L’analyse prédictive va-t-elle sauver la grande distribution ?

L’analyse prédictive est parée de nombreuses vertus. Mais les entreprises de la grande distribution restent très en retard. Les technologies d’analyse prédictive trouvent une application directe dans un domaine comme la prévision des ventes.

Cependant, celles-ci nécessitent un ensemble de compétences à la fois techniques et statistiques. De plus, le cas de Carrefour le montre, dès lors qu’il s’agit de produits spécifiques, une solide connaissance métier est nécessaire en amont, afin d’établir les liens entre des produits comparables, de reconnaître un fournisseur qui a changé de nom, de savoir sur quoi s’appuyer quand il s’agit d’un nouveau produit sans historique des ventes… Autant de compétences qu’il s’avère difficile de trouver réunies en une seule personne.

Alors, plutôt que de chercher des moutons à cinq pattes, la bonne approche consiste à associer les différents profils au sein d’une même entité, tout en prenant le temps nécessaire pour monter en compétence. D’autant que, dans la grande distribution plus qu’ailleurs, la pénurie de compétences en analyse des données est plus flagrante. Une étude mondiale publiée par The Economist Intelligence Unit pour Capgemini (1) a révélé que cette pénurie est perçue, par 65,8 % des managers des groupes de grande distribution, comme étant l’un des trois obstacles à l’analyse de données, à comparer avec 40 % pour la finance et 50,6 % en moyenne. En parallèle, la grande distribution va beaucoup investir dans l’analyse prédictive : d’après le cabinet d’études Transparency Market Research, le volume global des ventes mondiales de solutions d’analyse prédictive a progressé de 17,8 % en 2013, soit 2,45 milliards de dollars.

Ce sont les secteurs très tournés vers les consommateurs qui y recourent le plus souvent pour analyser les comportements de leurs clients : la banque, la finance, l’assurance, la pharmacie, les télécommunications et la grande distribution représentent 72 % du marché de l’analyse prédictive. La grande distribution apparaît comme le secteur le plus dynamique, du fait, notamment, des masses de données collectées sur les consommateurs et leurs comportements. Toutefois, en termes de systèmes d’information, la grande distribution a toujours été relativement en retard, faute probablement d’avoir compris l’intérêt des SI pour améliorer la performance, mais aussi pour des raisons culturelles. Selon une étude de Computer Economics (2) la distribution (aux États-Unis) consacre en moyenne 1,6 % de son chiffre d’affaires à l’IT et les auteurs de l’étude pointent « un sous-investissement par rapport aux autres secteurs économiques. »

Gartner avance une proportion similaire (1,5 % en 2012), à comparer à 6,6 % dans la banque, 4 % dans les télécoms, la santé, 3,5 % dans l’assurance, 3,3 % dans la pharmacie… Certes, selon Gartner, les budgets IT des entreprises de grande distribution ont augmenté, en 2013 et au niveau mondial, de 3 %. C’est mieux que la moyenne (2 %), mais le décalage est tel que l’on ne peut imaginer un rattrapage à court ou moyen terme. D’autant que les chantiers de modernisation sont nombreux, qu’il s’agisse de la consolidation des datacenters, de l’externalisation, de la gestion de stocks et de l’optimisation de la chaîne logistique, des passages en caisse ou de la relation client.

Cette dernière constitue aujourd’hui un vrai facteur différenciateur face aux concurrents, les consommateurs étant très volatiles d’une enseigne à l’autre. Surtout s’ils ne trouvent pas leurs produits préférés en magasin. Carrefour semble l’avoir compris en alliant optimisation de l’offre et réduction des surcoûts liés à des stocks non adaptés à la demande. L’un des efforts porte également sur la gouvernance, en particulier chez Carrefour : dans son document de référence pour ses actionnaires, le groupe insiste sur la sécurisation et la gestion des risques. Cela dit, les systèmes d’information étant très décentralisés chez Carrefour (chaque pays est responsable de son SI), ce chantier est plutôt complexe.


(1) The Deciding Factor: Big Data & Decision Making, Economist Intelligence Unit, Capgemini 2013, 24 pages.
www.capgemini.com/resources/the-deciding-factor-big-data-decision-making

(2) Retailer’s Investment in Technology: An Industry Perspective, Platt Retail Institute, septembre 2012, 11 pages.
www.plattretailinstitute.org