Les directions achats vont-elles réussir à se transformer, à l’instar des DSI qui ont depuis longtemps entamé leur mue ? La standardisation et l’automatisation des achats font-elles bon ménage avec l’achat de prestations intellectuelles ?
Le marché français du conseil en management est évalué, par Syntec Conseil en Management, à cinq milliards d’euros pour 2012 (hors audit, ingénierie, développement et intégration). Les auteurs du quatrième baromètre des achats de Syntec Conseil en Management, publié fin 2013, constatent « toujours et encore de vraies divergences entre acheteurs et consultants comme sur la question de la RSE ou des critères de sélection des acheteurs, tout comme sur le référencement qui reste un sujet sensible entre les deux parties. » Des divergences qui se retrouvent dans les estimations respectives de la qualité des relations entre consultants et acheteurs : pour les premiers, entre 2010 et 2013, cette qualité s’est dégradée, passant de 4,8 à 4,3 sur une échelle de 1 à 10. Pour les seconds, elle se serait améliorée, passant de 6,4 à 6,8, sur la même échelle.
Les acheteurs conservent certains préjugés sur les consultants, se méfiant parfois d’une profession « qui prétendait résister à un système d’analyse rationnelle et pour laquelle l’intuitu personae était très fort », analyse Katia Giancola, responsable des achats de prestations intellectuelles à la MaaF et référente pour ces mêmes achats pour l’ensemble du Groupe Covéa. Se pose en effet la question de la création de valeur, en regard des prix de journée ou des forfaits demandés. Selon Syntec conseil en management, « chaque prestation est le fruit d’une coproduction, d’un besoin souvent résumé dans un cahier des charges, mais qui peut évoluer au fil de la mission. De plus, chaque cabinet a une « patte » particulière pour approcher un sujet : il est donc nécessaire d’avoir un cadre de référence spécifique au conseil en management quand on traite des questions d’achat de prestations. »
Pour les acheteurs, la mise en place d’une grille de critères d’analyse précis pour évaluer la valeur d’une offre, les situations et les personnes impliquées, semble être une solution qui apporte une partie de la réponse, du moins dans sa dimension rationnelle. Mais « la pertinence, l’efficience, l’engagement, la capacité à se différencier, à innover et à faire monter en compétence les ressources internes via le transfert des connaissances sont autant de composantes de la valeur du conseil. Aussi subtil soit-il de les appréhender en amont, il semble essentiel à tous de les considérer dans l’approche d’achat », affirme Bertrand Maguet co-animateur du groupe Achats de Syntec conseil en management.
Quoi qu’il en soit, il est impossible pour les acheteurs de considérer que leurs pratiques sont exemptes de risques. « Les résultats ne se mesurent pas seulement avec des indicateurs rationnels, mais aussi avec des indicateurs de satisfaction plus subjectifs », ajoute Bernard Maguet, la dimension de confiance devrait donc intervenir dans l’achat de prestations intellectuelles. Mais il est aussi vrai que « les consultants ont, de leur côté, des efforts à faire pour formuler et mesurer au mieux la valeur qu’ils apportent et faire preuve de conviction pour faire comprendre leur rôle et leur apport. »
Les consultants considèrent que le prix demeure le critère prédominant dans la décision des acheteurs, 60 % d’entre eux estiment même que son poids est croissant. Ainsi, dans le classement des critères d’achat, l’innovation a chuté pour se retrouver en quatrième position selon les acheteurs et en septième position d’après les consultants. Pour Katia Giancola, de la Maaf, « il faut sortir de ce préjugé sur la prime au moins-disant. Le prix n’est pas le critère dominant dans nos grilles : il compte pour 20 à 40 %. Ce que l’on cherche, ce sont des prestataires avec une méthodologie très claire. On regarde de près la philosophie du cabinet, son expertise et son avance, la rigueur avec laquelle il aborde les questions qu’on lui pose, la réactivité et la pertinence qui transparaissent dans les réponses qu’il donne. » Mais, sur ce point, le baromètre 2013 montre que les choses n’ont pas beaucoup évolué. En effet, le monde du conseil s’inquiète plus que jamais de la part accordée au prix dans la décision d’achat qui approche… 50 % en moyenne !