’Angleterre.

L’entreprise a ensuite développé plusieurs applications afin d’accéder à SAP. Parmi celles-ci, figurent deux applications mobiles, l’une destinée aux chauffeurs et l’autre aux plateformes logistiques. Deux applications Web ont également été mises en place : la première offre un accès direct au module de SAP et s’adresse à tous les acteurs internes du groupe SALM (presque tous les services peuvent y accéder : la logistique, bien sûr, mais aussi la qualité, le service Administration des ventes, la finance ou les expéditions…) et à des acteurs externes comme les plateformes ; l’autre, plus simple, est destinée aux magasins, avec une interface spécifique développée en ABAP.

Un ergonome est intervenu sur les applications front office afin de les rendre plus simples à utiliser. Néanmoins, Virginie Parent insiste sur l’importance de trouver le bon compromis entre l’exigence d’ergonomie et la complexification que celle-ci peut générer en back office. « Pour que la solution reste évolutive, il faut veiller à maintenir l’équilibre entre ces deux axes. »

Parmi les autres difficultés rencontrées sur le plan technique, la mise en œuvre de Sybase Unwired Platform, la solution gérant la mobilité, s’est avérée délicate. En effet, celle-ci générait des fichiers volumineux qui provoquaient des blocages lors de la synchronisation avec les terminaux mobiles. Le contrat de support souscrit auprès de l’éditeur a été utile pour débloquer la situation, en faisant intervenir un expert de la solution et un administrateur SAP.

À l’issue de ces deux audits, le problème a pu être résolu grâce à une mise à jour de SUP, ainsi qu’à une modification des flux fonctionnels. Dans ce type de situation, où plusieurs experts spécialistes d’un domaine précis peuvent être amenés à travailler sur un même projet, Virginie Parent souligne l’importance de contrôler les évolutions effectuées, là encore pour s’assurer qu’elles ne nuisent pas à la cohérence globale de la solution et à son évolutivité. Pour y veiller, les risques IT étaient suivis lors des comités projets hebdomadaires et lors des comités de pilotage.

En terme de planning, la démarche s’est étalée sur deux ans. La réflexion avant-projet a été initiée dès novembre 2011, mais le projet lui-même n’a été officiellement lancé que début 2013. Le pilote a quant à lui démarré en janvier 2014. Durant celui-ci, la solution a été testée auprès de cinq chauffeurs et d’une plateforme logistique. Une fois celui-ci validé, le déploiement a suivi de près, débutant dès avril 2014. « Il a fallu dix-huit mois pour faire mûrir la réflexion, douze mois pour mettre une solution en œuvre et il faudra quinze mois pour la déployer », souligne Virginie Parent.

Au final, ce projet a nécessité 2 500 jours/homme de travail pour l’intégrateur et pour le groupe SALM. « Une méthodologie agile a été utilisée pour bâtir l’ensemble des maquettes, par le biais d’ateliers menés avec les métiers internes SALM, mais aussi les chauffeurs et les livreurs », précise Virginie Parent.

Pour accompagner la transformation, un plan de conduite du changement a été mis en œuvre autour de sept axes (voir encadré). L’entreprise a formé 100 collaborateurs en interne. Une dizaine de sessions de formation ont également été mises en place pour former 90 chauffeurs.

Du côté des plateformes logistiques, certaines ne disposaient pas d’outils de flashage avec lesquels s’interfacer. Quand c’était le cas, le groupe SALM les a équipées de terminaux mobiles dont le financement était pris en charge par les logisticiens. En contrepartie, le fabricant de meuble a autorisé un usage ouvert de ces matériels, une démarche de co-développement permettant à l’ensemble de la filière de monter en compétence.

En ce qui concerne le support, le groupe s’est organisé pour assurer un premier niveau d’assistance dès le début du déploiement. « Nous avons intégré très tôt au projet les personnes chargées du support de niveau 0 et 1, afin qu’elles puissent répondre aux questions des utilisateurs », raconte Virginie Parent. La tierce maintenance applicative a été, pour sa part, confiée à CGI, ainsi que la tierce maintenance d’exploitation. Enfin, Hub One a pris en charge la maintenance des terminaux mobiles.

A l’heure actuelle, l’ensemble des 650 magasins sont couverts par le processus de traçabilité, des quais d’expédition au point de livraison. 160 terminaux mobiles ont été déployés dans 14 plateformes logistiques (sur un total de 28). « Nous suivons aussi bien l’envoi de colis par des services de messagerie que l’expédition de commandes en kit, les livraisons directes ou celles transitant par des fournisseurs hors SALM », détaille Virginie Parent.

Les premiers bénéfices attendus sont une hausse de la satisfaction des clients et la réduction des appels entre les services et avec le réseau. Le projet doit également permettre de supprimer certaines tâches sans valeur ajoutée et de rationaliser le système d’information.

Courant 2015, le groupe SALM prévoit d’aborder les lots suivants du projet, en développant, tout d’abord, des contenus afin d’améliorer le service fourni aux consommateurs. « Nous souhaitons par exemple travailler sur la pose et la fin de chantier, en impliquant les poseurs et les vendeurs qui finalisent la fin de chantier», illustre Virginie Parent. « En équipant ces acteurs de tablettes et d’applications, ils pourraient accéder à des outils de visualisation en 3D ou des informations en temps réel. »

Enfin, le dernier lot consistera à remplacer les interfaces vers le back office AS/400 et les installer sur le nouveau système qui sera sur SAP ECC. Parmi les facteurs clefs de succès, l’équipe projet en a identifié trois qui ont joué un rôle important : le soutien des directions de l’entreprise, tant la direction générale que la DSI, la forte motivation des acteurs et le support fourni par SAP sur les solutions encore peu répandues. Le projet a été récompensé par une médaille d’or dans la catégorie « Transformation du métier » lors des SAP Quality Awards remis à l’occasion de la convention 2014 de l’USF (association des utilisateurs SAP francophones).


Trois points d’attention issus de l’expérience du groupe SALM

  1. Consacrer suffisamment de temps à l’analyse des risques et des besoins : plus le projet est important, a fortiori quand il s’agit d’un projet de transformation d’envergure stratégique, plus il est important d’identifier en amont les différents facteurs et critères nécessaires pour obtenir le retour sur investissement souhaité.
  2. Trouver le bon compromis entre l’ergonomie et l’évolutivité des applications : s’il est nécessaire d’adapter l’interface des applications frontales en fonction des utilisateurs ciblés, des interfaces trop simplifiées peuvent nécessiter des adaptations complexes en back office, qui nuisent à l’évolutivité future.
  3. Contrôler les évolutions apportées par des experts : quand plusieurs experts interviennent sur un projet, chacun sur son domaine, le manque de communication peut déboucher sur une complexité accrue des applications. Il faut donc veiller à ce que les différentes évolutions proposées s’intègrent de manière cohérente et ne diminuent pas l’évolutivité.

Les sept axes de la conduite du changement

  1. Faire adhérer les transporteurs et les plateformes,
  2. Concrétiser la démarche à travers le « go live »,
  3. Conduire le changement en interne,
  4. Montrer ce qui a été fait pour convaincre,
  5. Communiquer,
  6. Déployer,
  7. Obtenir un retour sur investissement.

Les gains obtenus

  • Réduction des retours au service après-vente
  • Satisfaction des consommateurs et croissance de 10 % des parrainages clients
  • Suppression de tâches à faible valeur ajoutée (recherche d’informations…)
  • Renforcement de la notoriété
  • Mise en œuvre de briques technologiques utilisables pour d’autres projets
  • Mise en œuvre d’une solution du marché évolutive en fonction de la croissance de l’entreprise