La prévision de la demande, un enjeu pour Carrefour

Le groupe de grande distribution Carrefour a internalisé un projet de prévision de la demande. Une activité complexe et nécessitant une large palette de compétences. Pour un groupe comme Carrefour (86,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 365 000 salariés), qui possède plus de 10 000 magasins répartis dans 34 pays, la prévision de la demande est une activité essentielle. Il y a quelques années encore, cette tâche était principalement confiée aux équipes en place dans les magasins. Néanmoins, dans le cadre d’une stratégie d’excellence opérationnelle, le groupe décide, en 2010, de centraliser cette activité.

« Il s’agissait de libérer du temps pour que les équipes en magasin puissent se consacrer aux activités de vente et de relation client », explique Claude Amice, directrice de la planification de la demande et de l’approvisionnement au sein du groupe Carrefour, qui a témoigné lors du dernier SAS Forum. Ce projet était également motivé par des questions de performance : les engagements de commande aboutissaient souvent, à l’époque, à des résultats peu satisfaisants, avec des taux d’écoulement faibles, des excès de stocks ou, au contraire, des ruptures, des démarques excessives… L’objectif du projet était donc de faire des prévisions de ventes à la place des magasins, afin que ceux-ci puissent se consacrer à leurs spécificités. « Par exemple, lors de la fête des Lumières à Lyon, il existe dans les magasins locaux une plus forte demande autour des illuminations », illustre Claude Amice.

Au départ, souhaitant avancer dans un délai très court, le groupe confie un premier lot de prévisions à un partenaire externe. « Nous avons démarré par les promotions, qui représentent près de 30 % du chiffre d’affaires. C’était un peu le caillou dans la chaussure, il y avait un vrai besoin d’avoir une meilleure adéquation entre les quantités achetées et vendues », raconte Claude Amice. Pour les autres types de prévisions, chacune avec ses contraintes et caractéristiques spécifiques, le groupe choisit d’internaliser le savoir-faire.

En 2010 est donc mise en place une Direction de la planification et de la demande, qui, dans l’organisation, se situe entre le département gérant le merchandising et celui gérant la supply chain. Ce département, alors constitué d’une vingtaine de personnes, a pour rôle de calculer les prévisions, en interaction avec les deux départements précédemment cités, ainsi que les magasins. Il s’agit de faciliter :

  • les commandes auprès des fournisseurs,
  • la production en « grand import »,
  • la réservation de capacité pour les produits de récolte, qui ne peuvent être produits sur demande (comme les petits pois par exemple),
  • la livraison aux magasins.

Dès sa mise en place, le département s’attelle à plusieurs chantiers. Parmi ceux-ci figurent notamment les prévisions pour les produits de grande consommation (PGC), pour les rayons bazar (jouets, maison, jardin, culture…), l’électroménager et les équipements audiovisuels, ou encore les prévisions pour les produits de marque distributeur ou la vente de carburant.

Des équipes complémentaires

Pour mener à bien ses missions, la Direction des prévisions est organisée en plusieurs équipes avec des compétences complémentaires : des spécialistes du décisionnel travaillent à la constitution des bases de données, cinq statisticiens modélisent les prévisions, améliorent les modèles et livrent les prévisions, enfin, des experts maîtrisant les différents métiers du groupe analysent les prévisions produites et font le lien avec les autres départements. L’une des difficultés de ces chantiers réside dans la gestion des données. « Les données qui nous arrivaient n’étaient pas forcément très propres, il y avait un important travail de nettoyage et de correction des incohérences à mener au préalable », précise Claude Amice.

Pour les prévisions sur les PGC, réalisées avec Oracle RDF, près de deux ans ont été nécessaires à la mise en place du processus. Celui-ci combine les prévisions de vente à l’article avec des modèles uplift (modèles statistiques pour prédire les comportements d’achat) et différentes contraintes techniques comme la durée d’exposition, la taille des palettes…

Plus délicates sont les prévisions pour les collections « Bazar », aussi bien permanentes que saisonnières. « Ce sont des produits très hétérogènes et pour certains avec une forte saisonnalité. Par ailleurs, il existe sur ces segments un fort turnover des fournisseurs, ce qui complique encore la constitution d’un historique des ventes », explique Claude Amice. Pour ces raisons, une analyse avant production est nécessaire. Ensuite, le groupe a deux grandes façons de procéder : soit effectuer une prévision à l’échelle nationale pour ensuite répartir les commandes dans les magasins ; soit réaliser la prévision par magasin et par article, en allant à la maille la plus fine. Si la première a le mérite d’être plus rapide, la seconde est plus précise, mais plus complexe à modéliser. Ces deux approches sont mises en œuvre avec une solution SAS, choisie pour sa rapidité de déploiement (moins de quatre mois seront nécessaires entre le démarrage et les premières mises en production), pour la diversité des options et des modèles proposés, ainsi que pour ses performances sur les plans technique et qualitatif.

« L’internalisation a permis de sentir un certain engouement auprès des opérationnels. Désormais, ils prennent en main leurs domaines, alors qu’auparavant ils n’avaient que les chiffres sans avoir l’analyse en amont », assure Claude Amice. Aujourd’hui, son objectif est de favoriser la montée en compétence et en expérience des équipes, et de disposer de modèles pérennes et fiables pour démontrer la valeur ajoutée de la prévision. Dans ce but, le département suit de près différents indicateurs, notamment sur la pertinence des prévisions, les stocks subsistants en fin de promotion ou la diminution des ruptures de stocks sur les produits en tête des ventes.

Prévision des ventes : trois approches comparées
Solution Avantage Inconvénient
Oracle RDF Industrialise et démocratise la prévision Longue mise en œuvre et dépendance à l’égard de la DSI pour les évolutions
SAS Facilite le dîploiement qui permet de valider des hypothèses et d’être réactif auprès des métiers Suppose des connaissances en statistiques
Externalisation Rapide à mettre en œuvre Effet  » boîte noire  » sur la maniЏre dont les chiffres sont produits