Les directeurs financiers étendent leurs responsabilités et leur périmètre de compétences. Avec la crise et la reconfiguration de plus en plus d’organisations vers un modèle d’entreprise numérique, la fonction financière va déborder davantage sur le système d’information.
Ça se rapproche… Les DAF grignotent progressivement le système d’information. Une analyse conjointe du cabinet Gartner et de la Financial Executives Research Foundation, publiée en mai 2012, a révélé que 44 % des DAF interrogés, au niveau mondial, ont affirmé que leur influence sur les décisions en matière d’investissements en technologies de l’information a augmenté depuis 2010. « Certes, les DAF apprécient que les technologies de l’information contribuent à la réduction des coûts, mais ils sont également attentifs à la création de valeur business de l’IT », conclut Bill Sinnett, directeur de recherche à la Financial Executives Research Foundation.
À terme, les DAF sont persuadés que leur métier va se trouver bouleversé par les technologies de l’information. Le baromètre de la fonction DAF 2012, publié à l’occasion du Congrès des DAF, a montré que huit DAF sur dix sont persuadés que leur fonction sera touchée par les évolutions technologiques.
Que vont faire les DAF ? D’ores et déjà, ils peuvent agir à travers leur proximité hiérarchique avec les DSI. Selon une étude CIOnet parue en 2012, 32 % des DSI européens reportent à leur directeur financier. Les DAF peuvent également agir par l’extension de leurs périmètres de responsabilités. S’après une étude du cabinet de recrutement Michael Page International publiée en octobre 2012 et menée auprès de 4 438 DAF de quarante pays, si leur cœur de métier reste évidemment la finance, la plupart des DAF français (96 %) assument des responsabilités dans d’autres domaines, notamment en matière juridique et de ressources humaines.
« Du fait de la persistance de la crise et d’une conjoncture économique qu’ils sont 79 % à juger mauvaise, les DAF français considèrent l’optimisation des processus comme une priorité pour leur entreprise, de même que les projets d’optimisation des coûts et la réduction des charges fixes », notent les consultants de Michael Page International. L’étude Global CFO Study, menée régulièrement par IBM auprès de 1 900 DAF dans le monde entier, concluait déjà, dans sa dernière édition (2010) que « leur influence dépasse largement le cadre classique du contrôle et de la supervision financiers : 72 % des CFO participent aux décisions sur la stratégie de gestion de l’information ».
C’est d’ailleurs sur ce point que le bât blesse : selon la Global CFO Study, 73 % des DAF considèrent que l’intégration de l’information à l’échelle de l’entreprise est importante mais seulement quatre sur dix estiment qu’elle est efficace dans leur organisation.
Une « mutation génétique » du DAF
La crise a en effet changé la donne pour les DAF. Il s’agit aujourd’hui, au-delà d’optimiser les processus et de réduire les coûts, de doper la productivité et la performance. Autant de chantiers qui ne peuvent que passer par les technologies de l’information. Celles-ci sont même incontournables dès lors que nombre d’organisations deviennent des entreprises numériques, avec un modèle de développement qui va devenir la norme. Il ne s’agit plus, pour les DAF, comme par le passé, dans les années d’avant-crise, de se contenter de juste garantir un niveau minimum de rentabilité des entreprises, de maîtriser les risques et de traiter les aspects comptables. Il s’agit désormais de se focaliser sur le cash-flow, l’équilibre structurel du bilan et de réduire les besoins en fonds de roulement.
Résultat : les DAF ont d’ores et déjà obtenu davantage de pouvoir(s). Selon le baromètre de la fonction DAF 2012, sept sur dix participent aux comités de direction ou comités exécutif, et même un sur trois a intégré le conseil d’administration. « Le DAF « traditionnel » doit laisser place à un DAF ouvert et stratège », concluent les auteurs du Baromètre. Selon un autre baromètre (Baromètre Phi 2012) publié par la SSII CSC, six directeurs financiers sur dix estiment que leur principale préoccupation est de définir la vision stratégique dans un contexte incertain et, pour un sur deux, de concilier croissance et prise de risque acceptable.
Une analyse du cabinet Ernst & Young sur « l’ADN du DAF », publiée en 2010, expliquait également que « les attributions du DAF se développent au-delà de son cœur de métier technique dans un rôle qui est davantage stratégique, les meilleurs professionnels ont fait évoluer la fonction et ont contribué à la repositionner en véritable business partner en effaçant la perception quelque peu démodée de simple « garde-fou » financier ».
Il est fort probable, et le mouvement est déjà largement engagé, que le DAF fasse l’objet d’une « mutation génétique », à l’image de celle que beaucoup de DSI ont déjà connue. C’est d’ailleurs une opportunité, pour les DSI, d’accompagner les DAF. Lors du dernier congrès de Gartner à Barcelone, Barbara Gomolski, analyste du cabinet d’études, a rappelé « qu’un DAF sur deux (47 %) ignore comment l’information va changer son secteur économique à un horizon de cinq ans ».
Essayer de comprendre ce qui va se passer : voilà un chantier qui peut rapprocher les DSI et les DAF, histoire de désamorcer les velléités des DAF d’imposer leur vision dans une logique de prédateur sur la fonction SI…
Les priorités IT des DAF | |||
1er choix | 2e choix | 3e choix | |
BI, analytique, management de la performance | 25 % | 22 % | 17 % |
Applications d’entreprise (ERP, suite financière…) | 27 % | 15 % | 7 % |
Stockage de données et de documents | 4 % | 9 % | 14 % |
Technologies pour la mobilité | 5 % | 9 % | 9 % |
Efficacité du management du SI | 5 % | 4 % | 9 % |
Source : Gartner, 2012. Financial Executives International CFO Technology Study. |
Du DAF au CPO : les éléments de la mutation génétique des directeurs financiers | |||
DAF | CFO | CPO (Chief Performance Officer) | |
Le DAF est … | Un spécialiste, homme de finance | Quelqu’un chargé de rationaliser, un homme de métier | Un leader, homme de réseaux |
Avec une stratégie qui repose sur… | La capitalisation sur son expérience et la gestion des processus internes | Le renforcement de son positionnement dans l’entreprise | La conquête de nouvelles sources de création de valeur |
Et une attitude plutôt… | défensive | d’accompagnement | proactive |
Et un statut qui est… | Plutôt une fonction support | De plus en plus partenaire des métiers | Résolument créateur de valeur |
Pour quel périmètre couvert ? | La direction financière | L’entreprise ouverte | L’entreprise numérique /l’écosystème |
Avec quels outils principaux ? | Tableurs, ERP, reporting… | Management de la performance, décisionnel, dématérialisation… | Réseaux sociaux, outils collaboratifs, analyse prédictive, dématérialisation |
Le niveau de décision est… | Plutôt tactique => Le DAF parle aux financiers et à la direction générale | Plutôt opérationnel => Le DAF parle aux métiers | Plutôt stratégique => Le DAF parle à l’écosystème |
Avec des domaines de compétences basés sur… | Expertise technique, comptable, règlementation/finance/juridique | business models, organisation, économie, risk management, relation client | Économie/ business models numériques, innovation, leadership, communication, négociation, communication, marketing de la DAF, connaissance de la chaîne de valeur |
Source : Digitalonomics. |